Bordeaux Métropole : Alain Anziani veut « proposer des alternatives »


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Temps de lecture 11 min

Publication PUBLIÉ LE 23/07/2020 PAR Romain Béteille, Joël Aubert

@qui.fr – Depuis quatre ans, sous l’impulsion de départ d’Alain Juppé et de Mylène Villanove, Bordeaux Métropole signe des protocoles de coopération territoriale avec Angoulême, Libourne, Marmande, Saintes, Mont-de-Marsan et Limoges. Dernièrement, la volonté était de se tourner vers le Médoc et le Bassin d’Arcachon. Comment et vers quel objectif souhaitez-vous poursuivre et étendre ces collaborations interterritoriales avec la nouvelle majorité ?

Alain Anziani, président de Bordeaux Métropole – Depuis que je suis élu président, je reçois beaucoup de sollicitations de présidents de communautés d’agglomération pour travailler ensemble. C’est en cours en effet, notamment avec Angoulême avec un projet d’équivalent immobilier et de rééquilibrage démographique ambitieux. Il faut coopérer sur plusieurs aspects. Il y en a un qui est majeur, c’est celui de la mobilité. La ligne Bordeaux-Créon fonctionne bien, elle va continuer. Le RER métropolitain doit être girondin et arriver à desservir à la fois le Bassin, le Médoc et le Sud-Gironde. C’est du gagnant-gagnant puisque ça permet aux habitants des territoires périphériques de venir plus facilement mais aussi d’avoir moins de voitures dans l’agglomération. 

Ensuite, je crois beaucoup à la coopération en matière de marchés et d’alimentation. La métropole ne doit pas forcément essayer d’être concurrente de tout le monde; on peut au contraire établir des partenariats comme avec la CALI (Communauté d’agglomération du libournais) ou le Réolais. On pourrait faire en sorte d’avoir une coopération alimentaire, qui irait jusqu’à Marmande, pour renforcer la proximité.

On peut aussi aller plus loin : il faut voir si un certain nombre d’entreprises, dans la mesure où c’est leur intérêt, ne pourraient pas aller s’installer à l’extérieur du territoire de la métropole. Ce n’est pas la métropole qui va décider à leur place, on n’est pas dans une économie administrée. Cela dit, on peut travailler là-dessus pour rééquilibrer les territoires et faire en sorte que la métropole ne soit pas un gigantesque trou noir dans lequel tout se concentre.  La question de l’habitat va se poser tout de suite, mais elle se posera si on règle la question de la mobilité et celle de l’emploi. L’idée de rapprocher le domicile du travail est majeure. La métropole n’a pas de ressource en eau, on s’approvisionne du côté du Sud-Gironde. C’est normal qu’on puisse lui restituer quelque chose.

Eau et déchets : vers plus de coopération ?

@qui.fr – Restons donc sur l’eau. Vous avez émis le souhait, lors de votre discours d’élection à la métropole, vendredi dernier, de passer en régie publique de l’eau. C’est une vision politique d’une gestion interne d’un côté et de la concession de l’autre ? Pourquoi et comment comptez-vous vous y prendre ?

A.A – L’eau est un vieux débat et, paradoxalement, pas forcément un débat droite-gauche. A Nice, on est passé à une régie de l’eau. A Lille, Martine Aubry a fait l’inverse. On a eu ce débat au moins deux fois à la métropole avec deux positions tranchées : celle de Communauté d’Avenir et d’Alain Juppé, qui étaient favorables à une délégation de service public en concession et celle de l’opposition dont je faisais partie, qui affirmait que la régie était plus intéressante pour les habitants. On doit pouvoir faire un prix de l’eau moins cher et avoir un équipement de qualité. Aujourd’hui, on sait bien que les canalisations fonctionnent mal, qu’il y a beaucoup de travaux à faire. Ça a des conséquences importantes : d’abord on perd de l’eau parce qu’il y a des fuites et ensuite ça la rend plus chère puisqu’elle est moins abondante. Cela dit, ça ne se fait pas facilement. On a une DSP dont le contrat de concession se termine le 31 décembre 2021. On n’aura pas le temps de monter une régie d’ici là, il nous faudra donc des solutions de transition pour nous permettre de l’installer plus tard. Ça signifie aussi le recrutement et la formation de plusieurs centaines de personnes, à moins d’arriver à avoir un transfert de personnel du délégataire vers la métropole, ce qui signifie un changement de statut pour le personnel.

@qui.fr – Le 5 septembre dernier, le groupe Veolia (via Soval) a remporté l’appel d’offre de la gestion des déchets de la métropole bordelaise à des prix très compétitifs. Après cette annonce, de nombreux élus des communes situées en dehors de l’agglomération ont affirmé avoir vu leurs prix flamber. Mais cet appel d’offre, lui, doit durer encore six ans…

A.A – La métropole négocie son contrat sur les déchets. On ne va pas demander à la métropole quand elle négocie de dire aux entreprises d’augmenter les prix. A mon avis, le problème a été mal posé. Ce qu’il fallait dès le départ, un contrat de ramassage des déchets qui englobe tout le monde. C’est là qu’on voit que les limites administratives ne sont pas les bonnes. Il fallait former une coalition pour avoir un prix commun. En y allant chacun de notre côté, on voit que l’on tire l’avantage. Il faut arrêter de considérer qu’il y a la métropole d’un côté et le reste des territoires de l’autre. Si on dénonçait le contrat, ça nous coûterait très cher. Ça ne serait pas une bonne méthode de gestion, la Chambre Régionale des Comptes nous ferait quelques remontrances avec raison…

Rive droite: vers une OIM énergies renouvelables

@qui.fr – Parmi les priorités de votre mandat métropolitain figure un objectif, lancé en février mais pas vraiment cadré : celui d’une Opération d’Intérêt Métropolitain sur la rive droite bordelaise. Comment l’imaginez-vous ? 

A.A – La rive droite souffre de deux handicaps. Le premier, c’est un handicap de mobilités. La métropole bordelaise est encore en manque de franchissements par rapport à d’autres agglomérations, ce qui créé des endroits de congestion. Il faut plus de fluidité et de mobilité sur la rive droite, qui a le droit penser qu’elle était un peu oubliée sur ces questions.

Ensuite, il faut la rendre attractive. Ça ne peut pas simplement être le lieu où des familles en difficulté s’entassent et où d’autres difficultés s’ajoutent. Pour ça, il faut créer des activités économiques, mais ça ne se fait pas d’un claquement de doigts. L’idée des zones franches, si elle a eu quelques conséquences au début, n’est sans doute pas suffisante. Il faut lui donner une activité propre. La première OIM s’est faite à Mérignac, on l’a construite autour de l’aéronautique. On a pris un point fort avec la volonté de le renforcer. L’idée, c’est de créer une OIM spécifique à la rive droite. Il faut effectivement lui trouver un contenu.

Il y en a au moins deux qui peuvent avoir une certaine évidence. Le premier concerne tout ce qui tourne autour d’une économie du fleuve. Le second est un point d’avenir et changerait certainement l’image de la rive droite : faire une OIM autour des énergies renouvelables, notamment l’hydrogène. On est à peu près tous persuadés que l’électrique n’est pas une fin, qu’il a d’autres conséquences et que la vraie source d’énergie dans l’avenir sera à base d’hydrogène. Il reste à régler plusieurs problèmes : celui de la sécurité, celui du volume de l’hydrogène qu’il faut arriver à condenser, par exemple pour arriver à alimenter les motorisations dans les avions. Il y a en tout cas un grand chantier et la rive droite pourrait en être le lieu. C’est très créatif en emploi à termes. Elle peut être un lieu de gisement de croissance verte, on voit qu’il y a un potentiel. L’intérêt de l’OIM, c’est d’avoir les acteurs publics et privés dans un même lieu. Il faut, là-aussi, une grande alliance. On ne peut pas faire ce genre de projet sans la région. L’intérêt de la nouvelle gouvernance de la métropole, c’est qu’on travaillera sans doute beaucoup plus facilement avec la région qu’on a pu le faire autrefois. 

Les transports à l’épreuve de la majorité

@qui.fr – On sait déjà qu’entre les verts et la gauche, il y aura certainement des points de désaccord ou de friction, comme la revente du Grand Stade, la place de la voiture en ville ou la question, plus globale, des transports publics. Vous avez émis le souhait de reprendre le schéma de déplacements métropolitain. Quelle direction souhaitez-vous prendre ?

A.A – On a signé un accord entre nous. J’ai dit à Patrick Bobet et à Michel Labardin qu’il fallait revoir complètement le schéma de mobilités (SDODM) et que rien n’était sacré. Je ne considère pas que les décisions qui ont été adoptées par la métropole sur le prolongement du tramway jusqu’à Gradignan ou jusqu’à Saint-Médard sont sanctuarisées. Il faudra une année pour refaire ce schéma et tout remettre sur la table en regardant l’utilité, le coût (on sait que le tramway, c’est vingt millions d’euros du kilomètre) et le bilan carbone.

Si je reviens sur l’utilité, la vanne est un critère très important. Si on regarde celle du tramway jusqu’à Gradignan, il est fou de penser que ça puisse passer. On est parti sur un projet qui coûte très cher avec une fréquentation qui ne sera pas suffisante et on se fera de toute façon censurer par la juridiction administrative. Il y aura des recours, et les recours aboutiront parce que la vanne est beaucoup trop faible. Mais ce n’est pas au moment où on dit qu’on va refaire le schéma des mobilités que je vais trancher sur ce qu’on fait ou non.  

Si on fait le RER métropolitain, et il faut qu’on le fasse, il y aura sans doute une participation très importante, or le budget mobilité est déjà le premier de la métropole. Il faudra faire des arbitrages. Il faudra aussi y ajouter des pistes cyclables et un plan piéton qui aura pour ambition de libérer les trottoirs des voitures et d’enlever le mobilier urbain qu’il y a sur les trottoirs, ce qui nécessitera de l’enfouissement et qui aura aussi un coût. Ma philosophie n’est pas d’interdire mais de proposer des alternatives. 

@qui.fr – Celle du maire de Bordeaux envers les voitures à l’air d’être un peu différente…

A.A – Je soutiendrai toutes les initiatives du maire de Bordeaux sur son territoire. S’il souhaite en faire une sorte de laboratoire de l’écologie moderne, il aura mon soutien. On oublie que Bordeaux ne peut rien faire tout seul, toutes les compétences environnementales appartiennent à la métropole. Ça ne veut pas dire qu’on va exporter ailleurs ce qui se fait à Bordeaux. Sur le vélo, on aura une politique beaucoup plus ambitieuse sur l’ensemble de l’agglomération. Aujourd’hui, le budget est de 70 millions d’euros. L’idée c’est de le doubler. Cela dit, je tiens à un partage des usages. Ce qui me frappe beaucoup, c’est qu’on fait du replâtrage aujourd’hui : on prend une avenue à deux voies et on la coupe en créant une voie pour les vélos. Il faudrait plutôt repenser la ville, à l’image de ce que l’on fait au niveau du tram, ce qui demande plus de temps et d’argent.

@qui.fr – Concernant l’aéroport, l’arrêt de la navette Bordeaux-Orly a créé ces derniers mois quelques turbulences. Où en est-on ? Les débats sur l’avenir de l’aéroport risquent aussi d’être un point chaud avec les écologistes… 

A.A – On avait écrit à Edouard Philippe avec Alain Rousset, Patrick Bobet et Patrick Seguin. Je viens de réécrire au nouveau Premier Ministre en actualisant un peu et en joignant une lettre argumentée des salariés d’Air France qui dénoncent une bêtise majeure. EELV pense qu’il faut réduire la liaison mais ne demandent pas la suppression. Les salariés de tout le bassin le disent : ils ne peuvent pas faire l’aller-retour dans la journée en train. La DGAC dit que la suppression des lignes intérieures représente 0,014% des émissions totales françaises, ce qui est très faible quand on sait que l’habitat représentent 40% des EGS en France…

Sur l’aéroport, l’une des premières choses que j’ai dit au dernier conseil de surveillance, c’est que la situation actuelle ne pouvait pas durer, qu’il fallait que l’aéroport devienne éco-responsable. On nous promet la fin de l’artificialisation des sols, on ne voit rien venir, il n’y a toujours pas d’arbre. On souhaite que l’aéroport devienne un îlot de fraîcheur, qu’il assume la biodiversité. Le résultat, c’est que le Plan d’Orientation Stratégique a changé de première priorité : on est passé de la croissance à l’éco-responsabilité. Je suis pour l’interdiction des vols de nuits. Ils sont interdits dans plusieurs aéroports, on ne comprend pas pourquoi c’est accepté ici. Pour le bruit, il faut aussi réguler le low-cost et ne pas accepter n’importe quoi. Je ne suis pas contre le développement de l’aéroport, mais il doit être très maîtrisé. Enfin, concernant l’artificialisation des sols, la préfète est d’accord pour définir des critères très stricts pour définir des permis de construire. Deux fois par an, on examinera si on progresse vers un meilleur environnement.

Migrants : lever le « voile »

@qui.fr – Vous avez, enfin, remis sur la table l’épineuse question des migrants et des squats sur la métropole bordelaise en disant que vous souhaitiez régler la situation. Comment ?

A.A – C’est effectivement honteux de mettre un voile pudique sur les habitats précaires, qu’ils concernent les roms ou les gens du voyage. On doit avoir le courage de débloquer la situation. On a l’obligation d’avoir trois aires de grand passage. Il en faut une à Bordeaux, j’en ai proposé une à Mérignac. Je vois bien que ça s’enlise, je vais donc proposer un autre terrain qui appartient à la métropole et qu’il sera plus facile d’aménager. Il en faut une aussi sur la rive droite pour ne pas concentrer tous les flux au même endroit. Concernant les roms et les ETI (Espaces Temporaires d’Insertion), trois communes s’étaient manifestées : Bordeaux, Bègles et Mérignac. On en est resté aux discours. On a identifié les endroits, il faut maintenant réaliser les aménagements nécessaires et mettre en place un accompagnement. L’objectif final reste le retour vers le droit commun, pas de créer des campements qui vont durer. La mission squat de la métropole peut proposer, mais il n’y a pas eu ces dernières années la volonté politique de la métropole de trouver des solutions. C’était plutôt la politique de la patate chaude, on les expulsait et ils faisaient le tour des communes voisines avant de revenir au même endroit. 

Les déboutés du droit d’asile sont aussi un problème. La préfète, qui a vécu Calais, est assez intransigeante sur la question. Il ne faut pas que l’État se renferme dans une contradiction majeure : s’ils sont déboutés, soit ils sont reconduits à la frontière, soit ils ne le sont pas. Aujourd’hui, ce n’est pas le cas… on ne va pas rien faire et laisser ces gens crever de faim, il faut que l’État mette les moyens. On ne va pas reproduire Calais ici, surtout pas, mais il faut aussi trouver des solutions pour certaines familles qui sont là depuis des années.

L’info en plus : Pour plus d’informations sur l’élection de vendredi 10 juillet et les priorités de la nouvelle majorité, c’est par là. 

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