Edito | Loi Evin et LGV : les drôles de synthèse de François Hollande
14/06/2015 |
C'est entendu le président a levé son verre et rencontré des vignerons. A t-il fait du même coup une publicité condamnable au titre de la loi Evin ? Grave question qui porterait à sourire si elle ne contenait, en elle-même, la part d'invraisemblance et d'hypocrisie dont notre pays, la France, est toujours capable, vingt quatre ans après le vote d'une loi qui confondait dans une même désignation alcools en tout genre et vin... Ah ! Bon parce que le vin ce n'est pas de l'alcool ?... Entendons ici la réaction immédiate des défenseurs d'une jeunesse que l'on dit de plus en plus attirée par l'alcool, au point de se rassembler pour boire jusqu'à basculer dans l'ivresse folle, histoire de faire un bras d'honneur aux interdits et de s'embarquer pour quelque paradis improbable. Oui, convenons-en, le vin est bien une boisson alcoolisée : c'est le fruit de la fermentation alcoolique du jus de raisin ! Mais, si nous sommes capables, les uns et les autres, de connaître un minimum de la viticulture et du vin, nous pourrons affirmer qu'il faudrait déjà quelques bouteilles au degré moyen de 12 degrés qui légitiment un « bordeaux » pour arriver à la hauteur d'un flacon de whisky ou de vodka. Ce simple rappel pour pointer du doigt l'incroyable sottise qui conduit, faute d'une information intelligente, à ne pas distinguer ces alcools durs du vin. Et, bien sûr, nous n'aurons aucune peine à dire qu'il faut le boire avec modération.
François Hollande, entre sa ministre qui d'intransigeance fait profession et les parlementaires, sénateurs puis députés, qui ont osé aménager, sans la jeter aux orties la loi Evin, tente la synthèse en vantant les mérites d'une filière qui rapporte gros à la France. A ce pays, dont le commerce extérieur est en berne, à ces régions qui, en mettant en avant l'oenotourisme cherchent, non seulement, à dynamiser l'économie mais aussi à l'inscrire dans une logique culturelle et de civilisation. Rien à voir avec ces promotions éhontées que nous pouvions lire, il y a quelques jours encore, écrites en gras sur les vitrines d'un bar de la place de la Victoire, à Bordeaux, où les jeunes aiment à se réunir : « un verre de whisky acheté un offert !. »... Attendons, en tout cas, une relance du débat maintenant que Marisol Touraine a promis de faire plier le Parlement.
Mais, puisque François Hollande s'est offert un week end complet entre Le Mans et Bordeaux, en passant par le Stade de France et une finale de rugby indigne de ce sport dont je note qu'on n'ose plus jamais le nommer le « sport roi », reprenons, ici, la réponse qu'il a faite à notre confrère Bruno Dive dans Sud Ouest dimanche, à propos de la LGV : « C'est le plus grand chantier de travaux publics en Europe ! Il est indispensable de tenir les délais et qu'en 2017 cette ligne soit achevée. Reste la question très importante des dessertes. Il doit y avoir des arrêts mais ils ne peuvent être généralisés car il faut conserver la grande vitesse. Cependant, ils doivent être en nombre suffisant parce que la LGV doit contribuer à l'aménagement du territoire. » Bel exercice hollandien qui ne rassurera pas forcément les élus responsables des collectivités, à commencer par le président du Conseil régional d'Aquitaine Alain Rousset, collectivités qui ont été embarquées dans le cofinancement d'un projet dont le médiateur, Jean Auroux, rappelait ces jours-ci que l'Etat n'en aura financé que 40% contre 78% pour le TGV Est. Surtout, on aura noté que le président de la République, en parlant d'une ligne achevée en 2017, semble ignorer que le Grand Projet Sud Ouest, au-delà de Bordeaux, est pour l'instant recalé vers Toulouse et l'Espagne. Une décision gouvernementale doit être rendue publique, d'ici la fin de l'été, après les conclusions négatives de l'enquête publique. Parions que la décision qui sera prise cherchera l'impossible synthèse mais que celle-ci ne sera pas de tout repos quand on considère les dernières estimations de trafic de la SNCF.
Joël Aubert
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