Vigne et réchauffement climatique: quel vin en 2035?


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Temps de lecture 3 min

Publication PUBLIÉ LE 27/06/2015 PAR Solène MÉRIC

Les amateurs de vin le savent, le meilleur des vignobles n’échappe pas à « l’effet millésime ». D’une année à l’autre les aléas du climat, chaleur, sécheresse et précipitations, marquent en partie la signature qualitative et la typicité d’un vin. Qu’en sera-t-il alors en 2035, dans un contexte, désormais reconnu par tous, de réchauffement climatique ? Pour Kees Van Leuween, «le réchauffement climatique entraînera une précocité du cycle de la vigne. Le risque est alors d’obtenir un vin déséquilibré, manquant de fraîcheur et d’acidité. Un vin trop sucré et donc aussi trop fort en alcool ». Un scénario catastrophe que le chercheur refuse pourtant de laisser croire. « En 2035, la viticulture s’adaptera à son nouvel environnement climatique, on continuera à faire de bons vins », assure-t-il.

« Retarder la maturité »« Malgré la modification à venir du cycle de la vigne, l’enjeu en 2035 sera pourtant de continuer à vendanger en septembre : c’est le meilleur mois pour faire un bon vin », indique Kees Van Leuween. Pour ce faire, certaines techniques viticoles seront à réadapter.« Pendant longtemps on a tout fait pour favoriser la maturité du raisin par des techniques comme l’effeuillage par exemple, qui permet d’exposer davantage le fruit donc d’accélérer sa maturité… En 2035, la problématique sera inversée, il faudra diminuer voire abandonner le recours à ces techniques et mettre en œuvre, au contraire, des techniques qui retardent cette maturité. »
Mais, pour le chercheur, les pistes principales de travail se trouvent autour du matériel végétal lui-même. Parmi elles, des recherches sont en cours au niveau du porte-greffe. « En greffant un cépage sur le pied d’une autre espèce de vigne moins précoce, on peut retarder la maturité des grains et donc décaler la vendange de quelques jours ».

« Une typicité différente »Cependant, à l’horizon 2035, c’est d’abord par le choix de cépages plus tardifs que les choses vont évoluer. « Dans le Libounais, Saint-Emilion et Pomerol, le vignoble se compose à 75% de Merlot. Vient ensuite le Cabernet franc pour 20% et le Cabernet Sauvignon pour 5%. Or le Merlot est la variété la plus précoce des trois, et la plus sucrées. Il va donc falloir peu à peu la remplacer par les deux autres. » Une évolution qui modifiera donc la typicité du vin de Bordeaux. « Ce sera un vin différent. Mais différent ne veut pas dire mauvais ou moins bon, souligne le professeur. D’autant que cette évolution va être progressive, et n’a rien de nouveau dans l’histoire du vignoble bordelais ». Kees Van Leuween rappelle en effet, qu’«il y a 100 ans, le Malbec, très rare aujourd’hui, était présent pour 30 à 40% du vignoble, et le Merlot quasiment inexistant. Donc il y a un siècle, les vins de Bordeaux, avaient une typicité différente d’aujourd’hui, mais ils étaient pourtant déjà très appréciés.» Et, en conservant le Cabernet franc et le Cabernet Sauvignon, « les vins de 2035 seront toujours issus de cépages bordelais », note Kees Van Leuween.
Mais la modification du climat ne va pas sans poser la question de la sécheresse, et des conséquences sur le régime hydrique de la vigne. Une question qui amène « naturellement » celle de la l’irrigation. Une thématique particulièrement délicate et sur laquelle d’ailleurs les chercheurs ne sont pas d’accord. Kees Van Leuween, n’est pour sa part pas partisan de l’irrigation dans les vignobles bordelais ; pour deux raisons au moins. D’abord, parce que, selon lui, « la qualité du vin semble meilleure quand la vigne est sous contrainte hydrique », et ensuite, parce que dans un contexte de tension forte autour de l’utilisation de l’eau, la vigne ne sera pas prioritaire sur l’eau potable et les cultures vivrières, plus difficiles à cultiver sans irrigation.

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