Girondins de Bordeaux : la métropole donne son feu vert pour le rachat


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Temps de lecture 8 min

Publication PUBLIÉ LE 12/10/2018 PAR Romain Béteille

L’obsession fiscale

« Tout est réuni pour laisser cette opération se dérouler ». Tels ont été les mots d’Alain Juppé ce vendredi 12 octobre à l’occasion d’une session extraordinaire du conseil de métropole censé voter à main levée le transfert des obligations du groupe M6 vers le futur nouvel actionnaire du club de football des Girondins de Bordeaux. Les résultats du vote de la délibération ont donc été, sans grande surprise, en majorité en faveur de son adoption (79 voix pour, 13 voix contre et 12 abstentions). Ce jeudi soir, les élus métropolitains ont longuement interrogé Joseph Da Grosa, représentant du fonds d’investissement américain GACP (General American Capital Partners), soutenu et crédité par deux autres fonds, King Street (fonds d’investissement spéculatif) et Fortress. Ce montage financier complexe avait un temps mobilisé une crainte de l’opposition, notamment de l’élu socialiste Matthieu Rouveyre, qui avait déposé en septembre sur son blog un billet dénonçant ce qu’il interprétait comme une tentative d’évasion fiscale au Luxembourg, l’entreprise censée acheter le club (La Dynamie SAS) étant elle-même filiale d’une holding (FC Bordeaux Holdings) domiciliée au Luxembourg. Pour l’élu, « acheter un club de foot français pour abriter une partie de ses activités dans un paradis fiscal ne démontre pas non plus un très grand respect pour le pays dans lequel il vient investir ». Les ultramarines Bordeaux 87 avaient également fait part de leur vive inquiétude, notamment sur les réseaux sociaux, apparemment très motivés pour « ne pas laisser le club devenir le jouet de brigands internationaux ».

Ils avaient d’ailleurs manifesté le 14 septembre dernier en affichant des banderoles autour de différents monuments de la ville sous le slogan « FCGB : un monument en danger ». Un article de l’Equipe datant du 30 août avait ainsi souligné l’aspect « serial entrepreneur » de Joseph Da Grosa et fait parler un économiste qualifiant King Street de « fonds vautour » et souligné qu’il y avait « à coup sûr une notion de rentabilisation ». France Football, plus récemment, avait même relevé quelques indiscrétions, montrant notamment le patron d’M6, Nicolas de Tavernost, n’excluant pas « un plan B » en cas de vote négatif. Il faut dire aussi que le terme « argent sale », lancé par les ultramarines, n’avait pas manqué de faire réagir Alain Juppé lors de sa conférence de rentrée en septembre, qui avait rappelé alors s’être « toujours abstenu de s’immiscer dans le fonctionnement du club. Ce qui m’importe, c’est que les garanties apportées par M6 au moment de la signature du partenariat public – privé (soit le loyer du stade Matmut) soient confirmées par GACP. Tout ça est absurde. Je ne comprends pas trop cette campagne, le terme « argent sale » est grave. Le club repart dans des conditions plus favorables car la dette de 60 M€ du club envers M6 sera effacée » avait-il souligné.

Lever les doutes

La réunion de ce jeudi entre Joseph Da Grosa et les élus métropolitains, qui s’est clôturée par un échange avec la presse, avait d’abord une volonté de rassurer. Non, l’activité de GACP au club des Girondins de Bordeaux « ne sera pas basée sur les ventes de joueurs, on ne compte pas sur ça pour dégager des bénéfices » a affirmé, particulièrement altruiste, Joseph Da Grosa. « Ce que nous souhaitons c’est améliorer les performances du club, mettre les meilleurs joueurs au meilleur endroit. Par contre, si nous avons des joueurs que l’on ne peut pas occuper, on les vendra ». Oui, selon le maire de Bordeaux, il y a bien un projet sportif derrière la reprise, même si « ce n’est pas notre affaire. Nous n’avons pas à délibérer sur cette question mais le club des Girondins appartient à l’histoire, à la culture de Bordeaux et il est parfaitement légitime que nous nous intéressions à son avenir. La première des réponses apportées, c’est qu’en cas de difficultés, GACP a confirmé que les premières dettes payées le seraient à la métropole » (en l’occurence le paiement du loyer du Matmut Atlantique, qui représente 3,8 millions d’euros par an, 150 000 € de frais d’entretien de la pelouse jusqu’en 2045 et une redevance au prorata du chiffre d’affaires réalisé sur le stade). « J’ai enregistré la volonté de GACP de porter ce club à un haut niveau et de prendre les moyens d’atteindre cet objectif sportif. Nous avons senti chez Joseph Da Grosa une empathie pour Bordeaux et pour le club, il a eu l’honnêteté de nous dire qu’il n’était pas un spécialiste du football à la française mais qu’il était un amoureux du sport et qu’il s’engageait pour réussir ».

Oui, la dette du club à M6 sera bien effacée, a confirmé Nicolas de Tavernost. « Nous ne partons pas parce que le club est en difficulté mais parce que nous avons des investissements à effectuer après ceux que nous avons fait dans le domaine de la radio. Aujourd’hui, le football n’est pas une priorité dans notre domaine d’activité. Est-ce que nous avons trouvé le bon repreneur ? Nous avons en tous les cas pris des garanties pour que la reprise se passe correctement. Nous n’avons pas trouvé de repreneur français, encore moins aquitain, mais des américains motivés avec lesquels nous avons travaillé de longs mois pour mettre au point un accord dans lequel il y avait un certain nombre de garanties. Nous effacerons les dettes que le club a vis-à-vis de M6 à l’occasion de la transaction et nous avons demandé des engagements, notamment dans l’exploitation du club, qui ont été repris dans les documents permettant la cession » a précisé ce dernier.

Pour Joseph Da Grosa, l’heure était aussi à la levée des doutes. « La DNCG a fait des commentaires sur le rapport, elle nous a interrogé sur notre plan financier. Nous avons fourni un plan financier très sûr et nous sommes très confortables avec celui-ci. Notre prêteur (Fortress, donc) viendra aussi abonder ce financement pour atteindre les 80 millions d’euros de budget dont nous avons besoin. Nous avons pris l’engagement de répondre aux demandes de la DNCG, nous la reverrons d’ici quelques mois et nous serons à cette occasion accompagnés de KingStreet ». Pas de réponses en revanches pour savoir les modalités précises de l’abondement de Fortress. De son côté, l’élue socialiste et maire de Blanquefort, Véronique Ferreira et Présidente de la commission des finances de Bordeaux Métropole, a affirmé avoir obtenu « des réponses à 80% par rapport à mes inquiétudes, c’est déjà pas mal. Je pense qu’il y a une vraie volonté personnelle de la part de Joseph Da Grosa, ce qui est très positif. Il y a eu des réponses sur les aspects financiers, la place de Fortress, la manière dont ça se passera s’il y a un problème de remboursement de dettes et le fait que le paiement du stade venait en tête du paiement des créances. Cela dit, j’aurais bien aimé voir KingStreet. L’engagement juridique est pris par Joseph Da Grosa mais financièrement, ce sont eux les propriétaires du club. Lui a le mandat pour travailler et pour tenir la lettre d’intention avec l’assise importante de GACP ». L’élue a cependant précisé qu’elle ne s’opposerait pas au vote de ce vendredi.

Premières pistes

Tout a donc l’air en ordre et une grande partie des soupçons levés, y compris sur la gouvernance du club. « On veut mettre en place la bonne équipe de direction et diriger le club à ce niveau. Nous avons déjà quelques idées. Le centre de formation sera l’un des points clé parce qu’il représente des opportunités importantes pour la santé du club et nous souhaitons y investir des ressources pour améliorer encore son potentiel », a souligné Joseph Da Grosa, qui a également précisé avoir déjà auditionné plusieurs candidats pour remplacer l’ancien président Stéphane Martin, et que le futur désigné serait « un professionnel ou une personnalité à l’aise dans le monde du football français et européen ». Le vote de la reprise, un temps repoussé, avait aussi fait surgir une crainte concernant une éventuelle réduction de charges de dix millions d’euros lors de la première année de reprise. Selon Alain Juppé, cette dernière n’est plus à l’ordre du jour. « J’ai été totalement rassuré sur ce point puisque la DNCG a fait parvenir au club une note rectificative. La DNCG a confirmé que l’écart de dix millions d’euros par rapport à la présentation budgétaire initiale provenait d’un reclassement des dotations aux amortissements et qu’il n’y avait pas d’économies de charges prévues par le repreneur au titre de la saison 2018-2019 par rapport au budget initial du club ». GACP, qui s’est engagé sur une durée minimum de cinq ans, a dévoilé des pistes (évasives et sans précisions sur certaines inquiétudes évoquées par le socialiste Vincent Feltesse, notamment concernant la rentabilité de 15 à 20% visée par King Street et les éventuels nouveaux aménagements/hausse du prix des places que cette question pourrait engendrer) sur leur souhait de « développer des synergies entre la « marque Bordeaux » et le club. « Nous souhaitons développer des opportunités et exporter l’image de Bordeaux. Nous avons des perspectives de partenariats vers les Etats-Unis ou la Chine notamment, et GACP vient de faire un investissement très important récemment dans une convention d’affaires du monde du football à Miami ». 

Il faut dire que la proposition de GACP est bien la seule en lice. « Si nous bloquons l’opération, allons nous trouver un autre repreneur ? Nous n’avons pas le droit de conduire ce club au déclin, non plus celui d’imposer à M6 de rester s’il ne le souhaite pas », a rajouté le maire de Bordeaux, précisant que la DNCG continuerait ses contrôles après la cession du club. Et même si GACP n’a pas manifesté le souhait de racheter le stade Matmut Atlantique, développer une stratégie pour y attirer du monde pourrait sérieusement jouer sur l’affluence de ses visiteurs. En effet, malgré un bilan positif de la Cour des Comptes concernant l’impact du grand stade sur les financements de Bordeaux Métropole en 2017, Vinci et Fayat (actionnaires de la société SBA, constructeur et exploitant du bâtiment pour trente ans dans un partenariat public privé) affichent un déficit de 10,3 millions d’euros sur les exercices 2015, 2016 et 2017, soit des dettes trois fois supérieures aux prévisions de départ. L’affluence au stade est apparemment loin d’être au beau fixe, avec notamment une moyenne de 23 000 spectateurs pour les 23 rencontres des Girondins en 2017 sur une capacité totale de 42 000 places. Et l’avenir n’est pas non plus très encourageant : le président de l’UBB, Laurent Marti, n’a resigné que pour un seul match. L’entrée de GACP est donc, en sous-main, plutôt bienvenue, y compris pour la très discrète société Stade Bordeaux Atlantique. Les Girondins, eux, doivent toujours affronter Montpellier le 21 octobre prochain. Le patron d’M6 a affirmé que la vente serait définitivement actée « avant la fin du mois ».

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