Limoges Métropole s’engage à réduire la pollution lumineuse


Il est possible de réduire la pollution lumineuse pour favoriser la biodiversité des animaux crépusculaires et nocturnes.

Il est possible de réduire la pollution lumineuse pour favoriser la biodiversité des animaux crépusculiares et nocturnes.Mathieu Fontaine
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Temps de lecture 6 min

Publication PUBLIÉ LE 23/07/2021 PAR Corinne Merigaud

Partir à la découverte des animaux nocturnes et admirer la splendeur d’un ciel étoilé, voilà le programme des trois soirées proposées par Limoges Métropole les 30 juillet, 27 et 30 août à partir de 20 h. Dans le cadre de ses actions autour de la trame nocturne ayant pour objectifs de lutter contre la pollution lumineuse, de préserver la biodiversité et de favoriser les économies d’énergie au niveau de l’éclairage public, la communauté urbaine invite le public cet été en partenariat avec l’association d’astronomie ADAES, la LPO et le Groupe mammalogique et herpétologique du Limousin qui étudie les chauves-souris.

Observer des rapaces nocturnes, des chauves-souris, admirer la beauté d’un ciel étoilé avec des astronomes avertis et partir en balades acoustiques, tel est le programme concocté par Limoges Métropole en lien avec l’association d’astronomie ADAES, le GMHL et la LPO. Trois soirées gratuites, accessibles dès 7 ans, seront organisées à partir de 20 h cet été. La première aura lieu le 30 juillet sur le terrain de football de Solignac. La seconde est prévue le 27 août au stade d’Aureil et la dernière, le 30 août, à l’espace Crouzy de Boisseuil. Pour assister à ces animations gratuites, le pass sanitaire est obligatoire à partir de 18 ans pour les deux premières et dès 12 ans pour la dernière (sauf changement gouvernemental). Il n’est pas nécessaire de s’inscrire. Les dates et lieux pouvant être modifiés en fonction de la météo, les participants peuvent se renseigner auprès des mairies concernées ou de la communauté urbaine et sur la page Facebook de Limoges Métropole.

Ces observations seront possibles grâce aux actions menées par Limoges Métropole contre la pollution lumineuse qui nuit à la biodiversité et à la santé humaine. « Les soirées se déroulent en trois phases, d’abord la découverte des rapaces nocturnes avec la LPO du Limousin, explique Julie Sowa-Doyen, en charge des trames, puis nous partirons en balade acoustique pour écouter les chauves-souris crépusculaires et nocturnes avec la GMHL grâce à du matériel qui retranscrit les ultra-sons et nous observerons les étoiles avec les astronomes amateurs. » Ces soirées organisées depuis trois ans rencontrent un franc succès avec une centaine de visiteurs. Le partenariat avec la Région permet de renouveler ces animations pour trois ans.

Des trames vertes et bleues dès 2012

Limoges Métropole a été l’un des premiers EPCI en France à se doter d’une trame verte et bleue dès 2012. Cette trame locale représente les réseaux écologiques du territoire communautaire et permet de réaliser un aménagement urbain en harmonie avec l’environnement. En parallèle, des scientifiques commençaient à alerter les élus et les collectivités sur les nuisances générées par la pollution lumineuse sur la biodiversité et notre santé. En 2017, une étude a été lancée pour réaliser une trame nocturne à l’échelle des vingt communes en croisant des données d’éclairage public et celles des espèces animales les plus fortement impactées par le halos lumineux, en l’occurrence les chauves-souris.

Un groupe d’experts pluridisciplinaires de la pollution lumineuse, de l’environnement et de l’écologie a été chargé de cette étude, avec le soutien de la Région. Lors de la première phase, un inventaire des chauves-souris a été réalisé car elles sont de bons indicateurs de la pollution lumineuse. Les dispositifs lumineux publics ont été recensés dans chaque commune avec leurs caractéristiques et mode de gestion. Lors de la deuxième phase, une carte de la trame nocturne a été élaborée au niveau de l’agglomération puis de chaque commune. Ces cartes présentent les cœurs de nature, à savoir les zones les mieux préservées de cette pollution, et des corridors écologiques c’est-à-dire les chemins qu’utilisent de préférence les espèces crépusculaires et nocturnes pour se déplacer et accomplir leur cycle de vie. Ces cartes présentent aussi les zones de conflit entre la trame nocturne et les aménagements lumineux. La dernière étape consistait à créer des plans d’actions afin de diminuer, voire de supprimer, ces zones de conflit dans une optique de préservation de la biodiversité locale.

Préserver les espèces de chauve-souris

Les travaux menés entre 2018 et 2020 ont abouti à plusieurs conclusions. Tout d’abord, il existe une grande diversité d’espèces de chauves-souris sur le territoire communautaire, en moyenne de 14 espèces différentes par commune, et jusqu’à 18 en zone rurale, qui sont toutes protégées. L’étude a démontré que leur activité de chasse nocturne se concentre en première partie de nuit et en fin de nuit. Toutefois, les espèces contactées sont en majorité les moins sensibles à la lumière. Les plus sensibles, appelées lucifuges, sont contraintes de restreindre leurs zones de chasse et leur habitat aux secteurs les plus éloignés de la ville. En outre, les communes ne sont pas au même niveau de réorganisation de leur parc d’éclairage. Certaines ont déjà changé leurs équipements, notamment par des ampoules leds. D’autres ont réduit la durée d’éclairage avec une extinction en cœur de nuit. Chaque commune met à disposition des autres son plan d’actions qui présente les différentes opérations ciblées.

De plus, la Direction des espaces naturels a présenté à chaque commune les fiches qui lui sont dédiées et assure l’assistance technique auprès des élus pour mettre en place des mesures visant à réduire la pollution lumineuse. Chaque plan d’actions communal dispose de trois axes d’intervention pour agir sur les caractéristiques des points lumineux (conseils sur le choix des lampes selon leurs caractéristiques, orientation des candélabres…), réorganiser dans l’espace ces points lumineux et moduler l’éclairage dans le temps (extinction des parkings et enseignes commerciales, gestion de l’allumage sur des durées définies, mise en place de systèmes d’éclairages automatisés). « Dix-huit communes ont été visitées et chacune a adopté son propre plan précise-t-elle, certaines ont diminué la durée d’éclairage passant à 22h30 au lieu de 23h30 ou minuit, ce qui laisse une heure de plus aux chauve-souris qui sortent de leur gite au crépuscule pour chasser et se reproduire. La plupart du temps, nous préconisons un non allumage à 22h30 de la mi-mai à la mi-septembre. Ce n’est pas une mesure contraignante. »

Les chauves-souris dont certaines sont lucifuges, sont fortement impactées par la pollution lumineuse pour chasser et se reproduire.Julien Barataud GMHL

Les chauves-souris dont certaines sont lucifuges, sont fortement impactées par la pollution lumineuse pour chasser et se reproduire.

Lutter contre les idées reçues

Les élus ont bien saisi l’intérêt financier à réduire la durée de l’éclairage public d’autant plus qu’une loi votée en décembre 2018 les contraint à renouveller leurs équipements. « C’est un sujet dont s’emparent les collectivités depuis peu remarque Emilie Rabeteau, vice-présidente en charge de la transition énergétique. Maintenant nous accentuons le message sur l’impact de la pollution lumineuse sur la biodiversité pour que les animaux reviennent sur un secteur s’ils étaient partis à cause des rideaux d’éclairage qui les empêchaient de se nourrir et de se reproduire. Certaines chauveS-souris se nourrissent d’insectes autour des lampadaires ce qui destabilise leurs pratiques, certaines populations ne se croisent plus et la reproduction baisse. »

L’idée de revoir un ciel étoilé fait l’unanimité mais certains ont du mal à s’affranchir d’habitudes ancrées de longue date. « Il faut se rappeler que l’arrivée de l’éclairage public fut un progrès considérable souligne la vice-présidente, le falotier était chargé d’allumer les réverbères dans sa rue. Aujourd’hui, revoir les étoiles fait consensus ! Les réticences face à l’extinction de l’éclairage émanent d’abord des riverains. A la campagne, ils craignent de se faire cambrioler alors que les cambriolages ont lieu en journée. En ville, c’est la peur de se faire agresser dans la rue qui prévaut. Pour lever ces freins, il faut sensibiliser la population, lutter contre les idées reçues pour que les mentalités évoluent. »

L’interdiction des spots au sol et de l’éclairage vers le ciel pour mettre en valeur des monuments ou des plans d’eau va dans ce sens. « Les syndicats d’éclairagistes qui étaient montés au créneau quand cette loi est passée réfléchissent à de nouveaux systèmes pour éclairer le patrimoine bâti par le haut constate-t-elle, les fournisseurs d’équipements commencent à concevoir de nouvelles ampoules leds plutôt ambrées de couleur orangées comme les aniciennes ampoules au sodium pour remplacer les leds blanches qui éblouissent et sont plus impactantes pour la biodiversité. »
Limoges Métropole a lancé plusieurs expérimentations sur des technologies d’éclairage public innovantes avec le programme « Luminov » et « Luciole » pour préserver la biodiversité. Avec notamment la détection automatique de mouvements qui déclenchent l’allumage couplé à un enrobé plus blanc. Le label « village étoilé » est désormais détenu par la moitié des communes de la communauté urbaine. « C’est un atout en terme d’attractivité de nouveaux habitants assure-t-elle, des Parisiens qui ont toujours connu un lampadaire sous leur fenêtre recherchent cette qualité de vie, le ciel étoilé en fait partie. Nous avons donc tout à y gagner et rien à perdre. Et pourquoi pas décrocher le label territoire étoilé ! »

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