Tribune libre – LGV: Lettre ouverte aux décideurs aquitains


Guy Chaillou
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Temps de lecture 3 min

Publication PUBLIÉ LE 24/10/2013 PAR Le CADE

Voici un extrait de la lettre rédigée à l’initiative d’Alain Rousset, co-signée par de nombreux « grands élus aquitains », et adressée au Premier ministre François Fillon et à Jean-Louis Borloo, le 05/04/2008, pour justifier cette infrastructure :

« Il y va de la sécurité et de l’unité de l’Aquitaine qui reste aujourd’hui la seule région française dépourvue de liaison autoroutière entre sa capitale régionale, Bordeaux, et sa deuxième ville, Pau […] Il convient par ailleurs de reconnaître que la réduction des temps de parcours sur tout cet axe Nord-Sud Bordeaux / Mont-de-Marsan / Pau est un véritable enjeu d’aménagement du territoire. Cette infrastructure conditionne ainsi le développement économique des différents territoires régionaux et constitue un facteur de cohésion territoriale essentiel pour l’avenir de l’Aquitaine.[1] »

Le constat, vous êtes à même de le faire aujourd’hui. Qu’a apporté l’autoroute ? Rien, sinon de la dette !

Malgré l’avis négatif du CNPN (Conseil National de la Protection de la Nature), des associations, les décideurs se sont livrés à un lobbying éhonté pour échapper à une remise en cause du projet par le Grenelle de l’environnement

Cette infrastructure ne se justifiait pas. Aujourd’hui tout le prouve.Force est de reconnaître que contrairement aux « grands décideurs visionnaires », les associations « débiles[2] » maîtrisaient parfaitement ce dossier. Dès 2008, elles prédisaient, preuves à l’appui, « un fonctionnement déficitaire de l’autoroute compte tenu de la faiblesse des trafics et « un risque financier très élevé pour les collectivités » en raison de la clause de déchéance.

Sous la pression de ces mêmes « grands  décideurs », dont vous faites partie, Frédéric Cuvillier, ministre des transports, vient d’annoncer la réalisation de Bordeaux-Toulouse pour 2024 (coût 5,9 Mds€) de Bordeaux-Dax à l’horizon 2027 (3 ,9Mds€) et de Dax-la frontière pour 2032 (coût 4,1Mds€).

Ces annonces sont en contradiction avec les déclarations du Premier ministre qui précisait en juillet que seule la branche Bordeaux- Toulouse serait construite avant 2030.

Quel crédit accorder aux coûts annoncés quand on sait que l’estimation de la construction de la  LGV Tours-Bordeaux est passée de 2,74 Mds€  en 1997 à 3,8 Mds€ en 1999, 5,1 Mds€ en 2007, 6,7 Mds€ en 2009 et 7,8 Mds€ en 2010, avec des dépassements probables puisque Guillaume Pepy, président de la SNCF, évoque un coût in fine de 10 Mds€. 

Les mêmes arguments fallacieux de « désenclavement, d’aménagement, d’irrigation des territoires » de « développement économique », de « gains de temps » sont avancés, les mêmes discours incantatoires, sont prononcés.

Les conclusions de la commission Duron, du rapport Auxiette, sont balayées d’un revers de main.Il n’est pas tenu compte des mises en garde de la Cour des comptes. Dès 2008, dans son rapport annuel, elle attire l’attention sur la rentabilité des LGV « bien plus faible qu’espérée initialement en raison d’une sous-estimation des coûts et d’une surestimation du trafic assez systématiques ». Elle constate un surcoût de 25% de la construction de la LGV Est Européenne et conclut « Si les bilans socio-économiques et financiers des LGV actuellement en projet ou en cours de construction devaient être corrigés de la même façon, ils seraient fortement négatifs. »

En 2012[3], elle dénonce des méthodes d’évaluation socio-économique et financière « insuffisamment transparentes » et «  trop souvent réalisées par les maîtres d’ouvrage, sans contre-expertise indépendante » qui « ne guident pas toujours efficacement les décisions ».

Laissé pour compte aussi, le rapport sur le SNIT présenté à laCommission des Finances de l’Assemblée nationale [4], en mai 2011,parle députéHervé Mariton qui constate qu’après la construction de la LGV Tours-Bordeaux « la réalisation des autres lignes risque de n’être finançable ni par des fonds privés du fait d’une trop faible rentabilité attendue ni par des fonds publics sous contraintes. »

Quant au financement, il n’est toujours pas évoqué, sauf à solliciter « les financements innovants » des « projects bonds » européens ce qui revient à opter pour ces nouvelles « bombes à retardement » afin d’éviter celles  des PPP actuellement proposés !

D’aucun, comme Henri Emmanuelli, évoque « d’attirer des fonds souverains, de Chine, du Qatar ou de Singapour[5] ». Comment peut-on imaginer que ces pays seraient prêts à investir à perte, et sans exiger une garantie des collectivités publiques ?

Sourds à la protestation citoyenne vous poursuivez, messieurs les décideurs, une politique de gabegie qui ne sert pas les intérêts des Aquitains.

Allez-vous continuer une politique d’investissements inutiles et non rentables mettant en péril les finances publiques issues de nos impôts et compromettant l’avenir de nos enfants ?

[1] Lettre à François Fillon : http://aquitaine.fr/IMG/pdf/A65_lettre_Fillon.pdf
[2] Qualificatif utilisé par le président Rousset
[3] « La situation et les perspectives des finances publiques » http://www.ccomptes.fr/Publications/Publications/Situation-et-perspectives-des-finances-publiques-2012
[4] Rapport Mariton : http://www.voiesnouvellestgv.webou.net/document/2011/rapportcompletmariton.pdf http://www.assemblee-nationale.fr/13/rap-info/i3450.asp
[5] Interview au quotidien Sud Ouest du 15/07/2013 

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