Politique | Alain Juppé candidat aux primaires : la carte du rassembleur
20/08/2014 | Alain Juppé a anticipé la rentrée politique ou plutôt a placé celle-ci sous l'égide de sa candidature aux primaires

Donc il s'est décidé et a franchi le pas en ces jours où il fêtait son soixante neuvième anniversaire. Alain Juppé sera bien candidat aux primaires en vue des présidentielles de 2017. Notons qu'il s'y prend de bonne heure, suggérant en effet que ce grand rendez vous ait lieu au printemps 2016. Le moment semble à priori bien choisi et ceci pour plusieurs raisons.
La première tient au contexte général, international et notamment européen, national aussi, dans lequel cette candidature intervient. Précisément, le maire de Bordeaux appuie celle-ci dans ce blog plus long que d'ordinaire, sur le constat d'une conjoncture politique d'une rare instabilité. Qu'il s'agisse de l'Europe, où la crise ukrainienne ne s'apaise pas et où Alain Juppé pointe l'ambition de Poutine de rebâtir une grande Russie ou du Proche Orient à feu et à sang. Qu'il s'agisse du pays, le nôtre, où la rentrée politique s'annonce plus que difficile pour la gauche au pouvoir, tant à cause de l'impopularité de François Hollande que de l'absence d'une alternative à la politique qu'elle conduit, sans résultat pour le redressement économique. Et même des incertitudes, plus grandes que jamais sur la cohésion de ce qu'il reste de sa majorité parlementaire, sans perdre de vue que la suite logique des élections municipales devrait être le retour à droite du Sénat, le mois prochain. En prenant l'initiative en avant première à la rentrée à venir, au bruit et à la fureur prévisibles, Alain Juppé se décale du jeu et s'efforce d'asseoir sa posture de rassembleur.
La seconde raison de ce lancement, en plein été, tient évidemment au calendrier de rentrée de l'UMP. Ayant contribué avec Jean-Pierre Raffarin et François Fillon à sauver le parti qu'il avait crée et dont Nicolas Sarkozy s'était emparé à la faveur de sa condamnation, Alain Juppé ne veut pas être enfermé dans les débats à venir et, en particulier, conduit d'avoir à choisir le bon candidat pour la présidence du mois de novembre. Imaginons sans peine le retour de plus en plus probable de Nicolas Sarkozy porté par des militants qui auront été chauffés à blanc. Un Sarkozy dont on peut penser qu'il préférerait une manière de plébiscite pour éviter d'avoir à se présenter aux primaires devant le pays...Nous revient ce propos récent et empressé d'un électeur de gauche au cas où l'ancien président serait opposé au maire de Bordeaux dans la primaire : « je vais voter Juppé, sans coup férir ».
La troisième raison et la réaction immédiate et chaleureuse de François Bayrou à l'annonce de cette candidature, ce 20 août sur l'antenne d'Europe 1 le confirme : Alain Juppé va jouer à fond la carte du rassemblement de la droite et du centre et s'efforcer d'agréger, autour de son projet présidentiel, bien plus que le soutien des appareils, un mouvement populaire dont l'un des ressorts essentiels sera, à n'en pas douter, la crainte d'une nouvelle percée de Marine Le Pen dans un contexte où la gauche aborderait en lambeaux la présidentielle de 2017. Empruntant cette voie il trouve, déjà, des soutiens dans la jeune garde de l'UMP, celle des quadras qui raisonnablement ne pensent qu'à 2022.
On notera que dans l'analyse qui sous-tend son annonce, Alain Juppé plaide pour une autre croissance dont l'énoncé ne déplairait pas chez les verts et une démocratie nouvelle « qui se développe sur le terrain ». Au-delà des mots, convenons que son long ancrage bordelais a nourri de la connaissance du réel et de la vie des gens le candidat à la magistrature suprême...
Le défi est considérable, moins à cause de l'âge que de l'investissement que pareille entreprise nécessite. Un an et demi de campagne pour ces primaires en même temps que la montée en puissance de la métropole bordelaise...sacré challenge.
Par Joël Aubert
Crédit Photo : NC