Interview: Alexandra Siarri « l’engagement est un moteur viscéral »


Alexandra Siarri - Aqui.fr
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Temps de lecture 5 min

Publication PUBLIÉ LE 21/05/2019 PAR Sybille Rousseau

@qui ! : D’où vous vient cette culture de l’engagement ?
Alexandra Siarri :
Cette culture de l’engagement réside dans les valeurs véhiculées par ma famille. Engagée politiquement, fidèle de la première heure du gaullisme, elle est pour moi un véritable modèle. Parallèlement à cette éducation, aussi loin que je puisse me rappeler, j’ai toujours été attirée, obsédée par les différences, les exceptions, les singularités. Des différences qui mettent en lumière les limites du principe et du commun. L’engagement est bel et bien un moteur viscéral.

@ ! : Pourquoi s’engager en politique ?
A. S. :
J’aime comprendre la République qui se nourrit ou pas de ces différences. D’où mon engagement en politique. Cet engagement est né également de la volonté de découvrir mes propres convictions afin de construire ma propre opinion. C’est Alain Juppé qui m’a proposé de rentrer en politique. Il désirait s’entourer de gens vrais. Il attendait beaucoup des personnes de terrain marquées par le Girondisme. C’est un être très particulier, presque demiurge regroupant largement derrière lui.

@ ! : En tant qu’élue, quelles sont vos lignes conductrices sur lesquelles vous ne dérogez pas ?
A. S. :
J’ai des valeurs très profondes. Je ne suis pas un bouchon qui bouge ! Je possède deux lignes de front. Tout d’abord, pour moi, le rôle d’un élu est de contribuer à l’épanouissement de la population et d’éradiquer toutes formes de vulnérabilité, chaque action politique étant réfléchie pour annihiler les différences. Aussi, je suis convaincue que nous sommes rentrés dans l’ère de l’anthropocène, l’ère géologique actuelle qui se caractérise par des signes visibles de l’influence de l’être humain sur son environnement, notamment sur le climat et la biosphère. Il est urgent aujourd’hui de repenser la société en tenant compte du dérèglement climatique.

Alexandra Siarri en compagnie d'Alain Juppé, Nicolas Florian et Fabien Robert


Construire la société de demain
@ ! : Pour comprendre les attentes et les besoins, vous sillonnez les quartiers. Qu’observez-vous ?
A. S. :
Pour comprendre les données du terrain, en effet, j’aime être avec les gens. Je les rencontre, déjeune avec eux, les écoute. Là, je récolte des données froides, elles ne font pas appel au sensible. Pour construire la politique d’aujourd’hui, les meilleurs alliés sont bien les acteurs de terrain. Dans cet esprit-là, je suis donc très intéressée par tous ceux qui sont engagés pour l’Autre, comme, par exemple, les entrepreneurs de l’Economie Sociale et Solidaire qui contribuent à réduire drastiquement les inégalités sociales et territoriales, mais également à lutter contre le dérèglement climatique en mettant au point des actions concrètes de terrain. Aujourd’hui, nous devons faire société. Je ne crois pas que la vulnérabilité soit définitive. Nous pouvons toujours nous en sortir.

@ ! : Le Pacte de cohésion sociale et territoriale adopté, adopté à l’unanimité (1), lors du conseil municipal fin avril est le fruit de cette enquête de terrain. Quelles en sont ses grandes lignes ?
A. S. :
Le Pacte de cohésion sociale et territoriale s’articule autour de cinq axes de travail thématiques de la vie quotidienne : s’insérer économiquement, être citoyen actif ; habiter la ville, partager la vie ; accéder à la culture, à l’éducation et aux savoirs ; préserver le bien-être, la santé et l’environnement et garantir la tranquillité publique et la prévention, lutter contre les discriminations, agir en faveur des personnes handicapées. Ce document se fonde sur une gouvernance transversale et partagée au sein même de notre institution mais également avec l’ensemble de nos partenaires – institutions, associations, acteurs privés – et sur un diagnostic territorial des enjeux et des besoins, partagé et enrichi par tous les acteurs. Ainsi, dans cet esprit, nous avons soutenu plus de 1 400 projets de territoire. A Saint-Michel, nous sommes en train d’insérer de la mixité dans le quartier. C’était une véritable demande de la population. Aujourd’hui, nous sommes accusés de faire de la gentrification; or nous souhaitons sortir de cette logique de spécialisation. Il faut de la profondeur dans l’action politique.

@ ! : Quelles sont les grandes priorités de ce Pacte ?
A. S. :
Dans ces cinq axes résident onze priorités transversales qui sont, entre autres, la priorisation de l’emploi dans les quartiers « Politique de la ville » et en particulier l’emploi des jeunes ; la poursuite de l’amélioration des conditions d’accueil de chaque enfant et son intégration dans la cité notamment à travers le développement d’écoles ouvertes aux familles ; la contribution à la transition énergétique et écologique ; la sensibilisation aux enjeux de la santé globale et la lutte contre la solitude des seniors… Pour vous donner un exemple concret: nous avons récolté des données sur Bordeaux la nuit. Grâce à une centaine d’acteurs de terrain nous avons établi un diagnostic de l’activité de la capitale girondine en nocturne. Nous avons établi un portrait sociologique des personnes évoluant la nuit, déterminé les habitudes de chacun afin de sortir de la caricature. Pareil pour l’alimentation. Les populations dites « bobo » ou les populations plus fragiles économiquement ont le même souci, celui de se nourrir correctement. A partir de ce constat, des actions concrètes vont naître.

Peser sur le débat public
@ ! : Alors que la société est en proie à l’individualisme, vous, Alexandra Siarri, vous croyez à une ville coopérative ?
A. S. :
Oui, tout à fait ! Je crois à une ville coopérative qui est en train de naître. Il n’y a qu’à observer toutes les actions faites dans ce sens. Le développement des échanges par le biais d’applis ou non. L’économie circulaire qui incite au partage de nos services. Nous faisons société d’une autre façon aujourd’hui.

@ ! : Au-delà de vos fonctions électives, vous êtes engagée également au sein de l’association « Bordeaux Demain ». Pourquoi ce collectif ?
A. S. :
Ce collectif est né il y a deux ans et demi de la volonté de personnes partageant les mêmes convictions, celles de définir ensemble l’avenir de Bordeaux, le Bordeaux à venir. Ainsi, ce lieu d’expression libre piloté par six co-présidents, trois femmes et trois hommes, propose des rencontres thématiques afin de réfléchir ensemble à des solutions pérennes. En deux ans et demi, nous avons accueilli 1 500 personnes à nos temps d’échanges organisés toutes les cinq semaines environ. Nous avons déjà abordé des thèmes forts comme la santé, l’eau et l’alimentation, la transmission. Ces rencontres se déroulent en deux temps : une conférence puis une réflexion en groupe de travail. Les échanges sont très riches car nourris des expériences des personnes de terrain qui nous font remonter leur quotidien. Des personnes engagées à qui nous faisons comprendre que leur avis compte et qu’elles doivent le formuler. Parmi toutes les propositions nous avons reçu par exemple la déconcentration des services municipaux et la mise en place d’horaires atypiques définis de concert avec les habitants. Toutes seront compulsées dans un petit ouvrage afin de peser sur le débat public.

@ ! : Ce collectif a-t-il pour essence de perdurer ?
A. S. :
Oui, tout à fait, et sur le long terme. A ma connaissance, aucun autre collectif de cette nature n’a encore vu le jour ailleurs dans l’hexagone, donc pourquoi pas faire des petits de cette initiative citoyenne ? Et à la fois, c’est obligatoire qu’elle fasse des petits car nous sommes dans une nécessité d’engagements aujourd’hui ! Mais attention, restons humbles ! Notre but est bel et bien de peser sur le débat public et pas seulement d’y contribuer !

1.et l’abstention du groupe RN et SIEL

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