Cours magistral de communication politique au Campus de l’UMP à Royan. Travaux dirigés : l’Unité


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Temps de lecture 8 min

Publication PUBLIÉ LE 06/09/2008 PAR Nicolas César

D’après le Canard Enchaîné, Patrick Devedjian, secrétaire général de l’UMP aurait préféré organiser la messe de rentrée de son parti à Bruxelles, mieux desservie par les trains et ville symbolique avant les élections européenes. Mais Jean-Pierre Raffarin aurait obtenu que ce « Campus » ait lieu dans son Poitou Charentes en jouant sur les souvenirs heureux du chef de l’Etat qui mangeait des crêpes à Royan en rentrant de la plage quand il était enfant. Par pur souci investigatif, Aqui! est donc allé constater que les crêpes au chocolat maison pliées en quatre de chez Lopez, sur le front de mer, sont à la hauteur de leur réputation. Et Aqui! n’est pas le seul, car en descendant du TER, beaucoup de militants imperméabilisent leur Iphone dans des coques étanches et affrontent la tempête de ce vendredi venteux pour marcher dans les pas gustatifs de leur grand homme. Puis retour tout contre la gare, dans le stade d’honneur de Royan.

Un stade très sécurisé
Ne serait-ce que sur le plan de l’organisation, le contraste est violent comparé aux dispositifs du PS. L’aspect sécuritaire est omniprésent. Six cars de CRS stationnent dans une petite rue adjacente, il est impossible de trouver une place sur une partie du parking de la gare et tous les participants transitent par des portiques de sécurité sous l’oeil courtois mais implacable d’un imposant service d’ordre muni d’oreillettes. Il faut dire que tout le gouvernement va défiler en trois jours.
Tous se passe ensuite dans les tentes érigées sur la pelouse du stade. La première, au centre, est une buvette. Huit petites abritent des stands de mouvements affiliés comme l’UNI , la droite universitaire, dont les membres sont reconnaissables à leurs T Shirt noirs « Et si le mérite devenait à la mode ». L’essentiel de la manifestation se déroule dans une grange tente de 806 places assises. Une autre de la même dimension sert de cantine. Enfin, une dernière abrite la piste de danse. Quant à la salle de presse, on y accède par l’entrée des joueurs sous la tribune du stade.

Exposition et représidentialisation
17H30. L’ouverture est censée commencer dans trente minutes, mais il n’y a personne. Les bus des différentes fédérations sont retenus par des accidents sur la route, ce qui permet aux militants de rester au chaud quelques minutes de plus pendant que les tentes désertes sifflent avec le vent.
Premiers arrivés : Dominique Bussereau, secrétaire d’Etat chargé des transports et député de Charente accompagné de Jean-Pierre Raffarin. L’ancien premier ministre ne brevète pas de nouvelle raffarinade mais répète docilement les mêmes formules préparées sur le thème « Royan n’est pas La Rochelle, nous, nous sommes unis ». Répondant à une question sur les rumeurs de départ de Patrick Devedjian à la tête de l’UMP, celui qui en est vice-président de l’UMP dément formellement avant de glisser, l’air de rien, que « Devedjian a un bon bilan ». Sur l’absence du président, le sénateur de la Vienne déclare « on aurait aimé qu’il vienne mais la France est exposée en ce moment. Il n’apparaissait pas opportun d’envoyer un message partisan au moment où la France doit se rassembler derrière ses soldats ». Nicolas Sarkozy aurait vraiment eu envie de venir mais ses conseillers l’en ont disuadé jugeant qu’une participation aurait été contraire à la volonté affichée de « représidentialisation ».

Concours de phrases préparées sur l’unité
Pendant que Jean-Pierre Raffarin fait des zigs zags sur la pelouse pour être bien sûr que tous les journalistes aient le temps de venir le voir, les militants arrivent progressivement et donnent de la voix. Puis, c’est le tour de Patrick Devedjian qui développe aujourd’hui son rôle d’équilibriste « ni trublion, ni godillot ». Dix minutes plus tard, le ministre du travail , l’ambitieux Xavier Bertrand, son rival le plus sérieux arrive lui aussi avec sa besace pleine de formules ciselées. Bonhomie enjôleuse aux journalistes « ça va? Tout le monde va bien? » puis, en bon élève, il déroule sa partition du refrain unitaire. « Il y a 71 kilomètres entre La Rochelle et Royan mais vous allez voir qu’en réalité, il y a des années lumières. » Mais le secrétaire général adjoint de l’UMP ne se contente pas de ressortir des formules toutes faites du type « nous allons booster le changement », il a aussi du répondant. A une journaliste qui lui demande « Tout le monde s’aime à l’UMP? », il répond : « Comment vous l’écrivez ? ».
Et voici maintenant Nadine Morano, la secrétaire d’Etat à la famille. Un communicant va chercher sa dizaine de partisans vétus de T-Shirt noirs et jaunes parodiant la pub pour un célèbre café. Sur le dos : « Je roule pour Sarko, je carbure à Morano », sur le ventre « Morano,what else? ».
Quelques pas plus loin, Nathalie Kosciusko-Morizet, secrétaire d’Etat chargée de l’Ecologie et secrétaire générale adjointe de l’UMP, continue, imperturbable, à répondre aux questions des micros qui s’agglutinent pendant que ses hauts talons s’enfoncent dans la pelouse.

Marseillaise marketing et jeunesse Révolutionnaire
L’ouverture va commencer. Les ténors de l’UMP se placent au premier rang dans la bousculade provoquée par les caméras. Avant de s’asseoir, les militants entament un court extrait d’une marseillaise marketing qui permet aux caméras, toujours, d’immortaliser Xavier Bertrand et Patrick Devedjian qui ont à peine le temps d’articuler « abreuve nos sillons »…
Puis c’est le jingle sur un écran bleu de 15 mètre sur 3. Des papillons viennent se poser sur trois chênes dont la déclinaison de couleurs fait penser à Andy Warhol. La musique se veut tout aussi « djeun » et « relax » avec un couplet d’un des tubes de Mika. Les militants sont très disciplinés. Ils se lèvent, s’assoient, applaudissent et se taisent instantanément, selon les consignes des chefs de section parmis eux : les RDJ : responsables départementaux des jeunes.
Fabien de Sans Nicolas, le président des jeunes pops qui vient de passer la main est le premier à monter sur l’estrade. Il répète trois fois que ses jeunes pop’ est le premier mouvement jeune de France, avant d’affirmer : « il n’y a dans ce pays qu’une seule alternative: l’UMP et l’UMP. »
Vient ensuite le tour de la nouvelle porte-parole en jean slim, dont la gorge est nouée par le trac puis des rivaux malheureux du nouveau président des « Jeuns Pop » : Aurore Bergé, jeune femme à suivre et Matthieu Guillemin. Ce dernier porte bien son nom, car il fait beaucoup de mouvements avec ses mains et n’a pas peur de dire « la jeunesse se vit, elle ne se commande pas ». Quand on connait la façon dont s’est déroulée la campagne interne des jeunes pop et comment s’est imposé Benjamin Lancar, la phrase est savoureuse. Le voici justement, Benjamin Lancar. Un physique passe- partout pour une grande ambition – c’est son côté Xavier Bertrand. Ordre est donné dans la salle par les RDJ d’applaudir à tout rompre pour couvrir d’éventuels sifflets. En effet, un groupe a été crée sur Facebook pour siffler la première intervention de Benjamin Lancar. Nombre de militants entendaient protester conte ce président imposé par l’UMP. Certains voulaient même sérieusement tenter d’introduire un cercueil en carton pâte au nom de la démocratie. Au final, absolument rien. Pas une bronca. Pas une tâche dans l’organisation millimétrée. Benjamin Lancar, étudiant à HEC, a reçu en invité surprise le secrétaire d’Etat aux sports Bernard Laporte, et fait diffuser un clip mêlant des extraits de discours de Nicolas Sarkozy et les images des athlètes français médaillés aux JO. Puis il fait entrer sa nouvelle équipe vêtus du maillot bleu et annonce qu’avec cette « plus belle équipe de France », « les jeunes vont prendre le pouvoir à l’UMP ». Et il a achevé son intervention en se revendiquant chef de la « jeunesse Révolutionnaire ». Le mot est lâché.

Plus c’est gros, mieux ça passe
Enfin Christian Estrosi, le député-maire de Nice n’hésite pas non plus à revisiter l’histoire. D’abord en imaginant De Gaulle à l’université du PS qui aurait pu dire  » Ici La Rochelle, les socialistes parlent aux socialistes ». Les rires s’arrêtent cependant quand il s’enflamme « Nicolas Sarkozy est admiré par tous les chefs d’Etat du Monde.[…] Nous avons permis la libération d’Ingrid Bétancourt. Nous avons évité un massacre en Géorgie. » Pour mémoire, le président de la République a appris la libération de l’otage par les services colombiens en lisant une dépêche AFP dans sa voiture à 21H en rentrant chez lui. Quand à la Géorgie…
Preuve que les communicants du gouvernement ont bien fait leur travail, Christian Estrosi ressort à la tribune exactement la même phrase que Nadine Morano, une demie heure plus tôt : « Ce ne sont pas les feuilles de journaux qui comptent, mais la feuille de route de Nicolas Sarkozy ».

Dati, la tornade
Fin de l’ouverture. Nouveau jingle avec Mika. Tout le monde, même les ministres, passent dans la tente-cantine où d’immenses tablées aussi multicolores que les T-Shirts attendent les 2000 participants estimés. D’après les calculs d’Aqui!, plutot la moitié. Les ténors du parti ne font pas la queue au buffet pour aller chercher leur assiette, mais mangent la même chose que les militants sur une table au milieu de la tente. Soudain, c’est la tornade. Une nuée de militants se bat avec des journalistes pour pouvoir approcher la garde des sceaux, dont le service d’ordre est légèrement submergé. Rachida Dati, s’assoit une première fois à la table de ses militants pour poser avec NKM, refait un long tour de salle en spirale jusqu’à la table de Xavier Bertrand, revient à son assiette pour manger, puis part. Il est 22H.

Une boîte de nuit éphémère dont les spots sont peut-être visibles depuis La Rochelle.
La piste de danse commence à se remplir. Les DJs mixent habilement les titres les plus à la mode. A l’entrée, les organisateurs distribuent des bâtons fluorescents. Sur la pelouse, les militants sur des sièges design discutent autour d’un verre et de tables dont les parasols sont repliés à cause du vent. Une des tentes est décoré de néons multicolores. Deux militantes qui dansent s’aperçoivent qu’elles sont filmées et enfilent alors leurs lunettes de soleil Ray Ban. Si certains ne dansaient pas la chenille, cet endroit serait hype. Soudain, Nadine Morano dans sa mini-jupe débarque et se met à danser une bonne demie heure avec des militants surexcités qui font trembler le parquet sous leurs sauts. Scène surréaliste que ces gorilles à oreillettes qui veillent à la sécurité de la secrétaire d’Etat à la famille très occupée à danser, coiffée d’un chapeau de paille, sous le regard interloqué des militants et des caméras. Il est l’heure de rentrer.

En sortant, nouvelle surprise. Les huit spots sur le toît de la tribune du stade qui éclairaient la pelouse s’agitent maintenant selon la musique. Ils dessinent dans le ciel, sur des kilomètres à la ronde, une chorégraphie lumineuse qui enthousiasme les Jeunes Pop’. L’un d’eux regarde une affiche à la sortie. Celle de la campagne « 40 ans plus tard, la jeunesse qui bouge a changé de camp. »

Paul Larrouturou

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