Bordeaux : la salle des fêtes du Grand Parc renaît


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Temps de lecture 6 min

Publication PUBLIÉ LE 22/05/2018 PAR Romain Béteille

La belle époque

Téléphone, The Stranglers, Strychnine, The Ramones, The Cure, Iron Maiden, Jean-Jacques Goldman, Noir Désir, Metallica, Gold, Iggy Pop…. Voilà en quelques noms la playlist des artistes qui, de 1973 à 1992, sont passés faire un petit tour dans la salle des fêtes du Grand Parc, soit un bon petit pan de l’histoire du rock. Fermé par la suite pour des raisons de vêtusté car ayant subi les affres du temps, l’ouvrage a du passer entre 1997 et 2007 par plusieurs études de faisabilité concernant une éventuelle réhabilitation mais aucune n’a vraiment donné grand-chose. Début 2012, un atelier d’experts (de la Direction générale de l’aménagement de la ville) a jugé que la seule chose qu’on pourrait faire de la salle, c’est ce pourquoi elle a été créé au départ. Un concours d’architecture (remporté par le bordelais Christophe Hutin) plus tard, les travaux de réhabilitation débutent enfin en octobre 2016, pour un coût défini de 7,4 millions d’euros (pour un budget annuel de 750 000 euros). Ce constat nous conduit donc à ce mardi 22 mai, date à laquelle la mairie de Bordeaux a choisi de dévoiler, dans un quartier en pleine mutation, le projet dans ses grandes lignes et annoncer les premiers spectacles programmés, notamment les festivités inaugurales des 28, 29 et 30 juin prochain.


Nouveau visage

« On a voulu que la scène soit ouverte sur le quartier, et donne sur cette grande baie avec une lumière naturelle. Elle pourra être utilisée la journée pour d’autres manifestations, on ne veut pas y faire que des concerts », a ainsi souligné Fabien Robert, adjoint au maire de Bordeaux en charge de la politique culturelle. « Ses trente ans de vacances font partie de l’histoire de ce bâtiment », a confié pour sa part l’architecte Christophe Hutin, qui a visiblement souhaité ne pas trop dénaturer l’endroit, qui comportera désormais une salle de spectacle d’une capacité de 650 à 1200 spectateurs, une salle de réunion pour les associations du quartier, un restaurant (qui n’a pas encore trouvé preneur au moment d’écrire ses lignes, la mairie ayant émis le souhait d’une second appel à candidature), une galerie d’exposition ou encore un hall d’accueil qui, comme le mur du fond de la salle principale, est assez ouvert. Le budget total de l’ouvrage est d’ailleurs abondé par plusieurs fonds extérieurs, autres que ceux de la ville : la métropole, l’État, l’Union Européenne au titre du Feder (Fonds européen de développement régional) ont aussi mis la main à la poche pour essayer d’accélérer la manoeuvre. 

Pour Yohan Delmeire, coordinateur général en charge de la réalisation du projet culturel de cette nouvelle salle, c’est un peu plus qu’une histoire de place. « On est au croisement des politiques publiques, culturelles, sociales et éducatives, sans opposer les projets extérieurs et ceux des habitants du quartier ». D’ailleurs, la salle des fêtes sera ouverte pour des « pratiques artistiques libres » du mardi au samedi (de 14 à 18h). « On a bénéficié de la forte mobilisation des habitants du quartier depuis 2011 qui ont participé à beaucoup de réunion. Pour monter ce nouveau projet, on a rien inventé de toute pièce, il est né des envies et des besoins du quartier. Ce n’est pas un théâtre, ni un centre social et culturel, ni une salle pour le spectacle amateur. Mais en même temps, c’est un peu tout ça. Tous les artistes prévus ont décidé de jouer le jeu avec le quartier ». Fort d’une étude de population auprès des 15-25 ans ayant réuni 905 jeunes des quartiers Nord de Bordeaux (afin de connaître leurs références et pratiques culturelles respectives), le coordinateur a vu le hip-hop revenir un peu sur le devant de la scène de manière assez large (preuve que l’époque a un peu changé, puisqu’il y a trente ans le rock dominait largement). Pour l’instant, la ville est prudente : d’après les chiffres officiels, elle a annoncé une soixantaine de spectacles par an (dont une vingtaine, soit une jauge d’un tiers, dont elle assurera probablement la programmation) : « en vérité, on pense qu’il y aura bien plus de 60 spectacles par an », précise Fabien Robert, avant que Yohan Delmeire ne précise que « c’est une salle qui est très attendue par les associations et les habitants du quartier qui veulent venir proposer des choses et acceuillir des artistes ». À ce jour, la direction des affaires culturelles précise qu’elle a reçu environ une centaine d’opérateurs intéressés pour investir la salle. 

Deuxième génération

Tout a donc l’air prêt pour accueillir les différents acteurs associatifs et culturels du coin, et ce sera chose faite lors de l’inauguration officielle de la salle les 28, 29 et 30 juin prochain, dates qui auront la lourde tâche de confirmer que l’investissement en valait la peine. Village associatif, foodtrucks, buvette, expo photo (une expo « souvenirs » répartie autour de 30 ans de spectacles vient d’ailleurs de se terminer)… il y aura tout ça et un peu plus. La programmation musicale sera évidemment le coeur de l’évènement : couplée au festival Grand Parc en Scène, elle comprendra notamment l’Orchestre d’Harmonie de Bordeaux autour d’un concert de musiques de film le 28 juin à 22h, un concert de l’orchestre DEMOS le 29 (l’Hymne à la Joie de Beethoven) et, surtout, une dizaine de groupes vétérans de la scène rock bordelaise, en partenariat avec l’association Bordeaux Rock : Les Cons, Stilettos, Strychnine, Tender Forever, Magnetix ou encore la reformation, le temps d’une soirée, du groupe Gamine, qui rappellera des souvenirs aux plus nostalgiques. « La grande heure de gloire de la salle, c’était les concerts de rock. C’était notre maison, il ne se passait pas une quinzaine sans qu’on passe par la salle. La moitié des musiciens invités ont déjà joué ici, ce qui fait qu’on a un peu l’impression de reprendre la salle au moment où elle s’est arrêtée », a notamment confié Didier Mauroux, l’un des fondateurs de l’association. Enfin, on notera que le 30 juin, le public pourra notamment retrouver un concert de musique de chambre ou encore des battles hip-hop avec la compagnie Révolution et la Rap School Barbey. Et pour la suite ? La programmation 2019 sera annoncée en septembre, mais on connaît déjà quelques noms : The Limananas le 25 juillet (à l’occasion du festival Relâche), le trio féminin Garçons (Chloé Lacam, Zaza Fournier et Cléa Vincent) le 9 novembre pour la Quinzaine de l’Égalité, le rappeur Kery James le 10 novembre, la création d’un rendez-vous mensuel sous forme de bal à partir d’octobre, décliné en styles et en genres (bal hip-hop, électro, tango, circassien, LGBT…), Didier Super et ses chansonnettes drôlement bizarres le 8 décembre à l’occasion des « Fous Rires de Bordeaux » mais aussi de nombreux rendez-vous associatifs (fêtes, lotos, animations…). On va arrêter cette liste à la Prévert, mais autant conclure en affirmant que tout ça s’annonce chargé. 

En tout, une dizaine de personnes (dont six permanents) seront chargés de veiller au bon fonctionnement de cette salle, qui proposera des tarifs volontairement jugés « assez bas » (trente euros maximum pour le prix d’un ticket d’entrée, dix-huit pour les grands évènements portés par la ville, cinq pour les bals mensuels), y compris pour la location de la salle (1200 euros pour les associations, montant divisé par deux si l’évènement organisé est gratuit et environ trois fois plus pour un tourneur privé). L’ensemble des tarifs précis seront dévoilés lors du conseil municipal du mois de juillet prochain. « On est vraiment sur des tarifs très accessibles, certaines salles nous l’ont bien fait remarquer ». Quitte à faire de l’ombre aux autres salles, les fameuses « SMAC » de l’agglomération bordelaise (comprenant le Krakatoa, le Rocher de Palmer, la Rock School Barbey et Rock et Chanson) ? Du côté de la mairie, on se défend bien de vouloir jouer dans la même cour, et on invite ces salles à vérifier. « Cet outil a aussi été conçu au service des SMAC, notre intention n’est pas de les exclure, elles y sont admises et même cordialement invitées. On est ici pour renforcer les autres lieux et pas leur faire concurrence », a terminé Fabien Robert, tandis que la Rock School doit toujours subir son propre lifting. La salle des fêtes du Grand Parc va donc faire face à un défi de taille : restaurer sa réputation d’antan sans faire de l’ombre aux salles nées après elle. La mairie de Bordeaux s’est donnée trois ans pour y parvenir. 


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