Tensions autour d’un projet d’éolien offshore au large d’Oléron


Anne-Lise Durif
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Temps de lecture 4 min

Publication PUBLIÉ LE 08/11/2016 PAR Anne-Lise Durif

Côté face, la vitrine est belle, avec ses créations d’emplois, un développement conséquent de l’activité du port de La Rochelle et des partenariats avec des entreprises de la région pour la fabrication et/ou la maintenance des diverses pièces. Coté production, les 500 Mégawatts promis suffiraient à couvrir la consommation de la Charente-Maritime, promet encore WPD Offshore. Sans compter la taxe, prévue par l’Etat sur les parcs éoliens, dont une bonne partie retomberait dans l’escarcelle des collectivités locales concernées. Les retombées promises ont suffisamment emballé les élus de la communauté de communes d’Oléron, pour qu’ils écrivent un courrier au gouvernement afin de demander que le projet soit inscrit au 4e appel d’offre lancé par L’Etat (1). La Ville de la Rochelle et la Région affichent également leur soutien, au point d’organiser un grand rassemblement sur un bateau de croisière, lundi 7 novembre, avec des entrepreneurs de l’éolien et des activités connexes, pour vanter les mérites du projet, à la veille du lancement des Assises de la Mer. François Hollande est d’ailleurs attendu à ces Assises, et les élus charentais-maritime sont nombreux à espérer que le président donnera officiellement sa position concernant ce projet.

Des questions ….

Côté pile, le projet soulève pour le moment bien des questions d’ordre environnemental, sur lesquelles ne manquent pas de mettre le doigt les associations de protection de la nature, comme Nature Environnement 17, la Ligue de protection des oiseaux (LPO), Natvert, Ré Nature environnement. Première pierre d’achoppement : le projet se situe au cœur d’une zone Natura 2000, qui classe le site depuis avril 2015 comme aire sensible et protégée. Or, un parc éolien aurait irrémédiablement un impact sur la flore et la faune marine, en mer, mais aussi en l’air. « La couche superficielle de la terre sous-marine produit du phytoplancton et des sédiments qui servent de nurserie et de garde-manger à un certain nombre d’espèces de faune et de flore. L’enfoncement des pieux et la pose des câbles, à 1m40 de profondeur, avec des travaux sur 3 à 4 ans, vont déstabiliser les sédiments, très volatiles, et ses habitants, privés de nourriture et de leur habitat », prévient Pierre Le Gall, enseignant chercheur en biologie marine et océanographe à la retraite. Couplé aux vibrations engendrées par les moteurs des éoliennes et aux chocs des vagues sur les pilônes, les poissons migrateurs comme l’esturgeon, et les mammifères marins, comme les dauphins, très présents sur la zone, et qui se dirigent au sonar, pourraient déserter, faute de pouvoir s’orienter. Un argument que la société WPD Offshore balaie d’un revers de main, assurant que sur « certains sites » d’éolien offshore, notamment en mer du Nord, « les poissons sont revenus » et « les pêcheurs avec ». Mais la configuration et les paramètres des parcs éoliens de la mer du Nord sont bien évidemment différents de l’Oléronais.

…l’inquiétude de la LPO

La LPO s’inquiète elle aussi de l’emplacement du projet, situé sur un axe migratoire important et entre deux « zones de protection spéciale » (ZPS) des pertuis Charentais et de Rochebonne, où nichent et se reproduisent des espèces rares ou en danger d’extinction, comme le Puffin des Baléares. Selon la LPO, les rares études d’impact sur l’éolien existantes ont démontré que les oiseaux migrateurs sont les premières victimes des pales des éoliennes. « Et on retrouve deux fois plus de cadavres quand les éoliennes sont implantées à moins d’un kilomètre d’une ZPS », précise Goeffroy Marx, responsable éolien et biodiversité à la LPO. Selon Nature environnement 17, les chauves-souris seraient également concernées (certaines espèces peuvent s’aventurer jusqu’à 80 km des côtes, ndlr).

Les associations environnementales s’inquiètent également de l’emplacement du site sur une zone sismique, non loin de l’épicentre du dernier tremblement de terre qu’a connu la Charente-Maritime au printemps. Elles demandent à ce que soit réalisée une véritable étude sismique, avec des professionnels indépendants, pour connaître les risques.

Ultime pierre d’achoppement : l’impact paysager. Le problème ne serait pas tant en mer que sur terre. Pour raccorder les éoliennes à la terre, le réseau de câbles à haute tension devra passer par la presqu’île d’Arvert, et donc par la forêt de la Coubre, pour aller jusqu’à son point de raccordement à Saintes, avec peut-être une zone intermédiaire à Saujon.

Mais ce qui interpelle le plus les associations environnementales, c’est une lettre de l’Agence des aires marines protégées, écrite à la préfète de Charente-Maritime en juillet 2015. Cet organisme de l’Etat y précise qu’au vue des « enjeux forts » environnementaux (les mêmes que ceux soulevés par les associations), « l’inscription en tant que telle en zone propice au développement de l’éolien offshore dans la zone « sud Oleron » serait de nature à compromettre les engagements pris par la France au titre de la directive Oiseaux ». Les associations espèrent que l’Etat ne désavouera pas.

 

(1)    Rappel : l’Union européenne a fixé en 2007 de porter à 23% la part des énergies renouvelables dans la consommation d’électricité à l’horizon 2020, que ce soit en éolien terrestre, maritime ou de l’hydrolique ou du photovoltaïque. L’Etat a déjà lancé ainsi trois « appels d’offres », c’est-à-dire des sortes d’appels à projets sur des territoires définis par l’Etat.


Mise à jour le 27/01/17 : Suite à l’approbation par la ministre Ségolène Royal d’ouvrir l’appel d’offre pour un projet éolien offshore sur la zone, le préfet de Charente-Maritime a annoncé lors de ses voeux du 27 janvier, que l’appel d’offres serait lancé entre fin 2017 et début 2018, et ouvert le plus largement possible (non pas à une seule entreprise). Avant cela, il a annoncé reprendre les réunions de concertations avec les acteurs socio-professionnels impliqués, dont les associations environnementales, et les élus des bassins de vie concernées (Oléron et la Presqu »ile d’Arvert), notamment par le passage des lignes de raccordement. Des réunions publiques avec la population locale seront également programmées, a assuré Eric Jalon. 

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