Vienne : des plantations de haies bénéfiques pour les champs


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Temps de lecture 7 min

Publication PUBLIÉ LE 30/01/2020 PAR Julien PRIVAT

Il a gelé dans la nuit. Le sol est encore blanchi ce samedi matin. Il est neuf heures. Munis de gants, de bonnets et de mateaux, une groupe d’une quinzaine de personnes se rassemble à la ferme des sables d’Auton située sur la commune de Bournand (Vienne), à quelques kilomètres au nord de Loudun. Si elles sont réunies là c’est pour participer à un chantier participatif. L’objectif : planter une haie sur la ferme maraîchère bio de Tiphaine Viron. Après quelques explications et des consignes, ces jardiniers bénévoles se sont mis au travail. En seulement trois heures, ils ont planté 300 arbustes sur 200 mètres.

Une ferme basée sur d’éco-culture

Les sables d’Auton, c’est l’exploitation de Tiphaine Viron. Elle s’est installée à Bournand en 2017 en reprenant avec son compagnon Maxime Latuille, infirmier à Chinon (Indre-et-Loire) cette ferme maraîchère bio. « L’ancienne propriétaire faisait du bio depuis 1963 », précise-t-elle. La jeune femme – elle a 34 ans aujourd’hui – a donc décidé d’abandonner sa première vie d’assistante de réalisation en région parisienne pour se lancer dans l’éco-culture. « C’est l’agriculture de demain. On s’appuie sur des connaissances du passé mais ce n’est pas un retour en arrière comme on peut l’entendre parfois. On prend ce qui était bien dans le passé en utilisant les découvertes scientifiques à profit », résume Tiphaine Viron.
D’autant que ce concept va plus loin. « Il faut diversifier les productions pour que le système soit viable et se suffise à lui-même ». Son but est clair. Elle doit d’ici cinq ans se tirer un revenu lui permettant d’avoir une assise financière sur son exploitation de cinq hectares (dont un est consacré au maraîchage). Sur sa ferme, elle compte faire du maraîchage, de l’agroforesterie, du petit animal et pourquoi pas des plantes médicinales. Mais sa motivation à se lancer dans ce projet lui vient d’un constat simple. « Il faut douze calories d’énergie pour produire une calorie alimentaire, j’aimerais rééquilibrer ce rapport à une calorie d’énergie pour deux calories alimentaires. Mais l’objectif est plus grand, il faut nourrir une population qui augmente tout en faisant du bien à la terre. Mon passage sur Terre ne doit pas lui faire du mal et aggraver la situation » confie-t-elle avec conviction. La plantation de la haie entre dans son modèle d’agriculture qu’est l’éco-culture. Et si elle a opté pour le chantier participatif c’est qu’elle a été convaincue. Pour le montage de sa serre, il y a plus de deux ans, elle en avait déjà organisé un. 

Ils étaient une trentaine de bénévoles à participer à ce chantier participatif de plantation de haie sur la ferme bio des Sables d'Auton à Bournand (Vienne)

Retour sur le chantier du jour. Où les effectifs se sont étoffés. Ils sont désormais une trentaine. Vincent Laffitte leur a transmis ses consignes. Il est technicien agroforestier à Prom’haies en Nouvelle-Aquitaine sur le secteur de la Vienne. Cette association agit en faveur de la haie et de l’arbre hors-forêt, notamment dans les campagnes ou sur les terres agricoles. Les équipes se sont formées. Les premiers coups de pelle dans le sol sableux ont été donnés. Les trous doivent faire une trentaine de centimètres de profondeur. Au préalable, Tiphaine et Maxime avaient fait labourer la terre et disposé des petits piquets pour signer l’endroit où vont être plantés les jeunes pousses de la haie. Très rapidement, les 300 trous sont terminés. Il faut déjà planter des essences particulières sélectionnées avec minutie par Vincent Laffitte en concertation avec Tiphaine.
« Les arbres de cette haie vont avoir un impact sur la parcelle de Tiphaine, explique le technicien agroforestier. Ils vont permettre de développer une biodiversité, ils vont être importants pour la qualité de l’eau, pour la conservation des sols, pour le stockage du carbone. Ils ont aussi un rôle agronomique avec un effet sur le rendement de la culture et aussi les élevages. » Finalement ce seront deux haies en continue qui vont être plantées. Une haute en trois rangs qui servira de protection contre les vents dominants notamment (avec plusieurs types de chênes – liège, pubescent, tauzin -, des saules marsault, des merisiers, des poiriers sauvages, des genêts, des néfliers, des prunelliers, des troènes vulgaires) et une basse composée plus d’arbres fruitiers (pommiers sauvages, bourdaines, Cornouillers sanguins, des églantiers, des fusains d’Europes, des viornes obiers).  Une fois que les trous sont faits, il faut planter mais avant les racines sont préparées et trempées dans du pralin (un mélange boueux à base d’argiles, de bouse de vache et d’eau). « Il faut couper les racines au sécateur pour qu’elles prennent bien et le pralin favorise la reprise du plan et sa survie ». Ces plants sont ensuite guidé par des tuteurs et protégés par une cage. « C’est pour éviter que les animaux viennent arracher les arbustes », indique Vincent Laffitte. Enfin un paillage vient recouvrir le parterre de la haie. Indispensable pour protéger le sol et amener de l’humidité.

Le paillage l'ultime étape pour la plantation de la haie. Il permet de limiter l'arrosage, nourrir les plantes, garnir le sol et bien sûr limiter les mauvaises herbes.

Les usages de la haie

Il va falloir patienter quelques années pour que la haie pousse et soit efficace mais après elle va jouer un rôle essentiel. «  Les haies permettent de faire de l’ombre, de créer un microclimat, de la biodiversité. Avec elles, je veux amener un équilibre sur mon exploitation et de meilleures conditions pour développer un écosystème plus résiliant qui pourra supporter sans souci les aléas climatiques », confie Tiphaine Viron. Ces arbres luit amèneront du bois, pour alimer ses plantations maraîchères en BRF, autrement dit les bois rameaux fragmentés, un mélange non composté de résidus de broyage de rameaux de bois. Il y aura aussi du humus (de la terre noirâtre provenant de la décomposition de débris végétaux dans le sol et qui contribue à sa fertilité) qui va entraîner la création de quelques centimètres de sol tous les ans. Du côté de la haie un peu plus basse, elle veut jouer un peu avec le vent.  « Il vient d’ici » explique-t-elle en montrant le petit bosquet de forêt avoisinant. « Nous avons planté la haie en biais pour créer un effet entonnoir et récupérer l’énergie du vent pour faire un moulin ou une petite éolienne ». La jeune femme a plein d’idées qu’elle tente d’exploiter au maximum. La haie possède aussi un autre avantage de poids. Elle peut servir de protection comme le précise Claire Vanhée, conseillère projet conversion AB et animatrice Vienne Agro Bio. « Elle permet aussi de lutter contre la dérive des produits chimiques. Ici, ce ne sera sans doute pas son rôle essentiel mais pour certaines exploitations agricoles bio qui sont situées à côté de parcelles traitées, c’est primordial ».  

300 arbustes pour 200 mètres de haie. Les bénévoles n'ont pas eu de difficultés pour creuser les trous dans le sol sableux malgré le gel matinal.

Cette plantation de haie est financée à hauteur de 80% par la région Nouvelle-Aquitaine, dans le cadre du soutien à la mise en place de structures agro-écologiques. Les 20% restants sont à la charge du propriétaire. Cependant, Tiphaine Viron est parvenue à trouver un financeur extérieur : l’Office for Climate Education. Il s’agit d’une fondation scientifique dont l’objectif est d’organiser une coopération internationale entre des organismes scientifiques, des ONG et des institutions éducatives pour éduquer au changement climatique. Son délégué exécutif, David Wilgenbus, a d’ailleurs fait le déplacement. « La fondation veut compenser ses émissions de carbone en plantant des arbres. Nous voyageons beaucoup et chaque tonne que nous avons émis doit planter un arbre, on voit concrètement que notre argent sert à quelque chose pour notre planète toujours dans le souci de la transition écologique ». David Wilgenbus est venu en famille avec sa femme et ses deux enfants. « C’est super ces chantiers participatifs, on rencontre des gens. Tout le monde s’implique. C’est un plaisir on l’impression de faire quelque chose d’utile. » Parmi les participants à ce chantier participatif, il y a des amis de Tiphaine et Maxime venus donner un coup de mains. Une bande copains. Ils les avaient déjà aidés à monter la serre, il y a plus de deux ans. « il y a plein de choses à faire. Volontariat avec le nombre de personnes nous avançons vite. Étonné qu’il y ait autant de monde, c’est fédérateur », confie Carole alors qu’elle finit d’agrafer les protections. Il y a également des voisins comme Monique. « Ce chantier m’a permis en même temps d’apprendre des choses et de découvrir quels plants favorisent le butinement  des abeilles »

5 km de haies plantées

D’autres opérations de plantations de haies sont programmées. Elles sont toutes soutenues par la région Nouvelle-Aquitaine, la fédération régionale d’agriculture biologique de Nouvelle-Aquitaine (FRAB) avec l’aide de l’association Prom’haies. Au total, ce sont onze projets dans des fermes bio de la Vienne pour cinq kilomètres de haies plantés. Quatre ont fait appel à des chantiers participatifs. Après celui de Tiphaine Viron, le prochain est organisé ce vendredi 31 janvier à L’Étang sur la commune de Bouresse à 9 heures. Puis le mercredi 5 février, 4 Villedon, à Asnières-sur-Blour à 9 heures. Enfin, le samedi 8 février aux Deux-Fossés sur la commune de Buxeuil à 9 heures. Pour plus d’informations n’hésitez pas à contacter la structure Vienne Agrobio par vienneagrobio@orange.fr ou par téléphone 06 27 93 57 44.  

Concernant la plantation sur la ferme des Sables d’Auton, tout s’est bien passé. À peine plus de trois heures après le début du chantier, la haie était terminée d’être plantée. Il ne lui reste plus qu’à pousser. « Il faudra quelques années », conclut Vincent Laffitte en souriant. Tous les participants se sont ensuite retrouvés autour d’un pique-nique, dans une bonne ambiance et contents sans doute d’avoir oeuvré dans une moindre mesure à l’avenir de la planète.

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