Transports : quelle Rive Droite de Bordeaux en 2050 ?


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Temps de lecture 8 min

Publication PUBLIÉ LE 02/07/2018 PAR Romain Béteille

D’une rive à l’autre

La Rive Droite et ses ambitions pour 2050, c’est ce qui était ce lundi au programme de la première journée de rencontres/débats au Rocher de Palmer, à Cenon, autour de la grande concertation métropolitaine qui a démarré en février dernier et doit se poursuivre jusqu’en mars 2019 (tandis que le premier volet de concertation, les questionnaires en ligne et la tournée du Camion du futur, eux, doivent s’achever le 11 juillet prochain avant le lancement d’une deuxième phase sous la forme d’un serious game métropolitain. On trouvait donc évidemment autour de la table douze maires de la Rive Droite mais aussi des chefs d’entreprise, censés partager, eux aussi, leurs prospectives sur de grandes thématiques comme le travail, la ferme métropolitaine, l’urbanisme ou encore des concertations censées mettre en avant les atouts et les besoins de ce territoire avec lequel Bordeaux se partage le fleuve. Mais le thème par lequel la journée a démarré, actuellement au centre de toutes les attentions, alors même que le Syndicat Mixte des Transports, plusieurs fois retardé, devrait voir le jour sous peu, c’est évidemment celui de la mobilité.

Hasard malheureux du calendrier, le débat immédiat agitant actuellement les deux rives concerne un certain pont de pierre : l’expérimentation qui le ferme aux véhicules motorisés doit se terminer dans quelques jours à peine, et un comité doit se réunir ce jeudi pour décider de la suite au moment où la construction du pont Simone Veil accuse un retard qui pourrait aller de un an à trois ans dans le pire scénario. Si certaines associations d’opposants (comme Esprit Bastide) ont l’air de vouloir trouver un juste milieu concernant la fermeture du pont de pierre (ils évoquent notamment la possibilité de plages horaires aménagées durant lesquelles les voitures seraient autorisées), du côté des maires de la métropole en revanche, les avis ont l’air bien plus tranchés. Si le maire écologiste de Bègles se refuse à toute réouverture, de l’autre côté de la Garonne, elle à l’air d’être sérieusement envisagée. De manière indirecte (pour le maire de Cenon, ses habitants se sont adaptés depuis longtemps en empruntant d’autres voies pour s’y rendre) ou non : le maire de Floirac, Jean-Jacques Puyobrau, reste sur sa position initiale, « non pas d’un point de vue idéologique, je ne suis pas pro-voiture et j’ai d’ailleurs toujours soutenu les politiques vélo. J’ai toujours dit que j’étais d’accord avec l’expérimentation mais que je pensais que la temporalité n’était pas la bonne et qu’il fallait attendre l’ouverture du pont Simone Veil pour neutraliser la circulation sur le pont de pierre et le donner aux vélos et aux piétons. J’ai donc validé les phases expérimentales puisqu’il y avait des points d’amélioration de la fluidité de la circulation prévus, ces points ne donnent pas les résultats attendus et les gens n’en peuvent plus d’aller travailler, on a de grosses difficultés à leur faire accepter la situation, il y a une réelle forme d’exaspération qui n’est pas suffisamment prise en compte. Chacun doit agir au regard de son territoire, de ses particularités et de l’expression de ces citoyens. Cela dit, je n’ai aucun recours. Si l’expérimentation était maintenue, les gens subiraient les conséquences de cette thrombose », a-t-il résumé, dans un avis visiblement partagé par plusieurs élus, notamment le maire de Carbon-Blanc, Alain Turby.

Horizon 2050

Si cette actualité immédiate a bien entendu été abordée, la journée de réflexion était surtout l’occasion de poser les bases et de prendre la température sur des projets à bien plus long terme. Lors du premier débat, la présence de Victor Antonio, chef de projet du téléphérique de Brest un projet à 19,1 millions d’euros inauguré en novembre 2016 et qui a comptabilisé son millionième voyageur en juin dernier, n’était évidemment pas un hasard. « Pour nous, le téléphérique cochait toutes les cases : il est capacitaire, en site propre, rapide et très sûr », a vanté le responsable avant de diffuser un film promotionnel très léché. Alors, un téléphérique à Bordeaux pour apporter une nouvelle solution à cette « coupure urbaine » provoquée par le fleuve ? En tout cas, les élus présents avaient l’air assez emballés. Un peu moins d’enthousiasme, en revanche, pour une idée de métro bordelais, récemment revenue dans les conversations.

Pour Alain Turby (maire de Carbon-Blanc), « il y a peut-être une nécessité de travailler les deux options : le téléphérique pour des relations point à point et le métro comme ligne dorsale pour desservir les grands équipements comme l’aéroport ou le centre-ville ». Jean-François Egron, maire de Cenon, penche plus vers la solution des airs, même en affirmant que « ce n’est pas une seule solution qui pourra régler le problème de la mobilité. Je pense que le téléphérique est une bonne chose mais il y a d’autres voies à travailler. Le métro est très coûteux. Si à l’époque on l’avait défendu, jamais le tramway ne serait arrivé sur la rive droite. Au vu du coût et de la configuration des sols, je ne pense pas que ce soit une solution pour 2050, ça hypothèquerait toutes les autres possibilités pour l’ensemble de la population de rayonner sur l’ensemble du territoire ». Tous sont en revanche sur la même ligne lorsqu’il s’agit de parler du développement du ferroviaire sur l’enceinte de la métropole, qui compte actuellement quinze gares dont certaines sont clairement sous-exploitées. « De Sainte-Eulalie ou de Carbon Blanc, vous prenez le train et vous êtes douze minutes plus tard à la Gare Saint-Jean. Sauf qu’aujourd’hui, nous avons quatre trains le matin et quatre le soir, dont deux systématiquement annulés le soir. C’est un enjeu sur lequel je souhaite que la SNCF ne renvoie pas la balle dans le camp de la Région et inversement. La métropole ne s’arrête pas à la frontière des 28 communes. Qu’on ne nous dise pas qu’on ne met pas de trains parce qu’il n’y a pas d’usagers, en réalité c’est l’inverse. Il faut créer l’offre », affirme Alain Turby.

La situation est parfois plus problématique encore, comme pour les administrés de Kevin Subrenat, maire d’Ambès (commune de 3200 habitants). « De notre côté, on a restauré en 2016 une voie de chemin de fer sur la presqu’île pour vingt millions d’euros. Elle a été inagurée en grande pompe mais il y a aujourd’hui un seul train de frêt qui y circule par semaine. Est-ce qu’il n’y a pas une solution alternative avec un ou deux TER le matin et le soir qui permettraient aussi de désengorger les bus qui sont en pleine capacité aux heures de pointe et qui pourraient irriguer d’autres communes voisines ? ». La Gare de Cenon, peut-être l’un des meilleurs élèves en termes de liaison ferroviaire (huit mille voyageurs par jour, deux millions par an), a aussi ses enjeux. « Le premier est économique puisque d’autres équipements connexes doivent être développés », explique Jean-François Egron. « Certains des 8000 voyageurs quotidiens prennent le tramway, si on leur offrait la possibilité d’aller sur la rive gauche par le pont Simone Veil, ça changerait beaucoup de choses parce que beaucoup veulent aller sur Bordeaux Nord plus rapidement et ne le peuvent pas aujourd’hui. La connexion de la Gare de Cenon avec Cracovie et les boulevards est donc un enjeu important qui permettrait de pouvoir enlever un flux de voyageur dans un tramway déjà saturé aux heures de pointe ».

Autre sujet évoqué : le développement exponentiel des traversées du fleuve en bateau: les BatCub transportent 400 000 voyageurs par an, dont un tiers de trajets domicile-travail. Pour Hervé Lefebvre, dirigeant de Keolis, ces lignes pourraient se multiplier dans les années à venir, notamment « entre Floirac et Bordeaux Euratlantique ». Le développement du fleuve est en tout cas un argument consensuel, et la possibilité de voir apparaître des SeaBubbles (petites capsules pouvant transporter six personnes (la start-up développe actuellement un projet parisien) Le serpent de mer du grand contournement est resté le grand absent de ces débats. Pour une raison simple selon l’élu socialiste de Cenon : « la dernière concertation qui a eu lieu s’est très mal passée, mais quand on veut tuer son chien on dit qu’il a la rage… La façon dont on a eu de multiplier les divers tracés, notamment par le nord de la Gironde n’a fait qu’agacer un grand nombre d’habitants, je ne pense pas qu’on ait voulu véritablement régler le problème. Si un jour on arrive à avoir ce grand contournement, on pourra mieux réguler le flux de camions. Cela dit, le ferroutage est aussi une autre solution qui permettrait de libérer la rocade. Aujourd’hui, sur la partie Est de la rocade, 15% du flux est représenté par les camions, soit plus de 50% de la surface au sol. Il faudra donc traiter le problème, peu importe comment ». Les élus de la Rive Droite fondent enfin un grand espoir sur le futur Syndicat Mixte des Transports, qui pourrait permettre à la métropole de peser davantage dans les décisions, notamment au niveau du ferroviaire ou de la création, souhaitée depuis longtemps, d’un ticket unique en intermodalité. Reste à savoir si le texte de la Loi d’Orientation des Mobilités, actuellement en arbitrage, pourrait venir changer la donne entre-temps.

Vers une OIM Rive Droite (?)


La dernière idée évoquée durant ce débat, qui n’était auparavant pas vraiment sortie du bois, était en revanche, bien que pas vraiment surprenante, un peu plus originale : celle d’une Opération d’Intérêt Métropolitain (à l’image de Bordeaux Aéroparc ou d’Euratlantique) spécifique à la Rive Droite. Elle a été lancée brièvement au milieu d’un discours introductif par le maire de Carbon-Blanc, à qui on a demandé de préciser sa pensée. « Pour des raisons historiques et politiques, les choix qui ont été faits ont localisé une polarité économique sur la rive gauche de la Garonne. C’est un sujet problématique lorsque l’on a 70% de la population de la rive droite qui doit traverser la Garonne. Il est tout à fait logique de vouloir relocaliser l’emploi à proximité des lieux de résidence et des foyers de population pour redonner du dynamisme à ce territoire. L’avantage que nous avons, c’est que l’on peut se laisser aller à une réflexion de structuration économique sur ce territoire, c’est un peu ce que je souhaite par le biais de cette Opération d’Intérêt Métropolitain. J’ai déjà commencé à échanger avec les services métropolitains qui travaillent sur le projet Bordeaux Métropole 2050. Ca ne s’appellera peut-être pas OIM, mais le but sera le même : donner une réelle attractivité économique à la rive droite, qu’il y ait un marketing territorial spécifique ». 

Pour Jean-François Egron, « il a fallu que les maires de la Rive Droite se battent bec et ongle pour avoir ce qu’ils ont aujourd’hui. Sur le développement urbain, si nous n’avions pas eu autant d’opérations d’aménagement et si nous n’avions pas exploité ce qu’a pu apporter la Zone Franche, aujourd’hui personne ne viendrait. Cette attractivité, nous l’avons gagnée et nous ne devons pas la perdre. Il y a ici 40% de logements sociaux, ce sont des populations qui attendent que l’emploi se développe. L’organisation officielle de cette OIM n’a pas encore vu le jour. Il faut que la temporalité des décisions corresponde aussi à la temporalité politique… ». Sans doute pas pour tout de suite, donc, mais quand on sait que 70% des habitants de la Rive Droite travaillent en face  et que la ligne A représente 25% du réseau métropolitain en termes de voyageurs (120 000 trajets par jour), voilà qui devrait donner le temps à l’idée de faire son chemin…

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