Edouard Philippe à Bordeaux : entre justice et vandalisme


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Publication PUBLIÉ LE 01/02/2019 PAR Romain Béteille

Cérémonie contextuelle

Ils étaient 309 à prêter serment ce vendredi 1er février. Eux, ce sont les auditeurs de justice de la promotion 2019 de l’Ecole Nationale de la Magistrature, à Bordeaux. Une cérémonie solennelle commentée à plus d’un titre, principalement en raison de la venue de deux ministres pour y assister : la ministre de la Justice Nicole Belloubet et le Premier Ministre Edouard Philippe, en déplacement à Bordeaux. La première à rappelé, dans un contexte de réforme judiciaire largement contesté par la profession (qui a tout de même évoqué dans son discours le « choc des réformes incessantes ») un « besoin de justice partout. Le magistrat, en termes de régulation et de pacification sociale, est un acteur majeur de notre société et joue un rôle indépassable dans un état de droit. Il a la charge de décider avec son humanité ce qu’un algorithme serait incapable de faire », a rajouté Nicole Belloubet, dont l’actuelle réforme est critiquée notamment en raison du but principal de la numérisation qui, selon le monde judiciaire (national comme local), se ferait dans une logique de réduction des coûts.

« La révolution numérique, dont l’institution se saisit résolument, est un axe clé de son évolution ». La garde des sceaux a rappelé les grandes priorités de la réforme en cours, qui doit être examinée en deuxième lecture au Sénat le 12 février prochain : la fusion des tribunaux d’instance et de grande instance, faisant notamment craindre aux avocats la création de « déserts judiciaires » régulièrement dénoncés, l’évolution des procédures civiles et pénales et leur accélération et la création d’une Cour criminelle départementale, là aussi dans un souci, selon Nicole Belloubet, d’efficacité. « Vous étiez 137 il y a dix ans, 300 aujourd’hui. Cela prouve les efforts faits pour remettre la justice au coeur de la société. Ce n’est jamais suffisant, bien sûr, mais cela montre la volonté du gouvernement de doter la justice des moyens dont elle a besoin pour combler les juridictions. Nous n’allons pas nous arrêter là; la formation doit continuer à évoluer avec une plus grande ouverture vers l’extérieur. Cela passera par une diversité accrue du recrutement, une plus grande souplesse dans la structure de l’enseignement et des stages proposés et l’effort accompli pour ancrer les futurs magistrats dans la connaissance du fonctionnement de l’Etat ».

Du côté du Premier ministre, le discours est resté là aussi assez sage, même si ce dernier a tout de même fait allusion à « une soif de justice immense dans notre pays. Vous allez devoir l’étancher, ce n’est pas une petite mission et la solution sera rarement évidente. Il faut comprendre le justiciable, saisir ce qu’il est, ne pas hésiter à punir mais ne jamais cesser d’espérer. Cette justice porte l’indépendance, matérielle notamment car une justice sans moyens est entravée. La France consacre 66 euros par habitant à la justice, contre 122 euros en Allemagne. Le gouvernement veut lui donner plus de moyens, d’où l’augmentation durable de son budget de 24% durant le quinquennat dans une époque où les finances publiques cherchent la sobriété. Nous avons créés 145 postes de magistrats et allons en ouvrir une centaine de plus cette année. Dans ce climat de défiance face aux institutions, il nous appartient à tous d’être à la hauteur », a terminé Edouard Philippe.

Des aides pour les commerces

En dehors de cette cérémonie traditionelle, le Premier ministre (accompagné d’un large dispositif de sécurité ayant bouclé une partie du centre-ville de Bordeaux), en visite auprès d’Alain Juppé pour la deuxième fois depuis sa nomination, a participé à une journée en plusieurs séquences : visite du projet immobilier Euratlantique et discours à l’ENM, donc, mais aussi rencontre de commerçants du cours Pasteur, artère du centre-ville particulièrement impactée ces dernières semaines par les affrontements survenus en marge des cortèges de gilets jaunes. Alors qu’un nouvel acte est prévu demain, les commerçants bordelais ont plusieurs fois tiré la sonnette d’alarme pour dénoncer l’impact important de ces manifestations sur leur chiffre d’affaire. Leur représentant associatif, La Ronde des Quartiers, a récemment écrit au ministre de l’Economie et des Finances pour demander un accompagnement « sur-mesure pour cet état de catastrophe exceptionnel du commerce ». Ils ont également demandé d’interdire la rue Sainte Catherine aux manifestants pour protéger les 1200 commerçants qui y travaillent.

Rien de tel n’a été annoncé ce vendredi, mais des mesures d’accompagnement ont tout de même été officialisées par Edouard Philippe. « Nous avons fait en sorte que les paiements, notamment les charges sociales, puissent être étalés sur vingt mois pour soulager leur trésorerie. Je les ai incités très fortement à faire cette demande. Du côté des assureurs, nous avons pu obtenir un système de franchise unique. Quelques commerçants ont fait l’objet de dégradations plusieurs fois de suite et devaient s’acquitter de plusieurs franchises successives. C’est un point important pour ceux qui ont subi des violences. L’Etat sera au rendez-vous de l’accompagnement financier des petits commerces via un fonds qui permettra de mettre en place un plan de relance pour ces petits commerces; il permettra d’accompagner les initiatives prises par les collectivités territoriales ». Une enveloppe de trois millions d’euros devrait être versée à une dizaine de villes ou de collectivités impactées par les « casseurs », et Bordeaux devrait toucher 300 000 euros pour mener des actions de communication en faveur du centre-ville. Des aides qui auront peut-être du mal à satisfaire les commercants locaux.

Pour Christian Baulne, représentant de la Ronde des Quartiers, qui a notamment demandé d’annuler le paiement de la contribution foncière des entreprises (CFE), « reporter les charges ne les annule pas et pour les payer il faut faire du chiffre d’affaires ». Pour ce qui est de l’exonération des charges, Edouard Philippe a assuré « ne pas pouvoir s’engager maintenant ». Le 17 janvier dernier, la Chambre de Commerce et d’Industrie de Bordeaux et de Gironde dévoilait une enquête sur l’impact du mouvement des gilets jaunes sur les commerçants bordelais. Cette dernière ne prenait pas de gants : elle dénonçait une baisse du chiffre d’affaire pour 90% des 300 commerçants girondins interrogés. Face à un nouveau samedi de mobilisation annoncé, Bordeaux a annoncé avoir pris des « mesures préventives » : fermetures de nombreux sites municipaux, modifications d’horaires pour les musées, report du match Girondins-Guinguamp prévu initialement ce samedi 2 février et consignes de prudence, à l’égard des commerçants du centre-ville, pour lesquels une opération de parking gratuit sur la place des Quinconces tout le week-end sera renouvelée, soit environ 400 places disponibles jusqu’au 17 février prochain, les soldes se terminant le mardi 19 février. Pour ce qui est des « actions de communication » des collectivités territoriales, en revanche, affaire à suivre…

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