Portrait – Hélène Budzinski, pour une pollinisation des sciences


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Temps de lecture 3 min

Publication PUBLIÉ LE 23/10/2010 PAR Joël AUBERT

Le bureau d’Hélène Budzinski a vue sur le petit parc du campus. Une configuration parfaite pour encourager les recherches de cette scientifique de renom, dont les travaux ont affaire avec la nature qui nous entoure. Ou plutôt : avec les pollutions qui rongent notre environnement. Un domaine scientifique qui, il y a peu encore, n’était pas reconnu à sa juste valeur.

Un parcours détonant
Petite, Hélène Budzinski ne s’imaginait pas travailler dans le secteur environnemental. Pourquoi pas vétérinaire, à la rigueur, mais « l’envie n’était pas assez forte »… Elle s’oriente donc, brillamment, sur les voies de la chimie analytique, une branche de la discipline dont elle apprécie « le côté ludique ».

En 1993, joli coup double : elle soutient sa thèse et réussit le concours d’entrée au CNRS.
Alors que ses travaux de doctorante et de post-doc relevaient de la géochimie organique pétrolière (étude des composés du pétrole afin d’en définir la provenance), elle se plonge de l’autre côté de la matière, pour analyser la présence et le devenir des hydrocarbures pétroliers en milieu aquatique; c’est le programme de recherche GDR HYCAR. Une spécialité qui lui permet, par exemple, d’intervenir en tant qu’experte pour analyser les conséquences de la catastrophe de l’Erika sur les marais salants de Guérande, dans le cadre de l’ITOPF , service d’expertise du FIPOL.

Traque aux pollutions médicamenteuses
Ses recherches s’élargissent ensuite à d’autres « contaminants organiques », résidus de PCB, pesticides, substances pharmaceutiques et autres détergents qui sont aussi présents dans les milieux aquatiques : « l’environnement est manifestement impacté, il regorge de tout type de molécules médicamenteuses : leur présence est liée à notre consommation de médicaments. Les molécules les plus présentes sont celles que nous consommons le plus, ou alors les plus stables et les moinsdégradées dans les stations d’épuration ». Certains élevages sont également à l’origine de forts taux de concentration dans l’environnement.

Ceci étant, les chercheurs n’ont encore pas assez de recul pour affirmer que les taux ont évolué ces dernières années : « on cherche à comprendre, on classifie, on priorise les sources » explique Hélène Budzinski avant de préciser qu’il serait nécessaire, pour limiter les pollutions liées à ces résidus, « d’améliorer les traitements et de gérer toute la chaine en amont ».

Si les conséquences de ses molécules ne sont pas encore strictement déterminées, leurs effets toxiques commencent à être identifiés en laboratoire : il s’agit là de travaux reconnus, indispensables dans l’instauration de normes de qualité et de réglementations. Des travaux qui croisent les points de vue et agrègent les apports de différentes disciplines… Chose dont le monde des sciences dures n’est pas toujours adepte.

Le Grenelle, accélérateur de reconnaissance scientifique
Mais les consciences évoluent : le Grenelle de l’environnement et le grand emprunt ont fait bouger les lignes de sa discipline, « ils ont poussé à la reconnaissance de mon domaine d’expertise : l’environnement est une science qui dérange, certains scientifiques ne le l’estimaient pas comme un domaine noble, car trop appliqué ! ». A terme, il serait nécessaire de sortir du formatage disciplinaire propre à la logique cartésienne française, estime-t-elle : « contrairement à d’autres secteurs, nos recherches sont mues par la question posée, non par la discipline. Nous avons besoin d’intégrer de nombreux apports, y compris des sciences humaines et sociales ».

Et il n’y a aucun doute : Hélène Budzinski est une vraie scientifique. « On me sollicite régulièrement en tant qu’experte, mais je préfère la recherche. Naturellement, je me garde de faire du militantisme politique : on peut le devenir vite, et ce n’est pas bien. Notamment auprès des étudiants que je pourrais influencer » précise-t-elle, reconnaissant aussi que la transition que vit actuellement le monde de la recherche est complexe : « la restructuration prend du temps et cela peut être fatiguant ! »

Ni vacance ni week-end depuis plus d’un an
De la fatigue, la jeune (femme) en accumule. Mais cela ne transparaît pas : son dynamisme va de pair avec un engagement à 100% dans son métier. Lorsqu’on lui demande si son quotidien est altéré par sa connaissance des pollutions, Hélène Budzinski répond qu’elle gère son risque et accepte les conséquences. « Je ne suis pas anxieuse » ajoute-t-elle, en déplorant toutefois le manque d’informations transmises au grand public : « il existe une fâcheuse tendance à la déresponsabilisation de la population. On ne peut pas être protégé de tout, mais lorsque l’on est suffisamment informé, chacun peut faire des choix éclairés, en toute connaissance de cause ».

Si elle avait un vœu à formuler pour l’avenir, ce serait celui d’une ouverture plus large des frontières entre disciplines : « nous avons besoin d’un plus grand respect de l’apport des autres sciences. Nous devons prendre le temps de l’appropriation et de la co-construction. La juxtaposition des disciplines n’est plus de mise aujourd’hui ! ». En somme, de quoi élaborer un environnement méthodologique pollinisé par des composants organiques venus d’autres sciences…

Anne-Sophie Novel

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