LGV Bordeaux Paris : le bras de fer continue


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Temps de lecture 4 min

Publication PUBLIÉ LE 05/05/2015 PAR Romain Béteille

2017 semble loin et pourtant, c’est dans les prochains mois que se joue le schéma de dessertes pour la future ligne à grande vitesse entre Bordeaux et Paris. Lisea, le concessionnaire constructeur de la ligne, s’est engagé ces derniers mois à un bras de fer avec la SNCF. Fin février dernier, la compagnie publique a déclaré que les péages réclamés par Lisea étaient « trop chers » (20 euros par kilomètre et par train selon les derniers chiffres), avançant que la ligne serait même déficitaire de 100 à 200 millions d’euros. Le schéma de desserte proposé par la SNCF est, on le sait, loin d’avoir fait l’unanimité.

Les élus s’étaient d’ailleurs déjà réunis il y a quelques semaines pour afficher leur mécontentement. Ainsi, c’est 13 allers-retours directs entre Bordeaux et Paris qui sont annoncés (contre 11 actuellement), 7 entre Angoulème et Paris (contre 14) et 3 allers retours (en trois heures) pour la desserte de Libourne. Les villes intermédiaires ont d’ailleurs gelé leur participation au financement de la ligne, suite à cette déconvenue, même si la SNCF ne s’estime pas liée à la signature de la convention de desserte signée par RFF et l’Etat en 2010 (rappelons qu’à cette date, RFF n’était pas encore devenu… SNCF Réseau). Dernièrement, Alain Rousset s’est d’ailleurs exprimé sur la volonté de réunir deux commissions avant la fin de l’été. Concernant Jean Auroux, le rapport sera rendu fin juin mais plusieurs pistes pourraient être présentées aux collectivités locales avant la fin du mois de mai. 

Des exigences réalistes ? Entre-temps, Lisea, plutôt silencieux, a tout de même fait une contre-proposition : 19 allers retours au lieu des 13. Pour exemple, il y a en moyenne une vingtaine de navettes ferroviaires entre Paris et Lille chaque jour, et 23 entre Paris et Lyon. Egalement dans les cartons du concessionnaire, une desserte de Poitiers améliorée (20 arrêts au lieu des 16) et d’Angoulême (3 à 4 arrêts de plus). En revanche, Libourne resterait à trois. Ce qui, on s’en doute, ne plaît pas trop à Philippe Buisson, le maire de Libourne, qui a réuni un ensemble d’élus autour de Jean Auroux ce mardi, après les déplacements du médiateur à Poitiers ou encore à La Rochelle pour Bordeaux-Tours. 

« Le non respect de la signature de l’Etat risque d’assécher encore plus le territoire du Libournais qui est en souffrance, et au final tout le monde y aura perdu, y compris Bordeaux Métropole. Il est impensable qu’il soit plus cher de faire Libourne-Paris que Bordeaux-Paris, nous demandons une compensation par des politiques tarifaires plus favorables, et un pôle de stationnement multimodal pour la gare, car ce n’est pas la Cali, la communauté d’agglomération du Libournais, qui va financer seule. Nous souhaiterions aussi que la durée d’engagement (prévue jusqu’en 2027) soit étendue ». Un certain nombre de garanties qui risquent d’être compliquées à mettre en place pour l’Etat. 

Des pistes à explorerJean Auroux l’a répété, « il faut continuer à avoir une vision globale de la desserte ferroviaire« . Aujourd’hui, ce serait près de 700 millions d’euros manquants pour boucler le financement de la ligne d’ici à 2017. Interrogé sur ce montage financier hasardeux, le médiateur a affirmé qu’il n’était « pas sa tasse de thé. Il existe, je fais avec. La SNCF, qui a fait le lien avec les uns et les autres, part déjà avec une perte de 150 millions, et elle essaye de ne pas payer d’avantage. L’un voudrait plus de trains, l’autre en voudrait moins… Les collectivités locales, elles, voudraient à la fois plus de trains, la grille horaire la plus pertinente, des lignes directes pour Paris mais il faudrait quand même s’arrêter dans les gares intermédiaires… Tout cela est très compliqué, mais je pense qu’on peut arriver à des compromis. Si le concessionnaire n’équilibre pas ses comptes, c’est l’Etat qui va compenser en partie si l’argent des péages ne suffit pas« 

Une aide de la BCE ? Le responsable a ainsi déclaré qu’il y avait « plusieurs pistes à explorer » pour pallier à ce montage : « d’abord, trouver un équilibre pertinent. Il ne faut pas perdre de vue qu’il y aura d’importants gains de temps. Deuxièmement, il va y avoir des nouveaux matériels, avec une plus grande capacité (20% de plus dans les rames), ce qui veut dire que nous n’aurons peut-être pas besoin d’autant de trains. Il y a tout un tas d’éléments à intégrer« . Beaucoup plus surprenant en revanche, cette demande à peine voilée à la BCE d’apporter « des dividendes au projet ».

« Le montage financier demande un peu plus d’un milliard aux collectivités locales, et a été inégalement suivi d’effets. Il peut manquer de la trésorerie pour l’investissement. La solution sera trouvée compte tenu du comportement actuel de la Banque Centrale Européenne qui a décidé d’ouvrir les vannes à des milliards et qui a de la peine à les placer; ça fera simplement un emprunt supplémentaire si on n’arrive pas à se mettre d’accord. Nous n’en sommes pas là, et j’imagines que quand j’aurais fait des propositions, des blocages et mises sous séquestre pourraient se lever« .

Il est vrai que la Banque Centrale Européenne a annoncé en janvier dernier une injection de 1140 milliards d’euros dans l’économie européenne, via un programme de rachat de titres à hauteur de 60 milliards d’euros par mois, selon Mario Draghi. De là à dire que ces liquidités viendront combler le trou du financement de la ligne Bordeaux-Paris…

En attendant, le médiateur nommé par Guillaume Pépy continue sa tournée de conciliation, puisqu’il sera ce jeudi l’invité d’Alain Rousset à l’Hôtel de Région pour une grande manifestation en faveur du projet ferroviaire du Sud-Ouest au slogan clair : « La LGV, j’y vais ! ». Il devrait rencontrer également à la mi-mai le Ministre des Transports, Alain Vidalies, de passage en Gironde la semaine dernière. Depuis l’avis défavorable de la commission d’enquête sur un autre projet ferroviaire (les lignes Bordeaux-Toulouse et Bordeaux-Dax) en mars dernier, les collectivités de Midi-Pyrénées ont a leur tour gelé leurs contributions (environ 300 millions d’euros). Vu sous cet angle, 2017 semble en fait très loin…

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