Projet éolien marin : quelle place pour la biodiversité ?


Le projet de parc éolien en mer au large d'Oléron est en consultation publique jusqu'à fin février. Son intérêt sur le plan environnemental fait débat.

Illustration éoliennes en merDR
Copier le lien Partager sur FaceBook Partager sur Twitter Partager sur Linkedin Imprimer
Temps de lecture 5 min

Publication PUBLIÉ LE 12/01/2022 PAR Anne-Lise Durif

Depuis le 30 septembre 2021 se tient une vaste consultation publique, en Charente-Maritime et en Gironde, concernant le projet d’implantation d’un parc éolien offshore au large de l’île d’Oléron, pour l’instant unique projet du genre près des côtes néo-aquitaines. Porté par l’Etat et Réseau de transport électrique (RTE), le dossier prévoit un parc de 66 éoliennes de 260 mètres de haut, pour une puissance installée entre 500 MW et 1000 MW. Les premiers débats, houleux, ont permis de faire évoluer le périmètre pressenti, d’une zone de 300 km2 à 743 km2, début décembre. Dès lors, la commission du débat public a décidé d’accorder un mois supplémentaire à la consultation.

Les trois premiers mois de consultation ont fait émerger bon nombre d’inquiétudes de la part des élus, habitants et associations locales. Parmi les préoccupations évoquées, près d’un tiers concernait l’impact de l’infrastructure sur la faune et la flore marine. Dans l’ensemble, ce n’est pas tant l’énergie éolienne en soi qui est contestée mais le zonage choisi. Le périmètre défini par l’Etat se situe au sein du Parc naturel marin de la mer des pertuis et de l’estuaire de la Gironde, créé en 2015 pour « préserver la biodiversité » et « accompagner les acteurs maritimes dans le respect de cet environnement ».

Au cœur de ce domaine de 6500 m2 se trouvent deux zones Natura 2000, dont une classée en zone de protection spéciale (ZPS) pour les oiseaux. Le projet de parc éolien s’étend sur les deux. Un « projet absurde » sur le plan environnemental, selon les associations de protection de la nature. De la Ligue de protection des oiseaux (LPO) à France Nature Environnement (FNE), les naturalistes n’ont eu de cesse prévenir : dans ce couloir de vents des migrateurs, les pales des éoliennes feraient office de hachoirs géants pour la faune volante. Sans compter l’impact sur les fonds marins que causeraient l’enfoncement des pieux et le creusement des tranchées de raccordement des éoliennes au réseau électrique.

La parole aux experts

Devant cette problématique majeure, la Commission nationale du débat public (CNDP) a organisé trois réunions thématiques entre début janvier et fin février, afin d’entendre la parole des experts. Une première table-ronde a réuni le 5 janvier une vingtaine de chercheurs et de naturalistes travaillant pour la LPO, la FNE, le Parc Marin, l’université de La Rochelle et des bureaux d’études. Cette première audition a surtout permis de faire un point sur l’ensemble des données à disposition, recensées ces derniers mois par un bureau d’études : essentiellement des cartes et des suivis de populations faunistiques issus du travail des associations environnementales du territoire, du Parc Marin, de l’Observatoire Pelagis et d’études étrangères.

« S’il leur arrive quelque chose chez nous, l’impact  se verra plus tard sur les sites de reproduction, dans le nord de l’Europe ».

Présent lors de ce rendez-vous, Cédric Marteau, directeur de recherches de la LPO, espère que le regroupement de connaissances permettra à court terme d’établir une sorte de cartographie globale superposant toutes ces données, dans laquelle se dessineraient tous les enjeux environnementaux, facilitant leur lisibilité. « Le problème, c’est qu’on travaille chacun à des échelles différentes – hyper locale, régionale, nationale ou plus, et que la qualité des données n’est pas la même. Il faut réussir à croiser les données sans en cacher une derrière une autre », explique le chercheur.

« Par exemple, une espèce rare ne sera pas forcément détectée lors d’un suivi saisonnier, ce qui ne veut pas dire qu’elle n’est pas présente sur un territoire. Or, c’est justement ces espèces rares qu’on essaye de protéger.  Mais en même temps, ça ne veut pas dire que les enjeux sont moins importants sur des populations dont les effectifs sont forts. Quand un territoire est reconnu pour abriter 1% de la population mondiale de certains oiseaux, comme c’est le cas des pertuis charentais, ca veut dire qu’il regroupe ponctuellement des millions d’oiseaux venus d’un peu partout dans le monde et que nous avons la responsabilité de les protéger le temps de leur séjour chez nous pour qu’ils puissent y retourner ». Il cite en exemple les pingouins, les guillemots et les macareux moines qui viennent hiverner sur les côtes charentaises. « S’il leur arrive quelque chose chez nous, l’impact  se verra plus tard sur les sites de reproduction, dans le Nord de l’Europe ».

Le cumul des impacts, le scénario catastrophe

Ce que craignent surtout les associations environnementales avec le projet éolien d’Oléron, c’est le cumul des impacts sur les populations de migrateurs. D’autres projets similaires étant prévus en Mer du Nord, en Manche et en Atlantique, ces parcs seraient autant d’obstacles pour les oiseaux sur leur route. Pour la LPO, l’installation d’un champ d’éoliennes en mer doit donc se penser à l’échelle de l’Europe et pas seulement local. « Un seul parc pourrait encore être acceptable en termes de pertes. Mais s’il y en a 4 ou 5 sur cette voie migratoire, on ira vers une baisse catastrophique des populations », prévient Cédric Marteau.

Depuis l’ouverture des débats, les associations environnementales demandent le retrait du périmètre défini par l’Etat de la zone Natura 2000. « On sait, grâce à des études de terrain sur l’éolien terrestre, que les impacts sont très forts dans les zones Natura 2000, car ce sont des sites très riches en biodiversité. Pour résumer, une forte concentration d’oiseaux n’est pas compatible avec une forte concentration de mâts d’éoliennes », appui  Cédric Marteau.

La LPO rappelle que le dernier rapport du GIEC précise que la transition énergétique ne doit pas se faire au détriment de l’environnement. « Nous devons donc réfléchir pour que cette transition se fasse avec des impacts limités », estime le chercheur. En plus d’une révision du périmètre, la LPO attend des solutions en matière de technologies de la part des porteurs de projets : hauteur de mâts, taille des pâles, puissance, système de bridage ou d’arrêt des pâles à l’approche de la faune volante, etc. Quid de la possibilité de convertir ce projet d’éoliennes fixes en mer en éoliennes flottantes ? Cette solution permettrait d’éviter le creusement des sols marins et de s’éloigner de la côte.

Les prochaines réunions « environnement » porteront sur les activités socio-économiques dans l’écosystème du parc naturel marin, le 1er février, puis sur la procédure « éviter, réduire, compenser », le 10 février. D’autres tables rondes thématiques sont également prévues sur la pêche, deuxième grand sujet d’inquiétudes des Charentais-Maritimes. Sur son site internet, la CNDP promet également des réunions en février sur le modèle économique et financier de l’éolien en mer à l’horizon 2030, sur les recommandations à effectuer pour le futur appel d’offres et sur les scénarios pour le projet de parcs éoliens en mer en Nouvelle-Aquitaine.

Ça vous intéresse ?
Partagez l'article !
Copier le lien Partager sur FaceBook Partager sur Twitter Partager sur Linkedin Imprimer
On en parle ! Charente-Maritime
À lire ! ENVIRONNEMENT > Nos derniers articles