Maraîchage périurbain, le défi de la Métropole


Pierre Rateau
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Temps de lecture 3 min

Publication PUBLIÉ LE 22/08/2016 PAR Pierre Rateau

« C’est une année correcte, on devrait s’en sortir ». Alain Garnot, maraîcher à Eysines, rentre satisfait de la serre dont il s’occupe pour son fils, parti quelques jours en vacances. Dans la famille, on est maraîcher de père en fils depuis cinq générations. Salades, aubergines, tomates et persil occupent actuellement les quelques hectares du domaine familial. L’une des rares encore en activité sur le secteur.

Dans les années 1970-1980, la métropole bordelaise comptait plus de 400 maraîchers qui cultivaient la terre à Bruges, Cadaujac, Bègles ou Eysines. Aujourd’hui, seule une vingtaine d’exploitations sont encore en vie. La difficulté du métier, les crises agricoles successives et la pression foncière liée à l’expansion urbaine ont conduit à un abandon progressif d’une profession pourtant essentielle pour l’équilibre du territoire. Un déclin que les responsables politiques tentent aujourd’hui d’enrayer.

« Sanctuariser » les espaces de maraîchage

Le « rapport Quèvremont » de 2010, commandé par la CUB pour l’élaboration d’un projet en faveur de l’agriculture périurbaine, a lancé un processus de conservation des parcelles agricoles, dont les terres maraîchères. Un PPEANP, Périmètre de Protection des Espaces Agricoles et Naturels Périurbains a permis de protéger des constructions 780 ha de terres réparties sur six communes du nord-ouest de la Métropole.

Mais pour Alain Garnot, cette sanctuarisation annoncée n’offre aucune garantie à long terme. « Il y a 20 ans, à Bruges, sous la pression des promoteurs, tous les terrains agricoles sont devenus constructibles du jour au lendemain. Les pouvoirs publics ont envie de conserver notre zone pour la production maraîchère tant qu’ils n’en ont pas besoin pour faire autre chose ». Le traumatisme vécu à Bruges le pousse à la méfiance, même si le maraîcher salue cette initiative qu’il espère voir durer. Mais pour lui comme pour beaucoup, la question foncière cache un mal bien plus profond : le manque de vocations pour un métier de plus en plus difficile.

 » Je veux y croire sans y croire « 

Pourtant, encore une fois, la volonté politique existe pour inciter une nouvelle population à exploiter ces terres arables, et remplacer ceux qui partent à la retraite. « Nous aidons à l’installation de jeunes agriculteurs, à la fois en termes financiers et à travers la formation », assure Béatrice de François, maire de Parempuyre et Conseillère déléguée à Bordeaux Métropole en charge du développement de l’agriculture de proximité et des circuits courts. Depuis 2010, le CFPPA de Blanquefort propose en effet une formation continue d’un an pour acquérir un brevet professionnel agricole de maraîcher. Insuffisant pour Christian Cessateur, président de la Sica maraîchère bordelaise. « On ne s’improvise pas maraîcher, revendique-t-il. Les gens veulent s’installer mais le temps de formation est trop court pour les rendre vraiment opérationnels. »

« On s’aperçoit qu’il y a quelques jeunes qui ont envie de reprendre ce métier. Mais c’est tellement contraignant, tellement compliqué que beaucoup abandonnent rapidement, appuie Alain Garnot. » Outre la dureté du métier, il pointe également la concurrence des autres pays européens, les charges sociales élevées, les pressions de la grande distribution qui « tuent » la rentabilité du travail.

Pour Béatrice de François, la clé tient dans l’éducation de l’opinion publique. « Même si ça commence à changer, beaucoup de citoyens et d’élus n’ont pas conscience de l’importance de cette question. Il faut éduquer la population à manger local ». Pour elle, ce sont les circuits courts qui permettront à terme aux maraîchers de réinvestir la ceinture verte de Bordeaux. « D’ici 10 ans », espère-t-elle. Christian Cessateur, lui, est plus pessimiste. « Je veux y croire mais sans y croire… car l’économie est sans pitié », tranche-t-il. Environnementaux ou économiques, les enjeux de l’agriculture périurbaine en font un défi de taille, que la Métropole entend bien relever.

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