Grand oral de Sciences Po Bordeaux: Mona Ozouf, la passionnée


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Temps de lecture 3 min

Publication PUBLIÉ LE 19/03/2010 PAR Solène MÉRIC

Chez Mona Ozouf la passionnée, la modestie est une deuxième nature qui semble ne pas l’avoir quittée depuis sa jeunesse. Pour preuve à 20 ans, elle choisi d’exclure de son orientation l’agrégation de lettres classiques, parce qu’elle était vraiment trop « nulle en langues anciennes », et ce même si « la littérature était ce qu’elle préférait au monde ». Si finalement elle choisit l’agrégation de philo, plutôt que d’histoire, c’est en partie parce qu’elle estime qu’ « il faut plus de talent pour être prof d’histoire que de philosophie ». La modestie, encore et toujours, lorsqu’elle considère que toute sa vie, et notamment ses réussites, ne sont « que le fruit de rencontres ou de sollicitations extérieures » essayant ainsi de nous faire croire qu’elle ne doit rien à elle-même.

Menée à l’histoire et à l’écriture par ses amis Furet et Richet
Son intérêt même pour l’histoire, et ses écrits pour le Nouvel Observateur, ce sont ces amis regrettés, les historiens François Furet ou encore Denis Richet qui l’y ont menée : c’est « parce qu’ils ont sous-traité avec moi, que j’ai commencé à écrire pour le Nouvel Obs…» avant que finalement elle n’y prenne goût et que l’idée d’écrire se fasse jour, sur l’école d’abord, puis la révolution et la troisième république. Mais là encore, et même passionnée, elle avoue avoir besoin d’être convaincue par son entourage « qu’il faut mettre un ouvrage de plus dans les rayons de la bibliothèque nationale « . Comme si elle craignait que l’ouvrage de plus soit l’ouvrage de trop.

Respect et passion pour la littérature
Mais il est un domaine, où elle est sûre de ne pas s’aventurer : le roman. Boulimique de littérature irlandaise, française et bretonne, dès l’âge de onze ans, elle a trop de respect et de passion pour le genre pour tenter l’exercice. « Pour un bon roman, il faut avoir une imagination romanesque débordante, j’en suis incapable » et devant l’insistance des étudiants, elle cache une pointe de regret derrière l’humour : « Un livre d’histoire qualifié de « moyen », ça peut quand même être utile. Mais qu’est-ce qu’un roman moyen ? c’est très prés d’un roman nul ! »

« Ne pas confondre Mémoire et Histoire »
Cela dit, la littérature est là partout en elle, même dans sa passion pour l’histoire, puisque chez les révolutionnaires de 1789, c’est pour « les personnages stendhaliens, les romanesques » tels « Barnave, Mme Roland ou encore Mme de Staël» qu’elle a une tendresse particulière. Pour autant, l’historienne qui vise l’objectivité, garde prudemment ses distances avec l’histoire « mémorielle ». « Confondre mémoire et histoire est dangereux ». La première guidée par l’affectivité a l’« effet d’une loupe, et a tendance à déformer » la réalité de la grande Histoire.

« La crise dramatique de l’idée d’avenir »
Interrogée par les étudiants sur la République face aux défis contemporains, l’historienne philosophe, ne cache pas son « pessimisme ». Et ce n’est pas « la futilité des remèdes récemment engagés pour l’identité nationale » qui semble la rassurer. Pour elle, « la vraie menace, c’est la crise dramatique de l’idée d’avenir. L’idée que les enfants auraient une vie moins dure que les parents, c’était ça la cohésion républicaine. » C’est d’ailleurs au regard de ces « défaillances républicaines », qu’il faut comprendre le communautarisme. « Que faire quand on est exclu des réussites sociales, sans espérance pour ses enfants ? On est contraint à ce repli. »

Solène Méric


Mona Ozouf recevra, le 9 avril prochain à Bordeaux, le Prix Montaigne pour son dernier ouvrage « Composition française, retour sur une enfance bretonne ». Créé en 2003 par la Mairie de Bordeaux et l’Académie du Vin de Bordeaux, ce Prix récompense chaque année un ouvrage littéraire portant des valeurs d’humanisme, de tolérance et de liberté, chères au célèbre écrivain bordelais.

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