Retard du Pont Simone Veil : quelles conséquences ?


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Temps de lecture 6 min

Publication PUBLIÉ LE 22/06/2018 PAR Romain Béteille

Délai supplémentaire

C’est donc officiel. Ce jeudi 21 juin au soir, pendant que la Fête de la Musique battait son plein dans les rues de Bordeaux, le président de la métropole Alain Juppé et le directeur général du groupe Fayat ont annoncé conjointement lors d’une entrevue avec la presse que le huitième franchissement de l’agglomération censé relier Bordeaux à Floirac ne verrait pas le jour à l’été 2020 comme les ambitions du projet l’avaient prévu au départ. La « divergence d’ordre technique et juridique » expliquant ce retard est en fait assez précise. Comme l’a précisé la métropole, ce dernier porte sur « les conditions d’exécution des batardeaux (enceintes de travail en palplanches permettant de construire les piles du pont) dans la Garonne ». Pour le groupe Fayat, le procédé envisagé ne serait pas assez solide pour résister à la force du courant et face à un sol jugé de très mauvaise qualité. Ce constat, toujours d’après l’entreprise faisant partie du groupement Mazel Bec, désigné comme mandataire sur le chantier du Pont Simone Veil (et composé d’ETPO, Fayat TP, SEFI-Intrafor, Baudin-Châteauneuf et Barbot CM), pourrait entraîner la pose de nouvelles protections (des gabions pour utiliser le terme technique), et donc un surcoût important de 18 millions d’euros sur le montant initial de la facture, chiffré par la métropole à 70 millions d’euros.

Parole contre parole

Seulement cette dernière, par l’intermédiaire du bureau d’étude Egis, l’assistant sur le chantier en question, n’est pas vraiment partante pour fournir cette rallonge, jugeant les protections actuelles suffisantes. La livraison du pont devrait donc accuser un retard d’un an au minimum, et de deux ans supplémentaires si le médiateur du Tribunal administratif de Bordeaux, saisi par la métropole, tranche en faveur de l’entreprise Fayat. La procédure devrait durer environ six mois, et l’avis définitif de l’expert être livré « au plus tard » fin 2018, a précisé la métropole. L’hypothèse la moins favorable supposerait d’ailleurs de relancer le marché de construction, attribué « à l’issue d’un appel d’offre restreint lancé en janvier 2016 et pour un délai contractuel de 32 mois, à compter du 1er septembre 2017″ (et comprenant la construction du pont, d’une trémie supplémentaire rive gauche et d’une tranchée couverte en rive droite). Cependant, si vous êtes automobiliste et qu’il vous est arrivé de passer dans le secteur du chantier au débouché du pont sur les deux rives, sachez que le calendrier des travaux concernant cette partie n’est pas concerné par le différend en question et que la fin des travaux devrait bien respecter les dates initiales. Pour le reste, le chantier du pont est pour le moment stoppé, en attente du médiateur.

Floirac déplore…

Reste que cette annonce a été accueillie plutôt froidement par les principaux intéressés. En tête de pont (si l’on peut dire), on retrouve Jean-Jacques Puyobrau, maire de Floirac. Dans un communiqué adressé à la presse ce vendredi, ce dernier a énoncé des conséquences concrètes sur le calendrier de travaux d’urbanisation de sa commune, notamment « des dernières parcelles de la ZAC (hôtels, bureaux…) dont la livraison pourrait aussi être décalée ». Les conséquences pourraient également être lourdes pour la nouvelle salle de spectacle Arena, inaugurée en janvier dernier. « Nous avons jusqu’à aujourd’hui géré au mieux, avec Bordeaux Métropole, les conditions de circulation et de stationnement les soirs de spectacles avec, pour perspective, à l’ouverture du nouveau pont, une réduction du flux automobile », poursuit l’élu municipal. « Ce retard va donc nous obliger à pérenniser voire à renforcer les dispositifs existants. Au niveau de l’agglomération, ce retard est, au regard de l’aggravation des conditions de circulation, notamment sur la rive droite, dramatique ».

« Faute de solutions alternatives fortes cette situation va donc durer, voire s’aggraver dans les années à venir. Lors du Copil « Fermeture du pont de Pierre à la circulation automobile » du mois de janvier 2018, j’avais réaffirmé à Alain Juppé que je n’étais pas contre ce projet mais que la temporalité n’était pas la bonne et qu’il fallait attendre l’ouverture du Pont Simone Veil. Des propositions ont été faites par les services Métropolitains (accroche du Quai de la Souys au Pont Saint-Jean et quatrième voie sur le Pont Mitterrand). Au regard de ces propositions j’ai accepté que l’expérimentation soit poursuivie jusqu’au mois de juin. Force est de constater que ces dispositifs n’ont pas permis d’améliorer la circulation sur les quais rive droite ». Le maire de Floirac a donc annoncé son intention, lors d’une prochaine réunion de pilotage le 5 juillet prochain, de plaider en faveur de la réouverture du pont de pierre à la circulation automobile, et ce jusqu’à l’ouverture officielle du pont Simone Veil, en 2021 au mieux.

…Bègles dénonce

Pas sûr que cette demande d’arrêt de l’expérimentation débutée l’été dernier remporte les suffrages du maire de Bordeaux. Mais ce point n’est pas la seule conséquence que pourrait entraîner le retard du pont Simone Veil. Le maire EELV de Bègles, Clément Rossignol-Puech, a annoncé via les réseaux sociaux ce vendredi avoir adressé une lettre à Alain Juppé « pour que le plan de circulation dans les quartiers béglais soit revu pour diminuer la circulation de transit et préserver la tranquillité des riverains. Le chantier des têtes de pont et des quais, lui, peut continuer, pour prolonger les quais au sud de l’agglomération le long de Bègles », a-t-il notamment précisé. Contacté, l’élu a précisé sa pensée. « Depuis quelques mois, Bègles fait face à une circulation de transit importante liée au travaux et à la modification des carrefours, de nombreuses voitures traversent la ville en venant de la rocade ou des boulevards maintenant que la voie sur berge est bouchée, ce qui met une pression sur les petites rues résidentielles béglaises. J’ai demandé aux services de venir modifier quelques sens de circulation dans le quartier le plus proche des travaux du pont (les rues Marcel Samba et Paully sont notamment citées, soit le quartier Nord-est de la commune) ». Pour l’élu, ces retards impactent également indirectement la décision, récemment rendue effective, de supprimer la voie de piste cyclable sur le pont François Mitterrand.

Autre demande,donc, du Maire de Bègles dans ce courrier : l’actualisation d’une étude réalisée en 2007 pour potentiellement enclencher la réalisation d’une piste cyclable en encorbeillement, demande d’autant plus motivée par les derniers chiffres publiés par la métropole, délimitant une augmentation de l’usage du vélo de +12% sur l’année 2017, soit près de 80 000 usagers par jour. « En attendant, les itinéraires cyclables entre le Pont Mitterrand et le Pont Saint-Jean doivent être mis en place, d’autant plus que les travaux du pont Veil prennent du retard. Enfin, je souhaite que le pont de pierre reste réservé aux bus, piétons et vélos car c’est une avancée. Si on veut améliorer les déplacements sur la métropole, il faudrait développer de façon volontariste le co-voiturage. Sur cinq voitures sur la rocade, il n’y a que six personnes transportées. Si on arrivait à en mettre une de plus en moyenne, on aurait 15% de circulation en moins et 80% des bouchons évités. On pourrait par exemple réserver au co-voiturage la troisième voie de la rocade ou donner des bonus ». La décision de réaliser l’étude a déjà été validée en bureau de métropole ce jeudi et les aménagements (sur le Cap Castéra et le Quai Wilson) font, à défaut d’être inscrits sur un document définitif, ce qui pourrait arriver dans les prochaines semaines), déjà l’objet d’un « accord tacite des maire de la métropole » selon Clément Rossignol Puech. Les avis divergent donc des deux côtés de la Garonne, mais une chose est certaine pour l’instant : la métropole ne devra pas ménager ses efforts dans les mois qui viennent pour tenter d’assumer cette nouvelle incertitude de calendrier.

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