Musiques de Nuit, la mixité à tous niveaux


Aude Le Gentil
Copier le lien Partager sur FaceBook Partager sur Twitter Partager sur Linkedin Imprimer
Temps de lecture 3 min

Publication PUBLIÉ LE 08/06/2016 PAR Aude Le Gentil

Elle a commencé par des concerts dans des gymnases. Aujourd’hui, l’association Musiques de Nuit gère la direction artistique du Rocher de Palmer, avec toujours la même énergie et la même envie, celle de promouvoir toutes les musiques pour tous.

« Pour les Bordelais, la Rive Droite c’était le ghetto »

« On trouvait qu’il n’y avait pas assez de concerts de jazz et de musiques du monde à Bordeaux », raconte Patrick Duval, fondateur et directeur artistique de Musiques de Nuit. Rap, rock et électro sont à l’époque perçus comme « des sous-cultures ». Avec l’arrivée de la gauche au pouvoir en 1981, « elles ont été considérées comme de vrais phénomènes culturels ».

Rapidement l’association se concentre sur la Rive Droite où « il n’y avait pas d’équipements culturels, pas de politique culturelle. Les municipalités avaient d’autres priorités », explique Patrick Duval. « Pour les Bordelais, c’était le ghetto ». Premier succès en 1991 avec un concert de rap, suivi d’ateliers animés par IAM eux-mêmes. Il est suivi en 1993 du Festival des Hauts de Garonne autour des musiques du monde, où se côtoient, au pied des tours, habitants des deux rives. « On dit souvent que la Rive Droite est ouverte sur le monde, là c’est le monde qui vient à vous ».

Soutenue par le Grand Projet de Ville lancé en 2000 à Cenon, Lormont, Bassens et Floirac, Musiques de Nuit trouve une nouvelle impulsion. Les financements publics se multiplient, le Rocher de Palmer est investi en 2010. Le regard porté sur la Rive Droite, par les habitants eux-mêmes et par l’extérieur, change.

« Surprendre musicalement » et « refuser l’entre-soi »

Coup d’œil sur la programmation. Stars et découvertes se partagent l’affiche, entre le jazz d’Ibrahim Maalouf, l’électro de Wax Taylor, l’afrobeat de Pat Thomas et la chanson de Christophe. Un mix audacieux, un « luxe » même. Avec toujours une large place aux artistes venus d’ailleurs. « Je ne fais pas venir des marocains pour des marocains, des turcs pour des turcs », assure Patrick Duval. Au contraire, il veut surprendre, sortir des « clichés Club Med », montrer que « le Maroc ce n’est pas que de la musique traditionnelle, c’est aussi du métal, de la pop-rock ».

Ce que refuse Musiques de Nuit, c’est « l’entre-soi ». « Le risque serait de déconnecter le projet des habitants ». Alors elle travaille avec des associations, centres sociaux, établissements scolaires, hôpitaux. Siestes musicales, projections de film… de nombreux évènements sont gratuits. Les concerts sont tous à 5 € pour les personnes en difficulté financière, soit 1 100 places vendues en 2015.

« La mixité sur la Rive Droite ce n’est pas qu’un mot »

Les projets foisonnent : un espace de coworking gratuit ouvert en septembre, une pépinière de projets culturels en avril. Récemment, un brunch a été organisé avec l’Utopia, suivi de la projection du film Fatima, en présence de l’écrivaine à l’origine du film. « Il y avait une majorité d’habitants de la Rive Droite, précise Patrick Duval. Et l’écrivaine va venir aux centres sociaux de Floirac et Lormont Génicart. On est vraiment dans notre rôle de passeurs. Le rôle d’un équipement culturel c’est d’être un lieu de vie, pas seulement un espace de proximité mais pas non plus une tour d’ivoire ».

Alors oui, « ceux qui vont voir du classique ne vont pas voir le rappeur Kaaris » mais Patrick Duval en est persuadé : « la mixité sur la Rive Droite ce n’est pas qu’un mot. Il y a des choses qui ne pourraient pas se passer ailleurs. Nous avons 58 conventions avec des associations, j’en connais peu qui font comme nous ». Son meilleur souvenir ? Les concerts de Patti Smith et Détroit, mais aussi un concert d’artistes marocains suivi d’un repas avec 80 encadrants et patients de l’hôpital de Cadillac et une association de femmes de Lormont-Génicart. « Des moments forts qui justifient notre action ».

Première publication de l’article en juin 2016 à l’occasion de l’émission Public/Médias autour du thème « Culture et Interculturalités sur la Rive Droite ».

Partagez l'article !
Copier le lien Partager sur FaceBook Partager sur Twitter Partager sur Linkedin Imprimer
On en parle !
À lire ! MÉTROPOLE > Nos derniers articles