LGV Bordeaux-Toulouse : quand les verts voient rouge


Les verts d'un côté, Alain Rousset et Alain Juppé de l'autre. C'est le schéma qui semblait se dessiner lorsque les élus verts régionaux et métropolitains ont convoqué la presse ce mercredi. Le sujet est plutôt brûlant, à l'heure où l'Usine Nouvelle..

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Publication PUBLIÉ LE 06/12/2017 PAR Romain Béteille

Faire pencher la balance

Les verts d’un côté, Alain Rousset et Alain Juppé de l’autre. C’est le schéma qui semblait se dessiner lorsque les élus verts régionaux et métropolitains ont convoqué la presse ce mercredi. Le sujet est plutôt brûlant, à l’heure où l’Usine Nouvelle rapporte que la Commission d’orientation des infrastructures aurait déjà statué en défaveur du projet de LGV reliant Bordeaux à Toulouse, dont le coût est toujours estimé à plus de huit milliards d’euros. Si son arbitrage officiel n’est pas attendu avant le 25 janvier, la rumeur se situe dans une période plutôt compliquée pour les projets de LGV au niveau national, après les avis en dents de scie du gouvernement au sujet d’une éventuelle « pause » concernant les grands chantiers d’infrastructures, pause visiblement terminée depuis, et malgré l’aval du Conseil d’État sur la DUP du projet GPSO global en 2016 (Bordeaux-Toulouse et Bordeaux-Dax). Tandis que Carole Delga, présidente de la région Occitanie, soutenait il y a peu que le projet de LGV GPSO était toujours « utile et finançable » (après avoir, avec 43 autres parlementaires, envoyé une lettre au Premier ministre sur le sujet), et que les élus de la CCI de Toulouse ont voté en octobre une motion de soutien, ça grince un peu plus du côté de l’opinion publique et des formations politiques locales.

En juin dernier, le tribunal administratif avait en effet annulé l’une des trois déclarations d’utilité publique du projet, plus précisément celle concernant la réalisation d’un tronçon reliant Bordeaux et Saint-Médard d’Eyrans, venant porter un sérieux coup de frein au projet justifié à l’époque par « la faiblesse des études socio-économiques » et des doutes sur la viabilité du financement, arguments depuis en partie réfutés par plusieurs élus. L’État, en juillet, avait décidé de faire appel de la décision et l’affaire, bien qu’aucune date n’ait encore été fixée, devait être plaidée sous peu. C’est là qu’on en vient au principal argument de l’opposition régionale métropolitaine et municipale EELV. Selon Pierre Hurmic, conseiller de Bordeaux Métropole connu pour ses prises de position tranchées, traverse la route sans regarder. « En novembre, le président de Bordeaux Métropole (Alain Juppé) et celui de la région Nouvelle Aquitaine (Alain Rousset) ont déposé un mémo en intervention volontaire pour appuyer la SNCF. Cette intervention est parasitaire et totalement inutile, tous les arguments ont déjà été échangés », affirme l’élu écologiste. « Ils n’en ont jamais parlé à aucune des collectivités. Ils ont décidé, de manière secrète, d’engager ce recours qui est une décision politique majeure ». Selon lui, « la finalité première est de retarder l’issue du procès alors même que les recours engagés ont des chances de prospérer ». 

Problème et solutions

Le tout sur fond de discussions et de contexte politique déjà engagé sur la question des transports : « si ça avait été jugé avant la fin d’année, on tombait en pleines Assises de la mobilité, dans une période où les collectivités sont en recherche de financements innovants » et dans le contexte où Elizabeth Borne avait annoncé, lors d’une visite à Toulouse début novembre, une « loi de programmation des infrastructures » début 2018. « Accentuer la pression sur l’État dans le cadre des débats et concertations en cours sur la question des mobilités », c’est aussi une accusation portée à l’encontre des deux élus concernés. Des manoeuvres jugées « dilatoires et anachroniques » pour un projet de LGV qui, on l’aura compris, est loin d’être adoubé par l’opposition écologiste. « Il est regrettable de voir que notre région soit aussi décalée, surtout quand on parle de deux élus Macron-compatibles. Sur la question de la LGV, ils sont plus proches de Pompidou que de Macron… », continue Pierre Hurmic. Les arguments des opposants, eux, n’ont en revanche pas beaucoup changé. « Alain Rousset a affirmé que la région devrait financer 1,2 milliards d’euros d’ici 2030 pour maintenir le réseau actuel, on voit mal comment il peut déplorer la chute du ferroviaire et militer pour la LGV ». En citant un récent (et édifiant) rapport de l’ARAFER (Autorité de régulation des activités ferroviaires et routières) sur « Le marché français du transport ferroviaire des voyageurs »), il dénonce un réseau ferroviaire en déférence au profit de projets milliardaires.

En effet, selon les chiffres de ce rapport, 1,16 milliards de passagers ont pris le train en 2016 dont 88% en TER et Transilien. Le train concernerait 9,2% des déplacements en France et, parmi eux, 10% seulement en LGV.  À côté de ça le même rapport souligne des retards plus fréquents et une chute de la fréquentation et des recettes commerciales des TER en 2016. Pour les élus écologistes, le raccourci est évident : « On a réalisé que les LGV, c’était un marché de riches dans lequel on dépense des sommes extravagantes autour de la poursuite d’un vieux modèle ferroviaire ». D’ailleurs, si la trombose automobile sur la rocade et dans la métropole est un sujet aussi préoccupant, ce serait en partie parce que « pratiquement plus aucun TER n’arrive à l’heure en Sud-Gironde et que les gens continuent à aller au travail en voiture. Les déplacements de proximité ont été négligés ». « L’accord de majorité régionale passée entre le PS et les écologistes assurait que la région n’interviendrait pas dans le financement de la LGV GPSO précise d’ailleurs le conseiller régional palois Jean-François Blanco. « Il ne peuvent donc pas faire une intervention, ce n’est pas l’accord sur lequel nous nous sommes engagés mutuellement ». Reste que les élus concernés étant dans leur droit, aucun recours sur cette incursion de dernière minute ne peut être engagée. Quant à l’accord de majorité, « il n’est pas question de le remettre en cause mais de le respecter ». « Je les crois sincères et convaincus de l’utilité de Bordeaux-Toulouse », tempère Pierre Hurmic. 

Des solutions, alors ? Oui, selon les études « récentes » pointées par les verts (dont celle du cabinet d’étude Claraco) : un aménagement intermédiaire de la ligne existante. Et gare à l’argument qui viserait à vouloir creuser des sillons pour les trains de marchandise : « Il circule 48 trains de frêt et de voyage par jour et par kilomètre de ligne, contre 75 en Allemagne et 119 en Suisse. Il n’y a donc pas de goulot d’étranglement au sud de Bordeaux, les sillons existent. Le transport de marchandises de la France est comparé à celui de l’Italie ou de l’Allemagne, pays dans lesquels il y a un vrai trafic ferroviaire sur les trains de marchandises. Nous sommes un des pays d’Europe où l’on a le plus laissé tombé le frêt ». La ligne ancienne a donc la « capacité pour supporter » les flux attendus par GPSO « et passerait par Agen », et le coût serait de 2 milliards contre 8,3 milliards pour la LGV Bordeaux-Toulouse tandis que deux simples contournements ferroviaires « porteraient seulement à 13 minutes le différentiel » avec la LGV. L’audience, elle, n’a pour l’instant toujours aucune date fixe mais, si l’on en croit les écologistes, pourrait être d’autant plus retardée par cette intervention de dernière minute. Si leurs engagements politiques empêchent de prendre ces déclarations au pied de la lettre, les chiffres de l’Arafer semblent aller dans le même sens que l’un des arguments principaux. Ces derniers précisent en effet que même si la France dispose du deuxième réseau européen par la taille avec 29 000 kilomètres de lignes exploitées en 2015, 80% de la circulation en 2016 s’est concentrée sur 8000 kilomètres de ligne et « 31 % du réseau ne voit passer que 1 % des circulations de trains de voyageurs ». Le futur wagon « transports » du gouvernement annoncé pour janvier a intérêt à s’accrocher aux rails…

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