TnBA – Rencontre avec Wajdi Mouawad en avant première…


Alexandro Barsetti
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Temps de lecture 3 min

Publication PUBLIÉ LE 09/04/2008 PAR Joël AUBERT

Une langue singulière, traversée des pays et civilisations qui l’ont accueillies, imprégnée de questionnements et d’attentes face à cette identité à jamais éraflée, égarée dans les méandres de son itinéraire personnel. Une écriture telle un chemin de croix, long et sinueux mais dans lequel les mots viennent panser les plaies.

« Ecrire est une asphyxie dans une mer située en nous »

En guise de présentation, l’auteur préfère nous convier à une lecture. Celle d’une œuvre écrite de sa plume, contant les origines d’une histoire et les sentiments que peuvent traverser le corps d’un homme lorsqu’il s’agit de mettre en mots des situations. Dans les lignes qu’il nous lira, il y sera question du « poisson soi », une métaphore filée de la source dans laquelle l’écrivain puise pour trouver sa curiosité et son besoin d’écrire. Car s’il existe évidemment une notion de plaisir dans l’écriture, chez lui, il semble qu’il y ait avant tout une urgence à dire le monde, à chercher au plus profond de soi sa véritable identité et à répondre à des interrogations sur les notions d’exil, d’errance et de transmission. Paradoxe de l’écrivain, ce geste qui le consume dans une noyade « à la recherche de poissons soi horribles et magnifiques »,n’en est pas moins salvateur. Lui qui avoue, timidement, qu’il n’aurait pu en être autrement, que dans l’acte d’écrire réside une tentative d’oublier la douleur et qui nous fait l’intime confession d’un malaise sourd mais ancré, au point de devoir à tout prix l’évacuer.

A la recherche d’Europe
Après cet aveu, vient le moment de la détente et l’opportunité de découvrir le large panel stylistique de l’auteur. A entendre l’accent canadien et le registre chartier du jeune Sylvain Murdock dans « Assoiffé », on comprend que Wajdi Mouawad ne perd pas une miette du monde qui l’entoure. De l’antagonisme trans-générationnel classique parent-enfant (exprimé avec beaucoup d’humour) aux tragédies grecques, il analyse et décortique avec finesse, par les mots, cette langue chaude qui le caractérise, les plus grands ou plus intimes conflits. Dans « Le Soleil ni la mort… », il s’attaque aux fondations de la ville de Thèbes et aux différents dommages collatéraux, s’appuyant sur les écrits des anciens, ceux de Sophocle, Euripide ou Eschyle. Ayant répondu au souhait de Dominique Pitoiset d’écrire une grande fresque sur cette ville, il compile en un texte fleuve les périples de Cadmos etLaïos jusqu’aux rivages de Sophocle, là où ce dernier entame la narration de l’errance d’Œdipe. Trois récits donc pour trois personnages mythiques vus sous l’angle particulier d’un exilé apatride et multiculturel. Trois élégantes façons de poser encore une fois les questions de la destinée, de la révélation au monde et aux êtres, de la relation à la catastrophe : qu’est-ce qui fait que le vivant continue à engendrer du vivant même sur un champ de ruines ? Complice de Dominique Pitoiset, à la fois tributaire et exécuteur de sa volonté, il concède, en sa présence, préférer ne pas être assimilé à un auteur, le plus important étant pour lui la relation aux spectateurs et à la scène. Un texte doit être écrit pour être adapté et c’est de cette envie d’échange et de partage qu’est né le projet avec le metteur en scène, même s’il déclare, en souriant, ne pas être habitué à ce type de commande, ayant l’habitude de monter lui-même ses pièces. Au départ intitulée « A la recherche d’Europe » (en référence également à la sœur de Cadmos qui sera enlevée), la pièce partira des rives de Tyr, cité où les phéniciens ont inventé l’écriture pour se rendre à Sidon, ville dans laquelle est né l’auteur, cherchant dans son sillage à retrouver les traces d’une Europe originelle. Ou, comme le conclue Dominique Pitoiset, à établir par le biais d’une transposition historique, l’ itinérance d’un jeune homme né au Liban, venu s’installer dans le nouveau monde et revenant dans la vieille Europe.

Photo : Alexandro Barsetti

Hélène Fiszpan


« Le Soleil ni la mort ne peuvent se regarder en face », texte de Wajdi Mouawad, mis en scène par Dominique Pitoiset
Du13 mai au 05 juin 2008 au TnBA
Réservations par téléphone au 05 56 33 36 80 ou par internet sur www.tnba.org





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