La métropole bordelaise va tenter de réguler les prix du foncier


aqui.fr
Copier le lien Partager sur FaceBook Partager sur Twitter Partager sur Linkedin Imprimer
Temps de lecture 8 min

Publication PUBLIÉ LE 14/05/2018 PAR Romain Béteille

Anti-spéculation

Les chiffres dévoilés ces derniers mois, qu’ils viennent des notaires ou des constructeurs eux-mêmes, sont formels : à fin octobre 2017, le prix des appartements et des maisons anciennes a respectivement grimpé de 12,1 et de 16%. Sur l’agglomération bordelaise, la hausse est aussi présente bien que plus mesurée (+5,7% pour les appartements anciens avec un prix moyen de 2460 euros au mètre carré), avec certaines disparités en fonction des territoires (globalement, les communes où les prix sont les moins élevés sont toujours situées sur la rive droite). Peu importe où se porte le regard (y compris celui du maire de Bordeaux), le bilan est toujours le même : à la charte du bien construire de supprimer les malfaçons dans les nouvelles opérations immobilières, aux collectivités de réfléchir sérieusement à de nouvelles mesures pour tenter de réguler les prix du foncier. « On ne peut pas rester indifférent face à une surenchère qui risque de casser la mécanique de l’attractivité locale », a ainsi rappelé Alain Juppé ce lundi (un récent sondage IFOP en guise de justification). 

Si la Conférence permanente des opérateurs fonciers et immobiliers de la métropole fait office de chambre d’échos ayant organisé les débats sur la gestion foncière depuis un an et demi, la récente adhésion de la métropole à l’EPF (Établissement Public Foncier) régional vise, elle, à lui donner les armes nécessaires pour appliquer cette nouvelles séries d’actions pour, dit-on, « permettre aux habitants » (et notamment aux jeunes ménages) « de se loger dans des conditions normales ». Le premier levier d’action de la métropole devrait donc être de convaincre les promoteurs et investisseurs immobiliers de changer leur fusil d’épaule concernant la valeur intrinsèque du foncier. Jacques Mangon, maire de Saint-Médard-en-Jalles et vice-président de la métropole en charge de l’urbanisme et pilote de la stratégie foncière locale, détaille cette reprise d’épaule, déjà dans l’air depuis longtemps. L’estimation actuellement d’usage sur une « valeur type projet » est assez inflationniste, à fortiori si elle se place dans un univers attractif comme l’est l’agglomération bordelaise. Notre première idée a donc été de modifier ce paradigme et de revenir à des négociations basées sur la valeur vénale du foncier, soit celle dite du maintien d’usage. Cette valeur est totalement oubliée par les promoteurs, or il faut bien qu’il y ait un gendarme, même si le mécanisme de régulation a été concerté entre nous. Nous interviendrons en cas de besoin : ceux qui font le pari de la spéculation risquent d’avoir des déconvenues d’ordre financier ». 

À charge également pour les collectivités locales de montrer l’exemple. « Au travers de nos discussions depuis un an et demi, un certain nombre d’engagements ont été pris. Celui, déjà, de faire en sorte que les collectivités elles-mêmes donnent l’exemple en vendant les biens publics fonciers qu’elle possède à un prix en référence à la valeur vénale, ce qui est un effort puisque les communes ne pourront pas maximiser leurs profits et devront faire à la mesure de ce qu’elles vont demander aux autres. De l’autre côté, les promoteurs immobiliers ont accepté de donner comme instruction à leurs salariés de faire ces opérations avec la même référence, même s’il y aura une marge de négociation », confie ainsi Jacques Mangon. Bien que l’idée ne soit pas rétroactive (« ce qui est signé est signé »), son but à termes est évident : faire en sorte que l’utilisation maximum des droits à construire soit remplacée par une valeur dite d’usage (à savoir en fonction des transaction pour des biens équivalents dans un secteur donné) pour éviter l’escalade des prix. Facile d’y voir l’intérêt des élus, moins d’y voir celui des promoteurs. Le (très disert) Président de la Fédération des promoteurs immobiliers Aquitaine Poitou-Charentes, Alain Ferasse, a justement tenté de parler en leur nom. « Concernant le prix de construction, nous assistons depuis deux ans à un prix au mètre carré plus élevé qu’avant, en grande partie dû au fait que la granulométrie des opérations immobilières est beaucoup plus faible qu’elle ne l’était auparavant. Il y a deux ou trois ans, on travaillait aux Bassins à Flots ou sur Ginko avec des opérations moyennes de 100 logements, aujourd’hui on est plutôt sur des lots de trente. Je ne pense pas que ces derniers puissent baisser, les honoraires d’architectes non plus. La seule façon de faire baisser les prix dans un bilan, c’est de faire baisser le foncier ».  

Question d’interprétation

Un accord tacite, donc, mais pas partout. Pour Alain Ferasse, les engagements conclus lors des réunions de la commission permanente ne semblent pas encore suffisants. « Face à cette nouvelle notion de mètres carrés, les opérateurs nationaux et régionaux doivent signer quelque chose. Je vais proposer la semaine prochaine que l’on puisse faire des propositions foncières qui seraient 40% inférieures à ce qu’elles étaient jusqu’alors. En valeur projet, on travaille aujourd’hui sur la base moyenne de mille euros du mètre carré de plancher, ce qui est hélas trop. Ce que je voudrais, c’est que les promoteurs acceptent de signer des offres foncières qui ne sauraient être supérieures à six cent euros du mètre carré sur la partie libre. La majorité va certainement signer, certains non. Ceux là feront de la surenchère, il faudrait pouvoir se réunir tous les mois pour voir ceux qui jouent le jeu ou pas ».

Ce retour en arrière à des prix similaires au niveau constaté en 2016 ne concernerait en revanche pas forcément les opérations les plus importantes. Pour ces dernières, une autre solution a été envisagée : des fiches de faisabilité ou fiches de lots. Elles concerneraient des opérations de plus de 1000 mètres carrés de surface de plancher, soit environ 150 opérations par an et 85% de la production de logements neufs de la métropole. Ces fiches seraient établies de manière conjointe par la métropole, les communes et les opérateurs et comptent arriver à un équilibre acceptable pour toutes les parties concernées. Avec une petite opération de gendarmes (aidée par l’EPF) à la clé. « Les collectivités vont déterminer, lot par lot quel est l’optimum souhaité en termes d’urbanisation. Ce que l’on souhaite, ce n’est pas toujours ce que permet le maximum prévu par la PLU (Plan Local d’Urbanisme), notamment pour des priorités architecturales. Le but, c’est que la valorisation des biens puisse se faire sur une appréciation plus pertinente qu’elle ne l’était par le passé », confie Jacques Mangon. »C’est une méthode déjà pratiquée dans certaines communes comme à Bruges par exemple », rajoute le maire de Bordeaux. « Bien sûr que notre agglomération a donné pendant des décennies le mauvais exemple de l’étalement urbain au détriment de la ville centre. On s’est étalés et on en connaît les effets. Il faut donc redensifier sous deux limites : l’acceptabilité des riverains à laquelle tous les maires sont confrontés et la construction d’écoles et d’équipements pour aller avec les logements. Or, les contraintes qui pèsent sur les finances locales poussent certains maires à ne plus délivrer de permis de construire. Il faut revenir à une approche plus réaliste, cette technique de fiches paraît être une bonne réponse qui pourrait aussi avoir une incidence sur les prix du foncier ». 

Fixer le curseur

Dernière ambition : construire du logement libre à des prix maîtrisés, soit ne dépassant pas les 3000 euros du mètre carré (TTC parking compris, « sachant que cette valeur là ne s’entend pas pour les zones faisant partie de l’opération 50 000 logements puisque cette dernière a ses propres références, encore un peu plus basses », précise le maire de Saint-Médard), et ce dans le but de « développer massivement une offre beaucoup plus accessible qui correspond aux possibilités des ménages de l’agglomération ». Cela concernerait, selon Alain Ferasse, environ 1000 logements par an en accession modérée ne dépassant pas ce seuil de prix. Les modalités de mise en place de ce nouveau seuil, elles, restent encore à fixer. Pour Alain Ferasse, « la seule manière de le baisser, c’est d’accroître l’accession modérée pour loger les primo-accédants (…) La métropole n’a pas poussé des cris d’orfraie lorsqu’on lui a dit qu’il fallait condenser un peu la surface des logements à partir du moment où l’on générait des espaces extérieurs qualifiés. Il y a toute une frange d’opérations immobilières entre 2000 et 2500 mètres carrés de surface de plancher dans lesquelles on peut ajuster le nombre de logements sociaux par rapport à ceux en accession modérée. Il y a des gestes d’examen au cas par cas dans laquelle l’accession modérée peut peut-être prendre la place de l’accession sociale ». Face à ces perspectives, le maire de Bordeaux s’est montré plus frileux.

« Je ne suis pas très enthousiaste à l’idée de faire des logements plus petits, ou en tout cas dans certaines limites parce que l’espace, c’est aussi une qualité de vie importante. Concernant les seuils de logement locatif social (35%), d’accession à prix modéré (20%) et de libre (45%), ça peut être contestable, mais il y a une loi qui nous oblige à atteindre un pourcentage de logements sociaux de 25% en 2025. On progresse, on est passé de 15% à 18% dans Bordeaux ville, ça veut dire qu’on a encore un effort à faire. Cette loi est stupide, mais il faut l’appliquer et maintenir un effort de construction de logements sociaux important. On en fait 3500 à 4000 par an et même si on peut adapter en fonction des programmes des territoires, mais cela reste un objectif majeur ». À la veille de l’examen de la loi Elan par les membres de la commission des affaires économique de l’Assemblée, les passes d’armes polies entre les objectifs politiques et ceux des promoteurs ont un goût bien particulier (les bailleurs sociaux risquent d’apprécier).

L’EPF régional, lui, aura un droit de préemption pour reconstituer des réserves foncières, développer le stock de long-terme (pour alimenter les programmes de la prochaine décennie) et pourra, le cas échéant, intervenir face à des opérateurs qui ne respecteraient pas ces nouvelles règles du jeu, règles ayant en revanche moins de chances d’êtres appliquées pour le secteur du logement ancien, lui aussi en tension (même si le maire de Bordeaux a insisté sur la nécessité d' »arriver à peser sur le foncier du centre, sur le Cour de l’Yser que nous sommes en train de réhabiliter, par exemple »). Pour les logements libres, le prix moyen maximum visé par la métropole est de 3850 euros TTC en surface habitable, ce qui est évidemment bien moins haut que les dernières estimations révélées par l’OISO (Observatoire immobilier du Sud-Ouest) ayant fixé un prix moyen de mise en vente à 4350 euros du mètre carré au troisième trimestre 2017. Pas d’espoirs fous en revanche pour ceux qui pensaient que ces nouvelles mesures auraient un effet immédiat : les premières constructions censées les appliquer ne devraient pas être livrées avant les trois prochaines années. Mais la métropole se veut optimiste par nature : engager une politique de maîtrise foncière, c’est, pour elle, « réduire les coûts de sortie des opérations futures, en prix de sortie des logements ou en mètres carrés dédiés à l’activité économique ». Reste à formaliser ces mesures pour les autres communes de la métropole, ce qui devrait être fait dans les mois qui viennent puisqu’une première série de conventions devrait être signée dans les mois qui viennent entre les différents acteurs sur les communes de Saint-Médard-en-Jalles, Saint-Aubin de Médoc, Pessac, Le Taillan-Médoc, Le Haillan, Floirac, Lormont et Cenon. 

Partagez l'article !
Copier le lien Partager sur FaceBook Partager sur Twitter Partager sur Linkedin Imprimer
On en parle ! Gironde
À lire ! MÉTROPOLE > Nos derniers articles