Assises nationales de la mobilité : la métropole de Bordeaux suit le mouvement


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Publication PUBLIÉ LE 24/10/2017 PAR Romain Béteille

Le futur, c’est le présent… en mieux

« Le temps du financement intégralement public des infrastructures est révolu », a souligné dernièrement le Ministre de l’Économie  sur la question du financement de l’amélioration des projets de grandes infrastructures publiques. Parmi ces dernières, les routes, le ferroviaire et les systèmes de transport en général font office de figures de proue. « Nos modèles de production, de consommation, de déplacements doivent être profondément repensés », déclare joliment Nicolas Hulot quand il est venu le temps de parler des Assises de la mobilité, débats territoriaux préfigurateurs d’une future loi d’orientation des mobilités. Derrière ce discours un brin lissé, la volonté claire de raboter les coûts : « Ce sont dix milliards d’euros de plus que les ressources disponibles sur le quinquennat qui seraient nécessaires pour réaliser tous les projets d’infrastructures annoncés par le passé, dont sept milliards pour de nouveaux projets. Cette situation n’est plus tenable, alors même que les budgets consacrés jusqu’ici à l’entretien et la modernisation des réseaux existants étaient insuffisants », nous dit le texte officiel des Assises souhaitées conjointement par le Ministère de la transition écologique et celui des transports.

Pourtant, c’est surtout de cela qu’il a été question lors de cette déclinaison métropolitaine, à Bordeaux, de ces assises nationales : renforcer l’existant. Organisée ce mardi 24 octobre à la commande du préfet de la région Nouvelle-Aquitaine, Pierre Dartout, l’étape bordelaise a réuni six groupes de travail pour autant de thèmes, comme c’est d’usage dans toutes les autres assises au niveau national. Ont ainsi été abordés : l’environnement (« des mobilités plus propres »), le numérique, les fractures sociales et territoriales, l’intermodalité, la sécurité et la sûreté gouvernance et, enfin, le financement, avec pour but d’identifier des grands axes de travail commun. À l’heure du premier bilan, que tirer de ces premières réunions de travail et de concertation ? Pas grand-chose en fait, serait-on tenté de dire au premier abord.

Sur le numérique par exemple, « les freins sont moins technologiques qu’institutionnels et organisationnels ». Et une fois qu’on a dit ça ? Quelques propositions ont émané. Parmi elles, on a fait semblant de découvrir la nécessité de renforcer le co-voiturage, mais on a quand même été surpris lorsqu’a été abordé un système de « péage intelligent » à l’échelle régionale, qui permettrait de faire payer d’avantage les véhicules (quels qu’ils soient) s’ils empruntaient la rocade aux heures de pointe. « Bordeaux est un point modal sur l’axe Atlantique qui va du centre de l’Europe jusqu’à la péninsule ibérique », entend-t-on ainsi de la bouche du maire de Bordeaux, Alain Juppé, pour qui le grand contournement de la rocade semble être redevenu une question de premier plan (en tout cas d’avantage que la récente campagne anti parisiens, qualifiée d' »insupportable »).  

La rocade et les trains, deux vrais « poids lourds »

« J’ai fait un certain nombre de propositions que je ferai remonter par écrit jusqu’à la Ministre des transports : accélération de la mise à deux fois trois voies de la rocade et des autoroutes dites « taxées », régulation du trafic de poids lourds internationaux en transit par notre agglomération, lancement d’un plan du frêt ferroviaire et du ferroutage, relance du projet de contournement routier, soutien à la LGV GPSO vers Toulouse et Dax, amélioration de la gouvernance des transports, priorité aux modes doux… Mais surtout, simplifier, c’est la tâche la plus évidente », a rappelé le Président de la Métropole à l’issue des débats, en insistant pour que soit créé un nouveau « syndicat mixte des transports » en partenariat avec la région et « les autorités organisatrices des transports ». Si on peut tout de suite voir l’intérêt évident de la métropole bordelaise à la création de ce syndicat, on ne peut s’empêcher de remettre légèrement en cause l’idée que c’est aux poids lourds « internationaux » que l’on doit la congestion de la rocade de Bordeaux.

Dans une étude de l’A’Urba datant de 2011 (réalisée à l’occasion d’un autre évènement aux sujets similaires, le « Grenelle des Mobilités »), on ne peut que relever que « les poids lourds représentent 8% des véhicules, une présence relativement faible, dont une petite moitié en transit et l’autre moitié concernant des flux internes à l’agglomération » et que « 64% des déplacements sont également internes à l’agglomération, dont 41% (en journée-moyenne) et 65% (en heure de pointe du matin) sont des trajets domicile-travail ». Mieux, selon les mêmes données, « la circulation routière a baissé sur les territoires situés à l’intérieur de la rocade entre 2000 et 2009 mais a augmenté à l’extérieur (1,20 déplacement par jour dans l’hyper centre contre 4,78 dans le Sud Médoc par jour) ». Alain Juppé, pourtant, persiste et signe : pour lui, c’est « la présence de poids lourds de trafic international qui explique en grande partie l’embolie de la rocade et le report d’une grande partie de la circulation sur les voies sur berges ». L’enjeu est régional plus que métropolitain (mais les routes, le budget de la Nouvelle-Aquitaine ne veut pas en entrendre parler, selon l’opposition régionale…). 

Et ça tombe bien parce que sur le reste, en revanche, et notamment concernant la nécessité de développer le frêt et le basculement du transports de marchandises routier vers le ferroviaire, les propos d’Alain Juppé s’alignent, dans leur ensemble, à ceux tenus par le Président socialiste de la région Nouvelle Aquitaine, Alain Rousset. Pas de trace dans ces assises, en revanche, de l’idée d’un « contournement ferré », qui permettrait d’éviter les ruptures de charges en gare de Bordeaux, une idée qui avait poutant tendance à revenir fréquemment dans les discours politiques, avant sans doute que l’extension de la  rocade, financée par la métropole, n’occupe tout l’espace. « L’idée, ce serait de pouvoir aller de Libourne à Arcachon en ne faisant que s’arrêter en Gare de Bordeaux sans y stationner pendant deux ou trois heures. Ce qu’il faudrait, c’est que ces TER métropolitains soient intégrés dans les transports de la métropole. Cela pourrait passer par un ticket unique. Et même si on considère qu’il faut un syndicat mixte des transports, il faut se demander qui aura la prédominance dans ce syndicat : la métropole où la région ? La loi NOTRe donne la prédominance à la région, mais on sent que la métropole préfère garder pour elle ce pouvoir pour mettre l’argent à certains endroits et pas à d’autres », boucle Christian Broucaret, président de la FNAUT (Fédération Nationale des Associations d’Usagers des Transports) Aquitaine. 

Grandes tendances

Évoquée aussi, la réservation de la bande d’arrêt d’urgence à un certain type de transports (bus et co-voiturage en tête), autre serpent de mer revenant régulièrement dans les micros. Sur le principe, le préfet de Nouvelle Aquitaine ne s’oppose pas à la réflexion. Mais il fait valoir plusieurs freins restants encore à lever. « Pour garantir la sécurité de la circulation, il faut se demander comment on sort et comment on rentre dans ces bandes, et la manière dont ça s’articulerait avec le reste de la circulation. Il faudrait aussi savoir comment repérer les voitures en co-voiturage. Il peut y avoir plusieurs moyens plus ou moins lourds : au départ, une simple vignette avec une confiance laissée aux personnes et un contrôle assez rigoureux quand un véhicule contrevient à ces dispositions avec une sanction qui pourrait être exemplaire », précise Pierre Dartout. Les autocars pourraient aussi bien être « express », comme c’est par exemple déjà le cas sur l’A10 au Sud de Paris. 

Les grandes tendances de cette contribution métropolitaine sont donc là, un peu perdues entre le jargon technique un brin vague (développement des outils collaboratifs, facilitation du trajet multimodal, accès à l’offre numérique pour tous, intégrer plus en amont la mobilité dans les documents d’urbanismes, les politiques d’entreprise ou les Universités) et les vastes idées globales (gratuité des transports pour les publics les plus en difficulté, homogénéisation des tarifs, peut-être via un titre de transport unique, établir une refonte du code de la route pour y intégrer, notamment, le co-voiturage ou le « tourner à droite » pour les vélos)…

Améliorer l’existant plutôt que de se lancer dans des grands chantiers : la métropole de Bordeaux semble suivre à la lettre la politique pronée par le Gouvernement. À voir si les retranscriptions (d’ici le mois de décembre) sauront éclaircir de nombreux points restés, sinon obscurs, du moins trop survolés pour en tirer des mises en application concrètes. L’innovation, l’expérimentation et la simplification de la règlementation étaient en tout cas les maîtres mots, auxquels il faudrait ajouter la concertation, donc. Si les termes devraient être, à priori, les mêmes dans les autres grandes métropoles, il sera sans doute intéressant de voir ce qu’en feront Conflans et Niort les 7 et 8 novembre, où deux autres « ateliers mobilité » seront proposés. Les enjeux et les propositions, avec la prise en compte des territoires ruraux et de villes plus moyennes, pourraient y être bien moins polis. 

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