Ce lundi 16 mars, au lendemain d’un scrutin municipal à très forte abstention dans le contexte de l’épidémie de coronavirus, Emmanuel Macron s’est adressé au français pour la deuxième fois en quatre jours dans une allocution télévisée. Après avoir annoncé jeudi dernier la fermeture des établissements scolaires, maintenu le premier tour municipales, encouragé le télétravail « quand c’est possible » et précisé plusieurs mesures économiques, le président de la République l’a affirmé ce soir à six reprises : « Nous sommes en guerre ».
Un confinement non-prononcé mais acté
En termes d’annonces et en évoquant une épidémie devenue une « réalité immédiate, pressante », Emmanuel Macron a, sans prononcer le mot de confinement, annoncé la décision de « renforcer encore les mesures pour réduire nos déplacements et nos contacts au strict nécessaire ». Dès ce mardi à partir de midi « et pour quinze jours au moins », les déplacements individuels (ou regroupements collectifs) seront « très fortement réduits. Toutes les entreprises doivent s’organiser pour faciliter le travail à distance et quand ça ne sera pas possible, elles devront adapter dès demain leur organisation pour se protéger et protéger leurs salariés. Toute infraction à ces règles sera sanctionnée », a précisé le chef de l’État sans pour autant dévoiler le contenu exact de ces sanctions.
Report démocratique
S’il n’a à aucun moment remis en cause les résultats du premier tour des municipales, il a tout de même annoncé qu’après consultation de l’Assemblée nationale, du Sénat et d’anciens présidents, que le second tour des élections municipales serait reportée à une date encore non-annoncée officiellement. « Le Premier Ministre en a informé aujourd’hui même les chefs de partis représentés au Parlement, cette décision a fait l’objet d’un accord unanime », a précisé Emmanuel Macron. Toujours concernant la vie démocratique, le chef de l’État a annoncé la suspension de « toutes les réformes en cours, y compris la réforme des retraites » et la présentation ce mercredi 18 mars en conseil des ministres d’un projet de loi « permettant au gouvernement de répondre à l’urgence et, lorsque nécessaire, de légiférer par ordonnance dans les domaines relevant strictement de la gestion de crise. Ce projet sera soumis au Parlement dès jeudi » et voté « le plus rapidement possible ».
Nouvelles mesures sanitaires
Dans le volet santé de son discours, Emmanuel Macron a affirmé qu’en plus du service minimum de garde d’enfants pour les personnels soignants, déjà en place depuis lundi, les taxis et hôtels « pourront être mobilisés à leur profit. L’État paiera ». Les masques, eux, seront réservés en priorités aux hôpitaux et à la médecine de ville et de campagne, « en particulier des médecins généralistes et des infirmières, désormais en première ligne dans la gestion de la crise. Des masques seront livrés dans les pharmacies dès demain soir dans les 25 départements les plus touchés, dès mercredi pour le reste du territoire national ». Concernant d’autres professionnels de santé, spécialistes, notamment les dentistes, de nouvelles mesures doivent être annoncées dans les prochains jours par le ministre de la Santé. « Les armées apporteront aussi leurs concours pour déplacer les malades des régions les plus affectés et ainsi réduire la congestion des hôpitaux de certains territoires », a également précisé le locataire de l’Élysée.
Europe et économie
Le dernier volet de son discours était centré principalement sur des mesures économiques. Un mot sur l’Europe tout de même : « la décision commune entre européens » de la fermeture dès mardi à midi des frontières à l’entrée de l’Union Européenne et de l’Espace Schengen. « Tous les voyages entre les pays non-européens et l’UE seront suspendus pendant trente jours », avec des rapatriements possibles via les différentes ambassades et consulats « pour ceux et celles qui le souhaitent ».
Sur le volet économique enfin, s’il n’a pas rajouté aux mesures déjà esquissées jeudi dernier concernant l’élargissement des mesures de chômage partiel, Emmanuel Macron en a dit un peu plus pour tenter de lever les inquiétudes des nombreux artisans, commerçants, professionnels impactés par les mesures de fermeture immédiate imposées samedi dernier par le Premier ministre Édouard Philippe. Au-delà de la promesse qu' »aucune entreprise, quelque soit sa taille, ne sera livrée au risque de faillite » et « qu’aucun(e) français(e) ne sera laissé(e) sans ressources », il faut surtout noter l’annonce d’un report de charges fiscales et sociales, d’un soutien aux reports d’échéances bancaires et de la mise en place d’une « garantie de l’État à hauteur de 300 milliards d’euros pour tous les prêts bancaires contractés auprès des banques. Pour les plus petites d’entre elles, celles qui font face à des difficultés n’auront rien à débourser ni pour les impôts ni pour les cotisations sociales. Les factures de gaz, d’eau, d’électricité et les loyers devront être suspendues ». Enfin, Emmanuel Macron, tout en promettant de nouvelles allocutions « régulières », a acté la création d’un fonds de solidarité dédié aux « entrepreneurs, commerçants, artisans », dont les modalités précises restent encore à définir mais « auquel le Premier Ministre proposera aux régions de contribuer ».
M.A.J : lundi soir, le ministre de l’Intérieur Christophe Castaner a donné des précisions supplémentaires sur les modalités d’application des mesures de restrictions annoncées plus tôt dans la soirée, « les mesures les plus restrictives en vigueur en Europe aujourd’hui », avant répéter plusieurs plusieurs fois la même phrase : « restez chez vous ». Le contrôle du respect des restrictions de déplacement sera assuré, a promis le ministre, par 100 000 policiers et gendarmes déployés sur toute la France sur des points fixes et mobiles. Le ministre a également fait une liste des exceptions de ces mesures de confinement : elles seront levées pour les trajets domicile-travail si le télétravail n’est pas possible, pour faire ses courses, consulter un professionnel de santé, assurer la garde de ses enfants et « soutenir les personnes vulnérables » et faire du sport « à titre individuel sans rassemblement ». Les « sanctions » annoncées plus tôt par le chef de l’État sont réservées à celles et ceux qui n’auront pas imprimé ou rédigé une attestation sur l’honneur pour justifier de la nature d’un déplacement : d’abord une amende forfaitaire de classe 1, soit 38 euros, qui sera portée plus tard (par nouveau décret) à 135 euros.
Le ministre de l’Économie, Bruno Le Maire a annoncé sur RTL ce mardi qu’une aide de 45 milliards d’euros allait être débloquée pour les entreprises et salariés en difficulté, en plus des garanties de l’État et de l’Europe pour les prêts bancaires (300 et 1000 milliards). Un fonds de solidarité d’un milliard d’euros « minimum » va également être créé à destination des micro-entrepreneurs, des « plus petites entreprises, des indépendants qui ont moins d’un million d’euros de chiffre d’affaires ». Le ministre a également tablé sur un recul de 1% du PIB en 2020, chiffre provisoire, et a évoqué une situation de « croissance très déteriorée » et une « zone euro également en récession ».