Start-up à succès : Wiidii veut vous simplifier la vie


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Temps de lecture 8 min

Publication PUBLIÉ LE 02/04/2017 PAR Romain Béteille

Un dimanche soir comme les autres. Il est tard. Vous avez été patraque toute la journée et vous cherchez désespérément une pharmacie de garde pour soulager votre insupportable migraine (ou quoi que ce soit d’autre). Allez-vous vraiment taper « pharmacie ouverte dimanche » dans un moteur de recherche ? Cette méthode paraît déjà presque désuète, d’autant que les horaires ne sont pas toujours mis à jour et que sur internet, on trouve un peu tout et n’importe quoi. Depuis juin 2014, une start-up développe une solution pour vous éviter ce désagrément et bien d’autres encore. Elle a créé, dans un mélange hybride entre humain et robot que n’aurait pas renié H.G Wells, un assistant personnel d’un nouveau genre, une secrétaire, quelqu’un de non physique qui fait pourtant tout pour vous faciliter la vie. Depuis le mois de février dernier, elle a aussi dépêché une petite antenne au sein du Village des start-ups du Crédit Agricole, faisant ainsi partie de la douzaine d’entreprises de cette première promotion. Car oui, cette société dont-on vous parle est bordelaise, hébergée rue de Tivoli. Son nom ? Wiidii. 

Quand deux profils matchent

En arrivant sur place, on voit tout de suite que l’on est face à une entreprise en plein développement : des jeunes développeurs s’affairant sur des ordinateurs, quelques dossiers qui traînent, des prix bien affichés sur une étagère : en deux mots, la panoplie complète. Même le directeur de Wiidii, Cédric Dumas, est en déplacement à Paris pour y gagner, le soir même, un prix spécial du jury des Travel d’Or 2017 (récompensant les meilleures entreprises dans le secteur de l’e-tourisme) dans la catégorie innovation. C’est donc son directeur adjoint qui le remplace au pied levé. Quelques cheveux blancs traînent un peu sur les tempes, mais globalement, Cédric Fouilleul a tout du jeune chef d’entreprise qui en veut. Si l’histoire du fondateur de Wiidii est connue (dix ans dans la conciergerie dite « classique »), celle de celui que l’on appellera dans un premier temps « l’autre Cédric » l’est un peu moins. 

Il a grandi à Paris et y a passé un BTS Tourisme. Les deux copains de prénom sont dans le même secteur d’activités, mais pas exactement aux mêmes postes. « Je suis dans le tourisme depuis 2003. J’ai été en agence de voyage, en compagnie aérienne, en tour-opérating à Paris ». Une agence de voyage dans laquelle il a officié, Terres Lointaines, a ouvert un bureau à Bordeaux en 2013, d’où le déménagement. « Ca s’est agrandi et développé, mais je me suis rendu compte que  je tournais un peu en rond, je ne savais plus exactement si je voulais rester dans le tourisme où si je devais aller voir ce qu’il se passait ailleurs ». Le jeune poisson naviguant en eau douce sort la tête du bocal. C’est lors d’une conférence qu’il rencontrera Cédric Dumas, un peu à marche forcée. « Il cherchait quelqu’un pour structurer l’équipe qu’il avait recruté, l’assister dans toute la partie prospection commerciale et grandir un peu avec lui. C’était un beau challenge, je n’ai pas hésité longtemps. C’était une facette du tourisme que je ne connaissais pas encore ». 

L’intention de départ

Voici venu le moment de décrire Wiidii à ceux qui ne savent encore rien du système. Rôdé dans l’exercice du pitch comme une mère l’est dans le reprisage de chaussettes, Cédric Fouilleul est court, concis et pragmatique. « Il s’agit d’un assistant personnel hybride où l’on va combiner l’intelligence artificielle et le savoir-faire de vrais humains. Concrètement, vous allez pouvoir tout lui demander et c’est l’humain qui prend le relais en cas de de demandes complexes. Il y a un vrai dialogue avec les utilisateurs. Tout le monde est concierge chez nous, tout le monde est capable de traiter une demande ». Tout le monde, ça veut dire une quinzaine de personnes pour le moment, mais un objectif de cinquante très prochainement. Wiidii mélange donc le robot et l’humain et est accessible tout le temps. Dans des conditions bien particulières, cela dit. « Au début, on était ouverts au grand public, mais je ne penses pas qu’il soit encore prêt à payer cinq euros par mois pour avoir un assistant personnel aujourd’hui. En tout cas en France. On n’a pas non plus voulu court-circuiter les compagnies avec lesquelles on travaille, notamment sur les prix de l’abonnement. Peut-être que demain on reviendra vers l’ancien modèle, mais pour l’instant ce n’est pas notre politique ».

Comprenez donc ceci : 90% du système de Wiidii est développé en marque blanche, c’est à dire pour des « grands comptes » : entreprises et municipalités notamment. Public et privé se mélangent mais pour passer par eux, il faut chercher ailleurs que le nom de leur société. Avant de développer ce point, revenons un peu sur l’idée de départ. Les conciergeries, ce n’est pas vraiment ce qui manque sur le marché. Celle-ci, en revanche, de par son profil singulier, nous fait nous intéresser à sa genèse, son histoire de départ. Cédric Fouilleul la connaît bien, lui qui a posé ses valises en octobre 2014, soit quelques mois à peine après la création de la boîte (qui n’est passée par aucun processus d’incubation et a démarré avec 500 000 euros de fonds propres, dont 300 000 pour le développement interne de l’I.A, pour ceux qui voudraient connaître le modèle initial). « Quand il m’a présenté le produit, ça n’était qu’un concept en mode bêta (…) On s’est lancés dans l’organisation d’une prospection commerciale. La stratégie de départ, c’était de se tourner vers les acteurs du tourisme. On a réuni tous nos contacts, mais le monde du tourisme est petit, tout le monde se connaît », précise-t-il. 

D’abord initié pour le tourisme, le système intéresse aujourd’hui de plus en plus d’autres secteurs économiques majeurs : l’automobile, d’abord, via un assistant personnel intégré au véhicule où une application nominative. « Opel a déjà lancé un système similaire, ça ne marche pas trop. Nous, on avance avec Renault, avec Porsche et on prépare un pilote avec le groupe PSA qui démarre le mois prochain ». Viennent ensuite les assurances, les banques et même, récemment, les bateaux de chez Zodiac depuis que Wiidii a été identifiée comme une start-up innovante lors d’un CES, à Las vegas. Cela dit, le tourisme reste toujours un peu le coeur de cible, le tout, Cédric l’assure, sans aucun partenariat direct. Autrement dit, la demande que vous faites au service ne va pas vous diriger vers une marque plutôt qu’une autre. Enfin, en théorie. « On n’a aucun partenariat, on veut être le plus neutre possible. On veut que le client qui nous utilise le fasse souvent. Si il arrive à Bordeaux, qu’il demande un restaurant et qu’on lui dit d’aller au Comptoir Cuisine et qu’il en redemande un trois mois après et qu’on lui propose le même, il s’en rendra compte. Par contre, en temps que marque blanche, les groupes pour lesquels on travaille peuvent prendre directement leurs partenaires à eux. Si un client demande une location de voiture et qu’on avance avec Air France, on pourra pousser leur partenaire, Hertz. Par contre, on aura le droit de proposer autre chose si le client ne veut pas louer de voiture là bas ». 

Donner ses données, reprendre c’est voler

Le premier client historique de Wiidii, vous le connaissez sans doute pour y être déjà passé au moins une fois lors de votre arrivée dans la capitale girondine : il s’agit de l’Office de Tourisme, par le moyen d’une application incluse dans le City Pass. Depuis, bien sûr, le tout a largement évolué. Ce qu’on leur demande le plus souvent, en revanche, revient avec constance : gestion de réservations, prise de rendez-vous où choses plus personnelles comme une baby sitter où « quoi regarder ce soir à la télévision ». Oui, oui. Certains, même, n’hésitent pas à aller un peu plus loin. « Les demandes un peu illégales, on en a aussi ». Sexe, drogue et rock-n’roll, Wiidii ? Pas vraiment. « Beaucoup de gens se lâchent en pensant qu’il n’y a qu’un robot derrière. Mais on voit tout l’historique des conversations ».

L’IA, qui représente environ 45% des demandes traitées actuellement, pose évidemment la question de la gestion des données personnelles. Domiciliés à Roubaix, les serveur de la société ne s’en sont jamais cachés : des « On n’a pas encore de limite mais on est en train d’en fixer puisqu’on est suivis, notamment par la CNIL » (Commission Nationale de l’Informatique et des libertés). « Quand on a avancé avec Air France, c’était vraiment le problème qui se posait, on a eu des rendez-vous sur la sécurité des données personnelle. Grâce à eux, on avance et on corrige des choses auxquelles on aurait pas forcément pensé. Mais nous ne sommes pas propriétaires des données de nos clients. Chaque fin de mois, on donne toutes les demandes qui ont été faite à notre client, mais elles sont anonymisées ».

Wiidii veut dire oui 

À l’heure où ces lignes sont écrites, Wiidii dispose de quinze contrats signés et de plus d’une trentaine en discussion. Il faut dire que l’entreprise est loin d’avoir revu à la baisse ses ambitions. Après une levée de fonds de 600 000 euros en 2016, c’est cinq à sept millions d’euros qu’elle compte débloquer dans le courant de l’année. Pour financer quoi ? Un développement massif de son chiffre d’affaires qui, lui aussi, multipliera peut-être les zéros : un million d’euros en 2016, et des objectifs de neuf millions en 2018 et même le seuil des vingt millions en 2020 ! « La stratégie pour les mois à venir », commente Cédric, « elle passera par du recrutement (pour un objectif d’une cinquantaine d’employés), un déploiement à l’international (des agences à Montréal et à Singapour) et une amélioration de notre intelligence artificielle. Notre objectif serait de signer  avec un acteur important dans chaque domaine que l’on peut approcher, d’abord sur les marchés francophone et anglophone, même si on a signé avec des chaînes hôtelières en Chine et une petite centrale hôtelière en Espagne. Je pense qu’on a été un peu trop vite au début en pensant tout de suite à l’international. On s’est rendus compte qu’il y avait d’avantage de barrières, par exemple en Chine où ils ont leur propre internet. Maintenant, on se concentre sur des marchés plus proches, plutôt européens. On met en avant un produit Made In France, ça marche plutôt bien auprès des compagnies françaises ». 

Un développement grandissant qui pourrait sans doute permettre à Wiidii de faire de l’anticipation une réalité. « Quand j’étais en agence de voyage, je me suis rendu compte que beaucoup de clients les délaissaient parce qu’ils en avaient marre et voulaient tout faire sur internet. C’est toujours le cas, mais de plus en plus de clients reviennent en agence pour plus de proximité et de personnalisation ». Le but ultime ? « Un assistant robot qui pourrait répondre à toutes les demandes avec naturel. On est en train de réfléchir, à moyens termes, à plusieurs nouvelles phases. Par exemple, pour un client habitué qui prends toujours le même avion et un type d’hôtel bien précis, on pourrait anticiper tout ça et lui rappeler le jour où il oublie de faire une réservation ». Une personnalisation plus poussée, donc un logiciel qui vous connaîtrait sans doute mieux, en tout cas sur certain aspects, pour pouvoir anticiper vos actions et vous servir de rappel, doux rêve ? Si c’était vraiment le cas, jusqu’où pourrait-on aller ? « Jusqu’à ce que le client se dise : « wow, il y a pensé ». Souhaiter un anniversaire, donner des informations personnalisées. On aimerait bien devenir un incontournable, une application que l’on garde sur son téléphone et que l’on ne supprime pas au bout de dix jours d’utilisation ». Vous avez déjà vu Black Mirror ou Minority Report ? Vous devriez. 

Wiidii, l’assistant personnel 2.0 from Aquipresse on Vimeo.

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