Interview: Alain Rousset et la LGV : « l’intime conviction du président de la République »


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Temps de lecture 7 min

Publication PUBLIÉ LE 10/09/2012 PAR Joël AUBERT

@qui ! – Deux capitales régionales aussi importantes que Bordeaux et Toulouse pourraient très bien ne pas avoir un niveau de relations ferroviaires comme d’autres capitales régionales quand on considère le tour que prennent les débats actuels en période de crise…
Alain Rousset –  Il est temps que le Sud Ouest soit relié, avec la grande vitesse, au reste de l’Europe. Pourquoi avec la grande vitesse ? Parce que d’une part on est dans l’ère de la mobilité, de l’organisation et de l’économie du temps, d’ autre part, et sur le plan technologique sur des systèmes performants de lutte contre l’effet de serre, que ce soit en matière de report de l’avion vers le train, de la voiture vers le train, du camion et des marchandises vers le train.
Ce que nous avons à faire c’est ce qui s’est passé au 19° siècle quand on a fait les premiers réseaux routiers. Si l’on oppose mobilité moderne, gain de temps et environnement on ne s’en sortira pas ; on sera envahi de voitures ou alors paralysés .
Le Sud Ouest, que ce soit l’Aquitaine vers la frontière espagnole ou vers Midi-Pyrénées doit être desservi.

Le côté inéluctable de la LGV Sud Europe Atlantique…
@! – Une série de déclarations ces derniers mois, semaines et jours, qu’il s’agisse de Nathalie Kosciusko-Morizet dans l’ancien gouvernement, de Jérôme Cahuzac ministre du budget ou Frédéric Cuvillier ministre des transports du nouveau gouvernement, ont soulevé la question du financement des Lignes à Grande Vitesse, des priorités, à l’heure où il n’est question que de réduire le déficit des finances publiques.
A.R. – Je crois au côté inéluctable de la LGV Sud Europe Atlantique ; pour des raisons européennes, parce qu’il existe un traité avec l’Espagne  mais aussi par rapport à la mise en concurrence des courts courriers aéronautiques, par la nécessité de dégager de sillons, pour permettre aux TER de régler les relations domicile-travail…On ne peut à la fois dire il faut diminuer l’usage de la voiture, du camion et ne pas offrir des moyens de transport modernes.

Ma suggestion au président de la République et au gouvernement

Alain Rousset et Joël Aubert

@! – Oui mais la crise est là, l’argent manque et va manquer…
A.R. – Sauf que, pour en avoir discuté avec le secrétaire général de l’Elysée il y a un plan de relance européen . C’est en tout cas la suggestion que je fais au président de la République,au premier ministre et au ministre des transports. Nous avons du retard pour l’utilisation des crédits européens sur les infrastructures de transport ; le projet de Ligne à Grande Vitesse du Sud Ouest ( GPSO ) est prêt ; il appartient bien entendu au gouvernement de fixer des priorités. Certes l’Etat a mis en place, au départ pour des raisons budgétaires des cofinancements systématiques. On a mis les régions et les départements, les agglomérations en concurrence entre elles. Mais il appartient à l’Etat de fixer les priorités . Et, dans l’ordre des priorités, il suffit de regarder une carte de France : le Sud Ouest est le seul à ne pas disposer de structures de communications modernes.

@! – Certains plaident pour un compromis : aménager la voie existante entre Bordeaux et Toulouse par exemple plutôt que  créer une ligne nouvelle qui ne ferait gagner que peu de temps. Et ça coûterait moins cher.
A.R. – Aménager la voie actuelle ce serait certes moins cher mais ça ne réglerait rien.

Ce qu’on oublie de dire..

@! – Pourquoi ?
A.R – Parce qu’on oublie de dire que le fer, sur la même ligne porte quatre services : la LGV, les lignes inter – régionales, les TER et les trains de fret. Aujourd’hui pour l’Aquitaine mais il en est de m^me pour Midi-Pyrénées, cette concurrence qui , en plus, adapte la vitesse des transports ferrés sur le train le plus lent, pour des raisons de sécurité, entraîne la saturation d’un certain nombre de lignes. Bordeaux-Agen, Bordeaux-Arcachon, Bordeaux-Périgueux, Bordeaux-Pau sont saturées. L’Aquitaine est la seule région française où le transport terrestre de marchandises ne concerne le fer que pour 2,5%.

Le nombre de camions qui franchissent l’Aquitaine augmente de 5 à 6% tous les ans. S’il n’y a pas une logistique ferroviaire moderne nous allons être progressivement envahis de camions.

@! – Avec le président de Midi-Pyrénées Martin Malvy vous êtes toujours sur la même ligne..
A. R. – Oui et ce d’autant que tout cela a été conçu avec le co-financement Midi-Pyrénées-Aquitaine pour la réalisation en cours de Tours-Bordeaux.

@! – Avec des sommes considérables apportées par les collectivités régionales…
A.R. – Pour l’Aquitaine c’est 800 millions d’euros.

@! – Est-ce que l’on ne peut pas penser qu’entre l’Atlantique et la Méditerranée pour aller vers l’Espagne il pourrait y avoir un arbitrage qui ne serait pas favorable au Sud ouest aquitain ?
A.R – J’espère que non ; nous on a besoin de la desserte avec l’Espagne parce que c’est un tel couloir à camions, à commencer par la traversée du Pays Basque ; c’est une liaison internationale que l’Europe a inscrite dans ces schémas notamment en s’engageant sur Dax-Vitoria. Et il nous faut la liaison avec Toulouse. Ne serait ce que parce que l’aéroport de Toulouse commence à être saturé, parce que les relations sont de plus en plus importantes avec le Pays Basque espagnol. L’Aquitaine a un enjeu supplémentaire : le rapport modal avec le Pays basque qui se développe, demain avec le Portugal et même si les liaisons maritimes sont importantes. Il suffit du moindre incident à la frontière à Biriatou pour provoquer des kilomètres de bouchons.

Le problème n’est pas un glissement d’un ou deux ans…
@! – Le calendrier des réalisations, tel qu’il a été pensé par le GPSO, le Grand Projet Sud Ouest dans le contexte actuel est-il toujours tenable ?
A.R. – Le problème n’est pas le glissement du calendrier d’un ou deux ans, ; c’est celui de la poursuite régulière des procédures, et, notamment des enquêtes d’utilité publique, en particulier pour lever les inquiétudes des particuliers qui vont voir leurs propriétés touchées même si dans beaucoup d’endroits – je pense au pays basque où les tunnels vont être importants – que tout cela se fasse par anticipation. On ne peut pas laisser les propriétaires dans l’incertitude ; on a besoin que les procédures se poursuivent.

Alain Rousset

J’ai vu le président…dans son moi profond…
@! – Vous semblez toujours confiant dans le cours des choses
A. R. – Oui, j’ai vu le Président de la République ; dans son moi profond, son intime conviction, je n’ai pas l’impression qu’il ait envie qu’on remette en cause ce chantier. Au moment où on cherche des points de relance qui ne soient pas inflationnistes mais créateurs d’emplois, porteurs de croissance nous en avons un. Ce ne sont pas seulement des voies, c’est du matériel qui circule, de la technologie qui s’affine, la nouvelle génération LGV, les TER qui arrivent, l’amélioration des conditions de vie. Objectivement dans le calcul de bonne utilisation de l’argent public, de gain de pouvoir d’achat tout cela ne compte pas pour rien.

@! – En terme d’aménagement du territoire Bordeaux-Toulouse c’est vraiment une priorité pour vous ?
A.R. – C’est une priorité parce que les deux régions forment le premier bassin aéronautique, parce que on a commencé des coopérations universitaires, parce que suer le plan agroalimentaire on est très complémentaire. Avec Midi- Pyrénées on doit être deux régions parmi lesquelles la coopération est la plus forte. Coopération a travers deux pôles de de compétitivité : aéronautique avec Aerospace Valley agroalimentaire avec Agri-SudOuest. La coopération sur la marque Sud Ouest avec une bannière commune et une réflexion sur un cahier des charges, des produits géographiquement situés, des moyens de promotion en commun, une garantie de qualité pour le consommateur.

Sur le plan des fonds propres des entreprises beaucoup de structures de capital risque sont partagées ; sur le plan de la coopération en matière d’eau, à travers le Bassin Adour Garonne la coopération est d’autant plus nécessaire que le problème de l’eau est de plus en plus crucial.

Le défi des terres irriguées

@! – Justement où en est-on ?
A. R. –  Même l’Aquitaine, terre des eaux où confluent celles du Massif central et des Pyrénées, peut connaître des restrictions. Nous sommes dans une double bataille sur la qualité et la quantité de l’eau. C’est un défi qui est posé sur les terres qui sont irriguées : moins utiliser d’eau, ne pas aller à la facilité, ne pas trop prélever sur les rivières et les fleuves, et donc organiser des lieux de stockage puisque nous rentrons dans un phénomène climatique où l’on peut avoir des précipitations énormes et des périodes de sécheresse.

Si demain, nos éleveurs ne peuvent pas produire sur leurs exploitations les aliments du bétail, le risque, c’est que l’élevage disparaisse y compris au profit des grandes cultures. C’est le paradoxe absolu. Il s’agit bien entendu que les irrigants soit particulièrement attentifs à ce que notamment sur les plaines sableuses, on ne lessive pas le sol et que l’on évite le cycle engrais, pesticides, arrosage, pollution des nappes etc… Il y a un effort d’agriculture raisonnée à faire et d’utilisation rationnelle de l’eau et des engrais.

@! – Comment les deux régions font-elles face au problème ?
A. R. – Nous sommes sur le bassin versant. On est donc sur trois types de retenues. Retenues individuelles que l’agriculteur peut mettre en place dans son exploitation. Des retenues collectives impliquant sept ou huit agriculteurs respectant les règles instaurées par l’Etat. Enfin, des retenues plus structurantes qui seraient la défense du débit d’étiage. Il ne s’agit pas de dire, « on va étendre les zones irriguées », mais au moins préserver ce qui peut l’être.

Propos receuillis par Joël Aubert et Xavier Lalu (Carre d’info)

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