Start up à succès : Comerso, le business solidaire


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Temps de lecture 5 min

Publication PUBLIÉ LE 11/10/2016 PAR Romain Béteille

C’est étrange comme, parfois, une rencontre peut créer une idée qui va changer beaucoup de choses, sans que l’on s’en rende compte tout de suite. C’est ce qui est arrivé à Pierre-Yves Pasquier, le barbu, et à Rémi Gilbert, le « un peu moins barbu ». Ces deux trentenaires, l’un agenais en chemise bleue sobre et l’autre originaire de la région nantaise en veste de survêtement, se rencontrent en décembre 2011, l’un étant le passager éphémère de l’autre au cours d’un co-voiturage. Pierre-Yves, lui, est alors employé au sein de la division des produits frais chez Danone, tandis que Rémi travaille en tant que conseiller à la création d’entreprise dans le secteur agroalimentaire à l’Agropole d’Agen. L’idée de l’entreprise qu’ils co-dirigent aujourd’hui et qui comptera une quinzaine d’employés d’ici la fin de l’année, est venue d’un constat. « Je voyais dans le cadre de mon travail des magasins qui, régulièrement, jetaient des marchandises faute de solutions, pas forcément par volonté. Ils manquaient de réseaux associatifs », confie Pierre-Yves, quand son collègue ajoute avoir « travaillé pour essayer de créer un service de logistique d’enlèvement de marchandises et de suivi pour approvisionner les associations d’aide alimentaire ».

De l’idée aux marchés

C’est de là qu’est partie, en 2013, l’idée qui a fait naître Comerso. D’abord en tant qu’association, pour « faire une étude de marché et prendre un peu la température. On a fait un audit sur tous les magasins qui donnaient ou non. Le gros point de l’étude, c’est qu’on s’est rendus compte que seulement 4 à 5% des invendus de la grande distribution étaient redistribués. On a essayé de comprendre pourquoi et de lever toutes les barrières ». L’entreprise proprement dite est née peu après et elle a été assez largement soutenue par les institutions publiques : 56 000 euros de la région Aquitaine, 10 000 euros du Conseil général de Lot-et-Garonne et une levée de fonds de 2,2 millions, sans compter les fonds propres de ses deux fondateurs.

L’idée a vite séduit et  le but, lui, a toujours été clair : approvisionner directement les associations de redistribution des denrées alimentaires comme le Secours Populaire, les Restos du Coeur ou encore la Banque Alimentaire, trois de ses principaux clients. Des associations qui ont des besoins grandissants, comme en témoigne Rémi. « Ces associations font face à une problématique importante : elles ont un nombre de bénévoles et de camions frigorifiques limités mais elles ont des besoins qui sont en expansion. On vient donc leur porter des marchandises qu’elles ne pourraient pas aller chercher ». La quasi-totalité des produits transportés par ces « facteurs » de l’aide alimentaire sont frais, mais il leur arrive aussi d’emporter du non-alimentaire, comme des cartables invendus pour redistribuer à des enfants à la dernière rentrée, par exemple. Et s’ils se spécialisent en grande distribution, c’est que, comme le dit Céline Rigaudie, directrice du développement commercial de l’entreprise, « la grande distribution participe à hauteur de 10 à 15% dans le gaspillage alimentaire en France. C’est un endroit où l’on peut récolter en grande masse des produits de bonne qualité. Le gâteau est déjà très important, c’est pour ça qu’on s’est spécialisés là-dedans ». 

Les petits secrets du système

Bien sûr, tout ne s’est pas fait en un jour. « La création a pris un peu de temps parce qu’on cassait les codes en venant professionnaliser le don », confie Pierre-Yves. « Par essence, c’était quelque chose qui n’existait pas. Mais d’un autre côté, l’objectif d’un magasin c’est de pouvoir faire des économies, c’est à partir de ça qu’on a pu s’imposer parce qu’ils étaient plutôt sensibles à l’idée de jeter moins ». Mais le petit secret de Comerso n’a rien à voir avec une quelconque sélection naturelle. Non, eux, ce qu’ils vendent, c’est une logistique. La société se vend comme le « premier opérateur logistique et numérique d’optimisation des invendus ». Grâce à un logiciel développé via une société externe, ils peuvent suivre en temps réel un circuit bien rôdé.

« On met des bacs à disposition des associations, on met des sondes de températures dans les magasins que l’on relève dans les chambres froides du transporteur et au sein de l’association, ce qui nous permet d’avoir un suivi de la chaîne du froid. On fait des boucles logistiques, on va récupérer les invendus dans quatre ou cinq magasins et on va ensuite les redistribuer ». Et les associations concernées, en fonction des zones de redistribution (Comerso est présent dans les Côtes d’Armor, en Vendée, dans le Maine-et-Loire, du côté de Lyon ou encore à Marseille), correspondent au tissu local du magasin concerné. Autre particularité, la totalité des 15 transporteurs sont en insertion. Parmi ses clients, une cinquantaine d’associations et plusieurs grands groupes comme Système U, Intermarché ou encore Casino, un choix d’enseignes indépendantes et de magasins avec un seul patron pour gérer plus facilement les flux, même si la société est actuellement en discussion avec les groupes Auchan et Carrefour pour y dupliquer son modèle.

En pleine croissance

Et le plus fort, c’est que ça marche ! Aujourd’hui, Comerso livre environ 15 tonnes de denrées alimentaires par jour, soit environ 30 000 repas. Elle a concouru à deux appels d’offres de l’Ademe, l’un traitant d’un audit sur les bonnes pratiques et l’autre dont ils sont finalistes en 2016 visant à améliorer encore leur stratégie anti-gaspi. Comerso est en pleine croissance : de 11 employés, elle passera à 15 en fin d’année et à une vingtaine dans le courant de l’année 2017. Elle prévoit même de se développer au sein d’agences en Espagne et en Italie dans les prochains mois.

Elle quittera en début d’année prochaine les locaux de l’ÉcoParc de Blanquefort dans lequel elle était auparavant implantée pour monter une direction régionale ouest au sein du Village accélérateur de start-up du Crédit Agricole, qui a accueilli sa première promotion cette rentrée à Bordeaux. Ses deux co-fondateurs en sont d’autant plus ravis que leur initiative correspond à un business en plein développement autant qu’à un engagement social. « Aujourd’hui, on a une réduction du gaspillage alimentaire dans les magasins, un don supplémentaire aux associations qui leur permet de récupérer davantage de produits et en plus grandes variétés et un terrain fertile pour des personnes en retour vers l’emploi qui évoluent au sein de structures spécialisées », commente Rémi. « Notre société grandit, évite à des tonnes de produits de passer à la poubelle, on permet à des personnes dans le besoin de trouver de la marchandise. Le social, c’est un de nos fondements. C’est bénéfique pour tous, je pense », ajoute pour sa part Pierre-Yves.

En décembre dernier, une loi a été votée interdisant aux grandes et moyennes surfaces de plus de 400 m² de jeter de la nourriture invendue encore consommable et de rendre leurs invendus impropres à la consommation sous peine d’une amende de 3750 euros. Chaque année, 4000 tonnes de produits laitiers sous marque distributeur sont par exemple détruits et un tiers de la part comestible des aliments destinés à la consommation humaine, selon L’Organisation des Nations Unies pour l’alimentation et l’agriculture, est perdu ou gaspillé dans le monde. Bref, la petite équipe angennaise a encore de la marge.  

Comerso from Aquipresse on Vimeo.

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