En 2050, Talence veut un campus « perméable »


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Temps de lecture 7 min

Publication PUBLIÉ LE 04/12/2018 PAR Romain Béteille

Un « territoire d’opportunités », c’est ce qui résumera sans doute le mieux le message qu’ont semblé faire passer les différents intervenants des débats et tables rondes autour de « Talence et son campus : comment mieux vivre ensemble », organisé ce mardi 4 décembre dans le cadre de Bordeaux Métropole 2050, grande démarche de prospection et de réflexion lancée en septembre dernier. Dans un contexte de pénurie de logements pour les étudiants qui poussent, chaque année plus nombreux, les portes de la fac, Bordeaux 2050 se prend ainsi à rêver d’un campus « ouvert à tous les usages », d’un territoire qui mêlerait harmonieusement nature et mobilités… Vaste programme, d’autant que l’Université de Bordeaux est actuellement en plein chantier de dévolution de son patrimoine et que l’opération InnoCampus, dont Talence intègre le périmètre, a toujours de vastes ambitions (sans oublier l' »Opération Campus« ).

Bataille du mètre carré fonctionnel

Un problème après l’autre. Le logement, pour commencer. Ce n’est plus un secret, la métropole a tout le mal du monde à compenser un écart qui se creuse entre le nombre de logements disponibles (fracturé par la concurrence féroce, notamment sur Bordeaux, des plateformes de location saisonnières) et un effectif annuel en hausse constante, ce qui n’a pas été sans causer quelques problèmes à la dernière rentrée. Pour Francis Stephan, directeur général de Domofrance (qui a déjà réagi sur le sujet il y a quelques semaines), « la forme de l’habitat étudiant va évoluer, on va se retrouver face à des logements qui vont être concernés par trois, quatre locations par an, voire plus. Il va falloir penser la ville dans ses fonctions différemment, pareil pour le campus. L’Université n’a pas vocation à être propriétaire du foncier pour construire », a affirmé ce dernier. Du côté du président de l’Université, le problème du logement étudiant est déjà bien identifié. Domofrance et le directeur de la fac ont en tout cas un point commun : ils veulent un campus qui dépasse ses simples fonctions de classes et de bâtiments ouverts pendant la période universitaire. « Toutes les grandes métropoles s’appuient sur de grandes universités et vice-versa. Elles avaient tendance à être refermées sur elles-même mais aujourd’hui, elles sont en train de s’ouvrir et même de devenir propriétaire. On a des défis en termes de logement et on ne peut pas ne pas agir. En termes de partage des infrastructures, les campus sont des lieux d’innovation où les grandes entreprises se sont installées parce que ça leur permettait d’avoir plus de possibilités de développement et d’être en prise directe avec les diplômés. Il faut qu’en France, quand on en a l’opportunité comme à Bordeaux, on puisse développer cette collaboration. D’un point de vue social aussi, il y a une transformation à opérer avec des aspects intergénérationnels à activer. L’Université est un dispositif à rendre au citoyen, il faut qu’elle soit un outil sur lequel ils puissent s’appuyer dans tous les domaines », continue Manuel Tunon de Lara.

Hervé le Naour, lui, n’aime visiblement pas « limiter un projet à une fonction identifiée. A niveau constant, on construit en France environ 1% du parc existant par an, le taux de renouvellement est donc très lent. Si on ne se projette pas sur une ambition, on a peu de chances de l’atteindre. Il faut que les villes acceptent de continuer à construire, que nous soyons ambitieux, et l’innovation sera une conséquence de cette ambition », a notamment souligné le directeur de RedMan Atlantique, filiale de l’opérateur immobilier du même nom se définissant elle-même comme objectif de « maximiser la création de valeur des projets ». Le coup de frein mis par de nombreux maire de la métropole sur la délivrance des permis de construire devrait apprécier. « Il faut se servir des besoins d’aujourd’hui pour le logement étudiant : créer du co-building, des espaces tertiaires, des commerces et des lieux communs qui y soient liés ». Autrement dit : tout faire pour éviter les tours dortoirs alignées dans un coin. Serge Dulucq (vice-président du patrimoine de l’Université de Bordeaux) l’affirme : sur l’effectif 2015-2016, on avait déjà plus de 7000 étudiants qui résidaient hors métropole. En octobre, on a identifié environ 400 étudiants qui avaient du mal à se loger et pour la deuxième année consécutive, on a lancé un appel au personnel de l’Université pour les aider dans ce sens ».

Une fac plus ouverte

Pour le maire de Talence, Emmanuel Sallaberry, l’Université « est en train d’essayer de s’ouvrir sur la ville. On veut en faire un autre modèle. Un habitant sur quatre à Talence est étudiant ou travaille à la fac, on va donc vers un agrandissement de ce campus. On sait que les décisions de 2030, 2040 voire 2050 en termes de conception des mobilités et de l’urbanisme notamment, vont être prises dans les prochaines années. Il faut définir un schéma d’aménagement, même si on sait que les principales réserves foncières ne sont pas situées sur Talence. Ce qu’on attend, c’est des modes de gouvernance qui permettent à chacun d’apporter sa pierre et de définir une stratégie globale sur le logement, les transports, la culture. Il faut que ça se fasse de façon harmonieuse ». Un avis partagé par le président de l’Université. « En 2050, elle va changer dans la forme et dans le fond », assure-t-il. « Dans le fond d’abord parce que jusqu’ici, on apprenait aux étudiants des compétences ciblées sur un métier que l’on connaissait et on leur donnait de l’information pour atteindre un niveau de compétence. Demain, il faudra leur donner des compétences pour avoir plusieurs métiers différents : il faudra leur apprendre à apprendre, qu’ils puissent eux-même évoluer et avoir la possiblité de changer de voie et d’avoir des compétences transversales. Ce changement de fond s’est initié, mais je pense qu’il va monter en puissance. Dans la forme, les modalités d’enseignement vont changer parce que les suites  transformation numérique vont être plus fortes que la spatialisation, ça fera aussi partie de la formation que l’on donnera. Elle devra, enfin, être plus ouverte, ancrée dans la ville et avoir une véritable organisation sociétale perméable avec son environnement ». Voilà pour le rêve.

Dans la réalité, Pierre Beaufort, étudiant à Science-Po, était « la caution étudiante » des débats de la matinée. Galère de logement et de mobilité, il a connu les deux sans vraiment choisir. « Je suis étudiant à Bordeaux depuis la rentrée. Les logements étaient très chers sur place alors j’ai du faire depuis la rentrée un aller-retour tous les jours entre Bordeaux et Poitiers, où j’avais un appartement. Quand j’avais cours tôt le matin, je dormais sur Bordeaux, chez des amis. Il y a quelques semaines j’ai du me trouver un appartement sur Bordeaux parce que financièrement, prendre le train tous les jours est devenu impossible (pour des raisons, dit-il, de pass et de trajets plus « sélectifs » depuis les vacances de la Toussaint. « Même si c’est un choix d’indépendance, je vais peut-être devoir faire un prêt étudiant pour financer ma vie à Bordeaux ». Comme des milliers d’autres, il doit faire le trajet tous les jours jusqu’au campus. Les problèmes de mobilité (notamment un tram B saturé) sont donc son lot quotidien. Là aussi, sans trouver de solution miracle, les intervenants du débat ont évoqué quelques pistes.

Des transports contrôlés ?

La réouverture de la gare de la Médoquine, située à « cinq minutes du campus à vol d’oiseau », était évidemment dans les têtes, de même que le « métropolitrain » auquel elle serait liée (un texte devrait être signé et voté prochainement par Bordeaux Métropole et la région Nouvelle-Aquitaine pour inciter la SNCF à développer la circulation des trains sur l’agglomération). Pour le reste, les pistes sont nombreuses : bus à haut niveau de service, renforcement des abris de sécurité et des pistes cyclables, cheminement piéton plus sécurisé (avec un itinéraire doux qui pourrait passer par le Parc Peixotto)… et d’autres idées plus audacieuses comme celle formulée par Eric Genay, directeur du projet « Opération Campus ».

« Le CHU a choisi de concéder son parc de stationnement à une société privée, je pense que nous ne sommes pas mûrs pour faire ça aujourd’hui, il y aura une étape intermédiaire. En 2019, Opération Campus va mettre en place un « plan mobilités », en parallèle avec un nouveau schéma de déplacements qui sera débattu par la métropole et les communes. L’étape intermédiaire en question, cela pourrait être une interdiction d’accès en voiture au parc de stationnement pour les personnes habitant à moins de trois ou quatre kilomètres du campus, en les incitant à utiliser les transports en commun ou le train si la médoquine réouvre bien dans trois ans ». Pour, demain, un campus au paysage moins « tout voiture » ? En attendant d’en arriver là, les élus de Bordeaux Métropole vont débattre, le 21 décembre prochain, de la possibilité de créer « une grande ligne de transports en commun permettant de desservir les campus qui va rejoindre le tramway A », comme une alternative à la ligne B. Preuve que, même lorsque le réseau tombe en panne, les idées qui veulent l’associer au développement de l’agglomération ne suivent pas forcément le mouvement.

L’info en plus : L’initiative Bordeaux Métropole 2050 se poursuit, avec de nombreux débats ouverts à tous tout au long du mois de décembre, et même après. On y parlera « financement des villes », aménagement du territoire et climat, mobilité à Saint-Médard-en-Jalles en février, solidarité et migrations en mars, peu avant la restitution complète des différentes contributions, censée servir de conclusion. Retrouvez tous les rendez-vous sur le site www.bm2050.fr.

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