Une charte pour réduire la pollution des paquebots de croisière à Bordeaux


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Temps de lecture 5 min

Publication PUBLIÉ LE 10/12/2019 PAR Romain Béteille

En septembre dernier, la conclusion de l’étude Atmo (observatoire régional de la qualité de l’air) sur la pollution des paquebots fluviaux était plutôt rassurante pour ceux qui s’inquiétaient des résultats des études marseillaises. Selon l’agence, « l’influence des paquebots maritimes est négligeable sur les concentrations des trois polluants étudiés » (à savoir les oxydes d’azote, le dioxyde de souffre et les particules fines en suspension dans l’air). Atmo concluait également que « le trafic routier et le fond urbain sont les sources majoritaires influençant respectivement les concentrations en NOx (oxydes d’azote) et PM10 (particules fines). Cette étude, réalisée dans un contexte politique de développement du tourisme fluvial, n’a malgré tout pas vraiment levé toutes les craintes. 

Charte en six actes

Ce lundi 9 décembre, pour essayer de franchir un nouveau cap, la ville et la métropole de Bordeaux, le Grand Port Maritime et les pilotes de Gironde ont signé une « charte des bonnes pratiques environnementales pour la croisière ». « C’est une démarche de progrès », a assuré à cette occasion le nouveau directeur du port, Jean-Frédéric Laurent. « On a, de manière collective et notamment sur le transport maritime, des explications à donner sur les efforts faits pour prendre en compte la transition énergétique. On a une très mauvaise image. Mais le transport maritime est encadré de manière internationale par des règlementations qui évoluent et prennent en compte le développement durable ». Au 1er janvier 2020 sera en effet validée au niveau international une baisse du taux de souffre dans les carburants (de 3,5% à 0,5%). « Ça remet en cause beaucoup de choses dans l’économie globale du transport maritime. Les règlementations vont aussi se renforcer sur l’oxyde d’azote, les particules et gaz à effet de serre. L’objectif qu’on s’est donné à Bordeaux, c’est au moins de faire aussi bien que ce qui se fait de mieux, soit 0,1% de souffre. Ça pousse les armateurs à réfléchir à l’équipement de leurs navires : gaz naturel, traitement des fumées, carburant, ect ». Ce 0,1%, pour l’instant obligatoire à quai, sera donc valable pendant toute l’escale, dès l’entrée dans la zone de pilotage obligatoire. « On compte profiter du courant alternatif de la rivière dans deux zones de navigation : celle qui va de la pointe du Verdon au bec d’Ambès. On peut chenaler à des vitesses de fond raisonnable et du bec d’Ambès jusqu’à Bordeaux. On peut chenaler à des vitesses de fond raisonnable et réduire nos charges à 45 puis à 30% », souligne Tristan Paillardon, président de la station de pilotage de Gironde.

Si le contexte se durcit pour les paquebots, que contient cette charte ? Elle compte inciter « toutes les compagnies maritimes » à signer cet accord, « déjà présentée dans le cadre de visites commerciales, c’est une démarche à laquelle elles souhaitent s’associer ». « On va faire de la pédagogie insistante », a précisé le maire de Bordeaux, Nicolas Florian. La charte en question se divise en six engagements : la réduction des émissions polluantes dans l’air (« en encourageant la desserte de Bordeaux par des navires à propulsion GNL (Gaz Naturel Liquéfié) ou équipés de systèmes de dépollution ») est le premier d’entre eux. Les navires souhaitant accoster à Bordeaux devront fournir des documents sur le combustible qu’ils utilisent en entrée et sortie de port et utiliser le service de collecte de déchets par barge fluviale, sans incinération à bord. 
Les autres engagements vont dans le même sens : élimination des rejets polluants dans l’estuaire (zéro rejet d’eaux usées « sauf à se brancher à quai sur le réseau des eaux usées de Bordeaux Métropole », en payant la redevance qui va avec et aucun rejet d’eaux issues du système de lavage de fumées), démarche environnementale globalisée (au niveau des carburants des bus de croisière et de leur utilisation, notamment), optimisation de l’accès aux quais de Bordeaux Centre (minimiser le temps de fermeture du pont Chaban), autant de mesures couvrant le volet environnemental. Les deux dernières recommandations traitent de la limitation des impacts sonores et les sources de vibrations pour les riverains et de l’optimisation des procédures de navigation. L’exemple le plus parlant est celui donné par les pilotes sur la réduction de la charge moteur, évoquée plus haut, pour les navires de plus de 175 mètres.

Travaux continus

Cette charte a vocation à être appliquée sur tous les terminaux du port, y compris le terminal de Pauillac pour lequel une étude censée valider l’accueil de grands paquebots maritimes est encore en cours. Ces conditions, à entendre le directeur du port, ne sont pas simplement incitatives. « Nous ne voulons pas accueillir ces bateaux à n’importe quel prix. S’ils ne respectent pas ces conditions, on pourrait leur demander de faire escale ailleurs ou refuser qu’ils reviennent l’année suivante ». Évidemment, l’intérêt commun n’est pas d’aller jusqu’à ce refus, d’autant qu’un croisiériste a un « panier moyen » bien supérieur à un touriste classique (de 65 à 130, voire 150 euros). « On est confiant parce que nous ne sommes pas les seuls à nous engager dans ces démarches obligeant les opérateurs à faire leur mue ». Pour Philippe Dorthe, nommé président du Conseil de surveillance du port fin octobre, « ces bateaux, c’est aussi de l’emploi : des pilotes, des techniciens, le personnel du pôle naval… Ce sont des emplois qu’on souhaite maintenir et, à termes, développer pour en créer de nouveaux ». 

Marseille (tout comme Cannes, avec ses spécificités), qui a programmé 523 escales en 2019, a ainsi signé une charte se rapprochant beaucoup de celle mise en place à Bordeaux, notamment sur le carburant. Elle va même un peu plus loin en obligeant les navires au branchement électrique à quai. Pourtant, Bordeaux, va suivre la même piste sur l’électrification des paquebots fluviaux. Au travers d’un chantier à trois millions d’euros abondés par Bordeaux Métropole confié à Enedis (qui finance 700 000 euros supplémentaires), l’électrification d’un premier ponton sera effective en janvier, trois autres sont censés l’être d’ici le début de l’année 2021. À cette échéance, une nouvelle étude de l’impact des navires sur la pollution de l’air devrait être commandée par la métropole, pour pouvoir comparer avec celle réalisée au coeur de la saison touristique 2018. 
La métropole, elle, pourrait continuer à réfléchir au « multi-usage » du fleuve. Elle fait partie des neuf villes françaises labellisées ISO20121 ou « destination internationale responsable », et sa prochaine délégation de service public pour le transport de voyageurs a prévu d’insister sur l’intégration du fleuve, notamment via le développement de la flotte de batcub. Quant-à la relation entre la charte et l’accueil de navires supplémentaires, Bordeaux veut visiblement rester raisonnée : « notre seuil, ce sera un niveau d’acceptabilité à ne pas dépasser. La levée du pont impacte aussi sur la vie urbaine et la circulation. On pourra accueillir de nouvelles croisières et les faire s’arrêter en aval. C’est aussi une question d’aménagement du territoire, d’irrigation, une logique de capillarité avec l’ensemble du territoire », a ainsi précisé le maire de Bordeaux. Les responsables restent sur la même ligne : pas plus de 50 à 60 escales par an. En 2019, Bordeaux avait prévu d’en accueillir 58. Selon Stéphan Delaux, adjoint à la ville chargé du tourisme et de l’attractivité elle en a pour l’instant dénombré 43. 

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