Grand Entretien : Maxime Derrien (GPV Rive droite) « La deuxième phase de renouvellement urbain, mettra l’accent sur l’économie et l’insertion »


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Temps de lecture 19 min

Publication PUBLIÉ LE 12/02/2021 PAR Yoan DENECHAU

@qui! : Le GIP GPV Rive droite fête cette année vos 20 ans. C’est l’occasion pour vous de revenir sur vos actions : vous accompagnez notamment le pilotage de la rénovation urbaine sur la rive droite, mais pas que. Qui compose le GPV à la base ?

Maxime Derrien : Le GPV est un label national donné par l’État. Le Grand Projet des Villes rive droite a donc été créé par les quatre villes de Bassens, Lormont, Cenon, Floirac et l’État. Ils ont été rejoints en 2006 par la CUB, aujourd’hui Bordeaux Métropole. Nous sommes financés à moitié par nos membres, les quatre villes et Bordeaux Métropole – l’État est sorti du GIP en 2011. L’autre moitié du financement rassemble plusieurs acteurs, en rapport avec les axes du GPV (Agence Nationale de Renouvellement Urbain, Métropole, Conseil Régional et ADEME notamment…).


@! : Quand on parle de financements de l’ANRU, il s’agit de fonds de l’État, mais pas pour n’importe quels territoires. On parle beaucoup de quartiers fragiles, ou de quartiers « politique de la ville », donc ça part d’un constat sur plusieurs indicateurs, comme un taux de pauvreté ou un taux de chômage plus élevé qu’ailleurs ?


M. D. :
Sans rentrer dans la technique, la rive droite abrite beaucoup de quartiers « politique de la ville » et pour labelliser ces QPV, beaucoup de critères sont croisés : taux de chômage, de pauvreté, d’enseignement. Sur les quatre villes du GPV, on a cinq opérations de renouvellement urbain, labellisées par l’ANRU « Nouveau Projet National de Renouvellement Urbain » (NPNRU), situées sur la plaine : Joliot-Curie à cheval sur Bordeaux, Floirac et Cenon, Dravemont à Floirac, Palmer-8 mai 45 à Cenon, Carriet à Lormont et Prévert sur la ville de Bassens.

@! : Pouvez-vous rappeler la démarche globale du Grand Projet des Villes Rive droite ? Quand l’ANRU décide d’agir sur un territoire, il ne s’agit pas que d’urbanisme.

M.D. : Les quatre villes ont commencé à réfléchir sur comment se structurer au début des années 2000. Il s’agissait de répondre à l’enjeu de la démolition de plus de 2 000 logements, de la restructuration des espaces publics et de la volonté de créer un projet de territoire autour d’équipements publics, sportifs et culturels. Les quatre villes ont à peu près les mêmes caractéristiques, en termes de population, de chômage, mais aussi de patrimoine, notamment paysager à travers le Parc des Coteaux.
Cette identité propre les a conduit à créer ce groupement d’intérêt public, dont l’objectif est d’avoir une approche globale. C’est à dire une approche croisée à la fois dans l’approche urbaine, la morphologie de la ville avec les enjeux de peuplement et d’architecture, mais aussi les enjeux socio-économiques et la qualité de vie sur la rive droite. Le GPV a été amené à accompagner les quatre villes et la CUB (Communauté urbaine de Bordeaux, ex-Bordeaux Métropole, ndlr) pour coordonner l’ingénierie des différentes phases de travaux et donner une lisibilité dans cette période qui a duré quasiment dix ans. Elle a permis de vraiment changer l’image de la rive droite, qui était vraiment très stigmatisante en 2001. Il n’y avait pas de réseau de transport sur la rive droite avant 2003 et l’arrivée du tramway, il y avait beaucoup de barres d’immeubles. Le bilan est plutôt positif sur les enjeux de peuplement, avec une réelle mixité, qui n’existait pas au moment de la démolition.

Si on en fait un bilan global, il y avait aussi des indicateurs, notamment sur les enjeux économiques, par rapport au taux de chômage, qui ont malheureusement peu évolué suite aux opérations de l’ANRU 1. C’est un des enjeux dans le cadre de l’ANRU 2, qui s’ouvre aujourd’hui : accompagner les opérations économiques et travailler sur l’insertion.

Six ans pour préparer la deuxième phase de renouvellement urbain


@! : Le taux de chômage est toujours très élevé, le taux de pauvreté reste, lui aussi, important dans certains quartiers. Comment expliquez-vous ces échecs et pouvez vous nous en dire un peu plus sur ce nouveau projet que vous appelez ANRU 2, ses caractéristiques ?

M.D. : Aujourd’hui, les quatre villes de la Rive droite représentent 40% des habitants en quartiers dits « prioritaires » de la Métropole, alors qu’elles représentent 7 à 10% de la population de Bordeaux Métropole. Cela montre bien qu’il y a une réelle concentration sur ce territoire et malheureusement, le contexte épidémique et économique actuel fragilise encore plus ces populations. Un des enjeux de l’ANRU 2, dans les opérations de démolitions, est de pouvoir offrir de nouvelles opérations de construction à l’extérieur de ces quatre villes pour ne pas massifier la population la plus pauvre dans ces mêmes quartiers. Il y a un enjeu de mixité sociale très important ici.

En ce qui concerne l’ANRU 2, durant l’année 2020 nous avons travaillé sur un projet 2021-2026, qui va être notre feuille de route pour les six prochaines années et qui comporte sept piliers. Le premier est la mobilité : je rappelle que la métropole bordelaise est la troisième agglomération la plus embouteillée de France. Sur la rive droite notamment, il y a des enjeux spécifiques sur la mobilité domicile-travail, étant donné que les destinations sont majoritairement en dehors de la rive droite. Comment les populations de la rive droite peuvent se rendre sur leur lieu de travail ? C’est une vraie problématique à l’échelle métropolitaine.

Deuxième pilier, l’habitat et l’espace public. On accompagne la métropole et les villes sur les Nouveaux projets de Renouvellement Urbain (NPNRU). Pour donner quelques chiffres, cela représente plus de 900 logements qui vont être démolis et 3 000 rénovés et un demi million de mètres carrés d’espace public qui vont être rénovés. Ce sont des réponses fortes aux enjeux de réchauffement climatique, de végétalisation des espaces publics et par rapport à la perméabilité. Ce qu’on souhaiterait, c’est que la rive droite propose un urbanisme résilient et à énergie positive.

Troisième axe, le parc des Coteaux, pilier historique du GPV. Comment on peut continuer à accompagner les villes dans sa gestion différenciée ou l’action en faveur d’éco-pâturages. Dans le cadre de la biennale Panoramas, reportée de septembre 2020 à septembre 2022, on travaille également sur de l’urbanisme tactique, en lien avec les quartiers, en particulier Palmer, à Cenon. Pour ce faire, nous travaillons avec Domofrance pour, à la libération de certains logements, créer une sorte de tiers lieu artistique et économique. Cela nous permettrait de constituer un écosystème permettant de faire de la médiation auprès des habitants pendant deux ans et de créer des projets avec eux.


Pâturage itinérant parc coteaux Les éco-pâturages du Parc des Coteaux © aqui.fr


Nous avons ensuite trois piliers qui relèvent de l’économie : l’aménagement économique d’abord. Il s’agit ici de travailler au renouvellement urbain des zones d’activités économiques. Par exemple, Jean Zay, à Cenon : c’est un des plus gros îlots de chaleur de la ville de Cenon, c’est très minéral. On cherche à travailler sur le renouvellement de l’espace public, mais aussi des parcelles privées. Nous accompagnons également des projets d’économie sociale et solidaire au travers du dispositif Cités Lab : il nous permet d’accompagner les habitants, dans les quartiers politique de la ville notamment, qui souhaitent monter un projet en auto-entrepreneuriat.

@! : Comment se traduit cet accompagnement ?

M.D. : Il se traduit par la rencontre de ces porteurs de projets dès leur première idée : quelle orientation donner à leur projet, par exemple. On les aide ensuite à trouver des locaux, trouver des personnes ressources qui les suivront au fil de leur projet, de la création aux premières années d’exploitation. En ce moment, c’est un besoin important, de pouvoir échanger. Paradoxalement, on voit une très forte augmentation au niveau national sur l’auto-entrepreneuriat et en même temps nous constatons une très grande complexité pour mener à bien ces projets dans les quartiers.


@! : Vous avez évoqué trois axes sur l’action économique. Quel est le dernier ?

M.D. : On travaille aussi sur un nouveau projet d’économie circulaire : l’écologie industrielle territoriale. Il s’agit là de réfléchir à comment transformer les déchets en ressources, principalement sur deux types de déchets. Dans le secteur du bâtiment, dans le cadre des projets de renouvellement urbain de la rive droite, 900 logements et 15 équipements publics vont être démolis. Cela représente à peu près 75 000 m² de surface plancher à démolir dans les huit prochaines années.
L’enjeu pour nous ici c’est de savoir comment transformer ces déchets en ressources pour la future architecture décarbonée. Nous sommes en train de recruter un chef de projet qui va travailler avec les bailleurs, la Métropole et les Villes sur les équipements publics, l’identification de ces ressources pour les qualifier et à terme travailler avec les filières béton, plastique et bois pour recycler ces matériaux et les réemployer directement dans les nouvelles constructions.

Deuxième volet : les biodéchets. L’entretien du parc des Coteaux génèrent beaucoup de déchets verts, qui pourraient être recyclés. On est en train de construire, avec le soutien financier de l’ADEME, des micro-plateformes sur Floirac et Lormont, pour recycler les biodéchets en compost et les réutiliser directement sur place en circuit court.

@! : Quel est le septième pilier de l’action du GPV ?

M.D. : Il concerne la transition alimentaire. On cherche à favoriser une alimentation saine et respectueuse de l’environnement. Là dessus, on travaille sur une démarche globale : un Projet alimentaire de territoire (PAT), qui s’oriente essentiellement sur la restauration collective _cantines scolaires, Ehpad et distribution alimentaire dans les quartiers politiques de la ville_. Nous avons défini quatre grands thèmes : la production, la transformation, la sensibilisation et la consommation. Voici la feuille de route du GPV pour les six années à venir, validée par les élus.

Vers une charte de l’urbanisme résilient ?


@! : En listant les grands enjeux du GPV, vous avez évoqué un volet non négligeable : l’urbanisme résilient. En quoi cela va-t-il consister ?

M.D. :
Tout l’enjeu est d’essayer d’anticiper le changement climatique. Il se fait dans les deux sens : on voit des zones de froid en ce moment, avec en parallèle une accélération du réchauffement l’été. Chaque année marque un dépassement des températures par rapport à la précédente. Cela a des conséquences très fortes dans les quartiers politiques de la ville : les espaces publics sont très minéralisés, ce qui fait exploser les thermomètres en été tant en extérieur que dans les logements.

Il est très important d’avoir une approche spécifique sur l’isolation de ces logements, hiver comme été, pour garantir que les personnes vivant dans les quartiers puissent bien dormir. Ensuite, dans la construction de nouveaux logements, il faut apporter une approche bioclimatique de logements traversants. C’est ce qu’on appelle des logements à ventilation naturelle : la nuit, ils permettent de faire une circulation d’air qui chasse l’air chaud. Rien que le mouvement d’air permet d’avoir une sensation de fraicheur. Pour moi c’est très important de commencer à réfléchir sur ces sujets et d’éviter que les constructions nouvelles comportent des climatiseurs.


@! : Comment cette volonté va-t-elle se traduire ? Par une charte ?

M.D. : Nous travaillons avec la Métropole et les villes du GPV sur un outil stratégique qui définit l’urbanisme durable que nous prônons et qui, on le souhaite, sera approprié dans les 27 communes de Bordeaux Métropole. En résumé, l’outil serait utilisé dans l’instruction des permis de construire, avec des sortes de « cases à cocher », qui orienteront vers cet urbanisme résilient. On mettrait ainsi une boîte à outils à disposition des maîtrises d’ouvrages. Nous attendons une vraie révolution dans la construction dans le cadre de la réglementation environnementale 2020 [qui restreint l’empreinte carbone des constructions neuves en France, ndlr].

 
@! : Ces « cases à cocher », comme vous dites, ce serait par exemple des panneaux photovoltaïques sur les toits des immeubles ?

M.D. :
Nous sommes en cours d’élaboration, donc le livrable n’est pas encore finalisé mais nous avons en effet un volet autonomie énergétique grâce à la « cinquième façade » qu’est la toiture. On peut imaginer que les toitures soient conçues pour potentiellement absorber l’eau de pluie, vu que l’imperméabilisation des sols est une vraie problématique, dans les débordements des rivières notamment. Le photovoltaïque est un outil majeur pour tendre à une rive droite à énergie positive et on se rend compte que la réglementation RE 2020 va accélérer le déploiement du photovoltaïque.

L’idée pour aider les populations dans la lutte contre la précarité énergétique, c’est que dans le cadre d’une construction nouvelle ou la rénovation d’une résidence HLM, il y ait des photovoltaïques sur le toit. Cela permettrait l’autoconsommation [chaque logement produit ce qu’il consomme, NDLR], ce qui serait une vraie aide au niveau budgétaire. Tous les outils ne sont pas encore imaginés, mais s’orientent en ce sens là.

@! : Vous êtes-vous donné un calendrier, pour cet outil stratégique ? Comment le perçoivent les maires de la rive droite ?

M.D. :
Nous avons commencé à l’élaborer en janvier, et espérons un premier livrable cet été. Nous avons présenté des architectes aux maires de Lormont, Cenon, Bassens et Floirac. Ce sont des professionnels qui travaillent déjà sur ces enjeux d’urbanisme résilient. Cela représente certes des coûts de construction plus élevés, mais la promesse de performance énergétique est réelle. C’est un espoir de dire que ce ne sont pas juste des calculs. Des architectes savent faire et montrent la voie pour massifier cette architecture décarbonée.

80 % de nouveaux logements en dispositif Pinel à Cenon


@! : Allons plus en détail dans le logement. Vous l’évoquiez, la métropole est une des plus engorgées en matière de mobilité, elle l’est aussi en ce qui concerne l’habitat : la pression immobilière est très forte sur le territoire. En 2020, 43 000 personnes sur Bordeaux Métropole étaient en attente d’un logement social. Comment met-on en place des choses aujourd’hui, pour satisfaire le plus grand nombre de personnes en vue de l’obtention d’un logement, qu’il soit social ou du parc privé ?


M.D. : Ce n’est pas un sujet simple. Sur le logement social, la loi SRU n’autorise pas les villes à construire davantage de logements sociaux dans les quartiers politiques de la ville. Certaines d’entre elles le font en dehors de ces quartiers, ce qui est déjà un premier effort. Sur le parc privé, les Villes fournissent aussi des efforts conséquents. Les quatre villes du GPV sont dans les clous du Plan Local de l’Habitat, voire le dépassent largement. Il y a une production assez conséquente sur ces dernières années et pour les trois ans à venir.
Après il faut regarder quels sont ces types de construction : on observe une évolution forte du prix de l’immobilier, c’est une dynamique métropolitaine, avec des spécificités sur Bordeaux. Sur le territoire du GPV on frôle les 4 000 euros du mètre carré.

@! : Le GIP a mené une étude l’an dernier sur la pression immobilière sur la rive droite. Est-il possible d’en savoir un peu plus ?

M.D. : C’est une étude qui s’appelle Observille. Elle a été menée sur la ville de Cenon, pour regarder quelles étaient les typologies de logements, l’apport de ces nouvelles constructions, ces nouveaux habitants en faveur d’une mixité de la population. Pour aller très vite dans les conclusions, nous nous sommes aperçus que cette pression est très forte, activée notamment par le plan local d’urbanisme. Il autorise, dans certains secteurs, une densité qui permet une transformation de certains quartiers. Les promoteurs immobiliers sont bien présents depuis la fin de l’ANRU 1, qui a vu changer l’image de la rive droite, en termes notamment de mixité sociale.

@! : Ce qui était une bonne nouvelle au départ pour les maires de la rive droite…

M.D. :
Le côté un peu moins positif, c’est qu’une bonne partie des acquéreurs ne sont pas des « propriétaires occupants ». On voit une forte proportion des investisseurs, plus des trois quarts, tournés vers les dispositifs défiscalisant de type Pinel. Cela génère des augmentations du prix moyen de l’immobilier, dopé par ces dispositifs Pinel. On se retrouve du coup avec beaucoup de petites surfaces, T1, T2 voire T3, ce qui était un manque à l’échelle des quatre villes. On ne répond plus à une offre neuve sur des typologies familiales (T4-T5) qui n’ont pu venir sur le territoire en dehors du renouvellement des générations dans les zones pavillonnaires. Résultats dans les nouveaux logements, ce sont souvent des jeunes familles ou des personnes seules qui n’ont donc pas pu s’enraciner sur le territoire : avoir un enfant dans un T2, cela pose vite des limites…

@! : Globalement, comment peut-on freiner l’appétit des investisseurs et la hausse des prix ? Avez-vous un moyen d’action au grand projet des villes  rive droite ?

M.D. :
C’est un phénomène très complexe : il faut des outils réglementaires pour faciliter l’équilibre de la programmation immobilière. En général le premier outil est le Plan Local de l’Habitat, qui permet de cadrer les prix de sortie des logements. Il y a une délibération de la Métropole en ce sens, qui va permettre de faire du 50/50 entre le logement modéré et le logement libre, qui est favorisé par les promoteurs pour les dispositifs Pinel. Les 50% restant permettent soit de l’accession sociale, soit des catégories de prix aux alentours de 3 000, 3 500 euros du mètre carré, plus accessibles pour les populations de la métropole.

@! : Les élus ne peuvent-ils pas « exiger » une certaine typologie de logement, pour permettre à des familles de venir s’installer par exemple ?

M.D. : Cela fait partie de notre travail de sensibilisation pour dire que les T1 et les T2 ne sont qu’un début de parcours résidentiel. Comme on en a très largement construits ces dernières années, il est nécessaire d’offrir l’ensemble du panel, notamment des T3-T4. Le problème auquel sont confrontés les maires, dans les échanges avec les promoteurs c’est que ces derniers n’arrivent pas à commercialiser au-delà du T3. Ils mettent dans la balance qu’ils n’ont pas la capacité de répondre à cette commande politique, ce qui est difficilement vérifiable.

Ce qui est sûr, c’est que quand on est sur du T4-T5, il y a très peu d’investisseurs. On en revient au choix de vendre plutôt des petites surfaces à des investisseurs sur des prix au mètre carré très élevés plutôt que vendre un T4 à une famille, c’est moins intéressant pour eux. Ce n’est pas un secret : dans les permis de construire, les promoteurs dessinent des T4 avec des pointillés au milieu. Derrière ils font passer un permis modificatif, disant qu’il n’y a pas eu de commercialisation. Comme ça ils découpent un T4 en deux T2, c’est une pratique courante.

La ville de Lormont voit son taux de logement social diminuer grâce à des opérations de renouvellement de l'habitat urbainDes immeubles d’habitation à Lormont. © aqui.fr

@! : Quand on ajoute le contexte de pression immobilière au contexte sanitaire, qui a impliqué l’arrêt total de l’activité économique de certains habitants, la situation tend à se dégrader de plus en plus pour les habitants les plus précaires…

M.D. : On en discute avec les bailleurs sociaux : il y a une augmentation forte des impayés, parce que les familles sont dans une fragilité sociale, économique et psychologique non négligeable. Il n’y a souvent qu’un seul salaire dans ces familles, et la perte de ce salaire les met dans une situation difficile et derrière diminue le taux de rotation dans les logements sociaux. Derrière il n’y aura plus d’offre à proposer pour ceux qui attendent d’accéder à un logement parce qu’il faut garder et protéger ceux qui y sont déjà.

@! : Le gouvernement a rallongé la trêve hivernale suite à la publication du 26° rapport de la Fondation Abbé Pierre. Comment travaillez-vous avec Bordeaux Métropole sur ce sujet, pour préparer les mois à venir sur ce sujet ? La crise sanitaire a également reporté de nombreux projets, comment abordez-vous cette période ?

M.D. :
Le GPV est une petite ingénierie, nous ne pilotons pas directement le renouvellement urbain, c’est la Métropole qui le fait. Notre spécificité est d’avoir une approche globale : un projet de renouvellement urbain prend du temps, c’est le paradoxe. La Covid rajoute des échéances, alors que l’urgence sociale est de plus en plus forte. Nous sommes déterminés à accompagner et conseiller le GPV et la Métropole dans les semaines qui viennent.

@! : Sur les problématiques de logement face à la crise, avez-vous des outils pour jouer sur l’encadrement des loyers, qui commencent à arriver dans les débats de Bordeaux Métropole ?

M.D. : Je n’ai pas entendu dire que les maires de la Rive Droite se positionnaient en faveur de l’encadrement des loyers. Comme nous avons une majorité de logements investisseurs, il y a déjà une forme d’encadrement : pour être locataire de ces logements, c’est sous condition de ressources. Notre point de vigilance est plus fixé sur le parcours résidentiel de personnes qui souhaiteraient acquérir des logements. Pour le coup il n’y a aucun encadrement des prix de vente là dessus : les maires peuvent avoir un rôle à jouer dans la négociation de ces prix. Il faut rappeler que le promoteur est une entreprise privée, qui développe un projet privé, vendu à des privés. Les maires, dans un rôle d’intérêt général, ont intérêt à négocier qu’une partie de ces logements aient un prix de sortie abordable pour la population.


@! : Sur le développement et la relance économique, vous accompagnez les entreprises qui s’implantent sur le territoire. Le dispositif des Zones Franches existe-t-il toujours ?

M.D. : Il n’a pas disparu, mais il a une échéance. Vu le contexte, il pourrait être encore prolongé, vu l’enjeu que ça représente pour l’embauche des habitants dans les quartiers fragiles. On travaille sur la communication de ce dispositif pour inciter les entreprises à favoriser les ressources du territoire où elles se trouvent. Comme il y a peu de foncier disponible pour accueillir de nouvelles entreprises dans le cadre du renouvellement urbain, nous travaillons pour que la Métropole puisse retrouver de la réserve foncière pour travailler sur de nouveaux projets économiques. C’est une stratégie qui nécessite du temps pour construire une nouvelle programmation. Elle va être encore décalée par la situation autour du Covid mais nous sommes en train d’essayer de chercher une solution rapide.

Vers un doublement de la population de la rive droite



@! : Êtes-vous en lien avec d’autres villes de la Métropole, comme Bordeaux, pour essayer d’avoir une politique homogène ?

M.D. : Pas directement. On travaille essentiellement avec les quatre maires du GPV. Pour autant, sur certains sujets, il nous arrive d’échanger collectivement, notamment sur la question du logement. Même à l’échelle nationale, nous avons échangé, dans le cadre de l’étude Observille avec d’autres métropoles, comme Toulouse, la plus concernée par le logement défiscalisé, ce qui a des conséquences immenses, à l’échelle de quartiers où des immeubles entiers dédiés uniquement à la défiscalisation arrivent sur le marché.

Sur d’autres sujets, comme la mobilité, nous sommes évidemment en lien avec la Métropole. C’est un sujet qui ne peut se régler à l’échelle des quatre villes. Un exemple : comment offrir une alternative aux 55 000 voyageurs par jour qui viennent de l’Entre-Deux-Mers travailler sur la Métropole ? Les parkings relais ne suffisent pas, ils sont rapidement saturés. L’idée serait de les positionner en extra-rocade afin d’éviter à ces salariés de prendre leur voiture jusqu’au cœur de la plaine de la rive droite.

@! : Sur la connexion Métropole – territoires voisins, plusieurs solutions existent, comme le RER Métropolitain, lancé en décembre. Un projet similaire relierait la métropole au Sud-Gironde dans les années à venir. Avez-vous votre mot à dire sur ces sujets ?

M.D. : On échange notamment avec le syndicat mixte des mobilités de la Région, pour réfléchir et comprendre les évolutions à venir. Le sujet que vous évoquez, la « diamétralisation », permet aux trains de traverser la Gare Saint-Jean sans rupture de charge. Pour nous, c’est une alternative tout à fait crédible par rapport à la population actuelle sur la rive droite. La nouvelle population ne doit pas être oubliée : on attend un doublement de cette population dans les années à venir, il faudra qu’elle puisse aller travailler sans souci, partout dans la métropole.

Pour nous, si en 2023 on a un train qui nous permet de se transporter rive gauche/rive droite de la gare de Cenon à la gare de Pessac en 15 minutes, il faut imaginer dans le cadre de la future délégation de service public, les moyens de transport en commun pour irriguer ces deux gares.

@! : Vous évoquez un doublement de la population sur la plaine de la rive droite, dans quel cadre cela va-t-il se matérialiser  ?

M.D. :
Il y a beaucoup d’habitations en cours de construction. Les plus anciennes opérations remontent à Floirac avec la Zone d’aménagement concerté (ZAC) des quais, plus de 1 500 logements. Nous avons ensuite la ZAC Garonne Eiffel, sur la zone Euratlantique, environ 5 000 logements sur les villes de Bordeaux et Floirac et Belvédère sur le même secteur où tout sera terminé d’ici trois ans. Ensuite vous avez la ZAC Niel, la ZAC Brazza, qui sera terminée cet été, 4 500 logements en tout pour ces deux zones. Je n’ai pas évoqué les Cascades et Lissandre à Lormont, ajoutez le renouvellement urbain de la Benauge, toutes ces opérations sur la plaine de la rive droite induisent en effet un doublement de la population sur la plaine. Et je ne parle ici que de la plaine, il y a d’autres opérations sur le coteau des quatre villes, qui représente plusieurs milliers de logements.

@! : Pour qui sont ces logements ? Sont-ils plutôt destinés à des personnes venant travailler, ou des personnes qui habitaient déjà la métropole et qui n’arrivent pas à accéder à un logement ?

M.D. : Il n’y a pas de dominante. L’image de la marée de parisiens débarquant à Bordeaux est un mythe. Ils sont majoritaires sur un segment de marché immobilier à plus de 6 000 euros le mètre carré, pour des biens spécifiques, mais en ce qui concerne la majorité des logements produits, ce ne sont absolument pas les parisiens. Nous dénombrons pas mal métropolitains qui ont un parcours résidentiel, lié à leur vie de couple et l’arrivée d’un premier enfant par exemple. Ces personnes trouvent peu de logements abordables et viennent en première ou deuxième couronne de la Métropole
Après, pas mal de personnes se rapprochent de Bordeaux pour trouver un emploi. Il y a peu de gros bassins d’emplois en Nouvelle-Aquitaine et de fait, Bordeaux Métropole devient un aimant à populations actives.

@! : Cette attractivité aurait-elle desservi Bordeaux, du fait de l’explosion des prix de l’immobilier ?

M.D. : C’est un phénomène qui concerne pratiquement toutes les métropoles au niveau national. Après, l’enjeu est la maitrise foncière. Quand vous êtes en dispositif ZAC, où la maitrise d’ouvrage est publique pour construire du logement, elle peut plus facilement maitriser les coûts de sortie. En comparant les métropoles, Nantes et Rennes ne sont pas moins attractives par exemple : ce sont des métropoles qui sont bien mieux classées que nous en termes de qualité de vie. Ces métropoles ont également une meilleure maîtrise de leur foncier, ce qui permet d’attirer du public, mais aussi de cadrer les prix d’achat.

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