Si instabilité il doit y avoir, elle sera plutôt à Bordeaux


Les 20 et 27 juin, les girondins se rendront aux urnes pour élire leurs conseillers départementaux. Le politologue bordelais fait le point sur la situation en Gironde

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Temps de lecture 5 min

Publication PUBLIÉ LE 14/06/2021 PAR Margaux Renaut

Jean Petaux, politologue bordelais, décrypte et analyse, de l’opposition à la majorité sortante, les enjeux sur les différents cantons et les possibles surprises des élections départementales qui se dérouleront les 20 et 27 juin prochains. S’affrontent, en Gironde, 172 binômes mixtes sur 33 cantons, pour un total de 66 conseillers départementaux élus. Cette année, les élections départementales se déroulent en même temps que celles pour élire les conseillers régionaux, ce qui d’après le politologue, n’aura pas pour effet de faire baisser le taux d’abstention, probablement plus élevé que les 50,02% de 2015.

@qui! : Les élections départementales ont été déplacées à deux reprises en raison de la crise sanitaire, elles font doublon avec les régionales et la saison des beaux jours arrive… Faut-il être inquiet pour la mobilisation des électeurs ? 

Jean Petaux : Oui bien sûr. D’une part parce que la crise sanitaire n’est pas derrière nous, preuve en est, la difficulté de trouver des assesseurs. D’autre part, il serait faux de résumer l’élection à un jour de vote. Ce moment fort de la vie démocratique, est précédé d’une campagne, de toute une série d’échanges, de débats, de présentations des candidats, et on se doute bien que la crise et les protocoles sanitaires n’ont pas permis tout cela. Indépendamment du fait que l’on se situe à un moment qui n’est jamais vraiment propice à la mobilisation, c’est à dire fin juin, tout cela va participer au fait que l’on connaisse un taux d’abstention qui va être à mon avis assez conséquent. Je l’envisage entre 55 et 60%, donc supérieur à celui de 2015 qui était de 50,02%. Pour ce qui est des régionales de 2015, le taux d’abstention avait un peu diminué du fait des attentats de novembre 2015 qui avaient provoqué une sorte de sursaut démocratique où les électeurs avaient tenu à montrer qu’ils étaient plus civiques qu’à l’accoutumée. 

@! : En 2015, Jean-Luc Gleyze a pris la suite de Phillipe Madrelle. Ainsi, la Gironde est à gauche depuis 40 ans presque sans interruption. Selon vous, est-ce parti pour durer ? 

J.P. : Il est vrai que Philippe Madrelle a été élu pour la première fois président en 1976. De 1976 à 1985 puis réélu de 1988 à 2015. C’était quand même un « règne » long, qui n’a pas toujours été triomphal d’ailleurs. Il y a des moments où il était plus accroché que d’autres… En tout cas c’était bien une même majorité politique et un même président depuis longtemps.
Le mode de scrutin a changé depuis 2015 : avant 2015 il y avait 63 cantons dont les conseillers n’étaient pas tous élus au même moment (31 conseillers départementaux étaient renouvelés puis trois ans plus tard les 32 restants). C’est ce que l’on appelait le renouvellement par moitié du Conseil départemental. La durée du mandat d’un conseiller départemental, soit six ans, n’a pas changé mais désormais tous les cantons sont renouvelés en même temps. De plus, nous avons imposé la parité au sein du Conseil départemental grâce à ce système de binôme, homme/femme. Cela a réduit presque de moitié le nombre de cantons, nous sommes passés de 63 à 33 cantons, mais comme il y a 2 élus par cantons, nous avons 66 conseillers départementaux au lieu de 63. C’est un système qui est plutôt intelligent car il a, de fait, généré une parité obligatoire dans un mode de scrutin.
C’est un mode de représentation assez moderne et le fait que les conseillers départementaux soient renouvelés tous les 6 ans crée forcément une majorité politique, quelle qu’elle soit, puisque le président est élu pour 6 ans.
Jean-Luc Gleyze bénéficiait jusqu’alors d’une majorité tout à fait satisfaisante qui était de l’ordre de 41 sièges sur 66. Ce serait donc vraiment très surprenant qu’il rencontre des difficultés politiques, surtout qu’il a la « chance » d’avoir une opposition très fractionnée. 

« Jean-Luc Gleyze est positionné pour faire une synthèse à gauche

@! : Vous évoquez le fractionnement de l’opposition… Selon vous, cette élection est-elle encore une bataille gauche/droite ? 

J.P. : La droite n’est pas unie et EELV ne vont pas vraiment avoir l’occasion de challenger la gauche puisque dans les cantons où ils se présentent seuls, ils n’ont à mon sens pas beaucoup de chance. Compte tenu de sa division et en supposant que le Rassemblement national rassemble une partie des voix dans les cantons Nord-Gironde (Blayais, Coutras, Médoc…), la droite dite « traditionnelle » devrait être plutôt chahutée. Cela devrait plutôt profiter à la majorité départementale sortante. 

 

@! : Comment tout cela peut se traduire dans l’assemblée ?

J.P. : Je pense que Jean-Luc Gleyze va réussir à obtenir entre 45 et 47 sièges. Un score sensiblement comparable à celui d’aujourd’hui mais avec une légère augmentation. Jean-Luc Gleyze aura peut-être l’opportunité d’avoir une majorité homogène, soit 34 sièges sur 66 purement socialistes. Cela donnerait au PS une majorité hégémonique, sans véritable besoin de ses alliés. Ceci dit, les opinions politiques de Jean-Luc Gleyze sont clairement marquées à gauche. Il est un des promoteurs nationaux du revenu de base et s’est opposé, à titre personnel, à la Ligne à Grande Vitesse. D’une certaine façon, Jean-Luc Gleyze est positionné pour faire une synthèse à gauche, ce qui n’est pas le cas d’Alain Rousset à la Région. Il n’aura peut-être même pas besoin d’avoir une majorité socialiste étant quelqu’un qui préférera, je pense, avoir des positions politiques consensuelles sur une majorité de gauche qui a plusieurs couleurs.

 

@! : Quels sont, selon vous, les cantons à forts enjeux ou qui peuvent créer la surprise ?

J.P. : Il sera intéressant de regarder le quartier Bordeaux Maritime, c’est-à-dire Bacalan, Bassins à Flots… Traditionnellement, c’est un quartier dans lequel la gauche est forte. Cependant, Philippe Dorthe, actuel conseiller départemental du canton, ne se représente pas et face au candidat de gauche se trouve Pierre De Gaëtan Njikam, qui a été un des piliers de la majorité d’Alain Juppé. Je pense que la gauche va tout de même l’emporter, mais la droite pourrait créer un peu la surprise.
Il y a ensuite un canton dans lequel les choses sont assez ouvertes, canton tenu jusqu’à maintenant par Matthieu Rouveyre et Clara Azevedo. Le titulaire principal, le plus ancien, Matthieu Rouveyre ne se représente pas. Il y a donc un combat, ou du moins une concurrence à droite, car c’est un canton qui couvre aussi bien le quartier de la Victoire que celui de Nansouty, qui sont des zones bien distinctes.
Dernier canton, celui de Bordeaux-5, dans lequel une fois encore, les titulaires ne se représentent pas. C’est un canton qui est à cheval sur deux zones : La Bastide, Bordeaux rive droite, et le quartier de la gare, Bordeaux rive gauche, ce qui peut rendre les choses un peu instables. Les choses peuvent bouger dans un sens ou dans un autre notamment du fait que les élus ne se représentent pas, ce qui implique toujours une forme de perturbation dans les successions.
Si instabilité il doit y avoir, elle sera plutôt à Bordeaux qu’en zone rurale. En zone rurale, je pense que la stabilité est presque beaucoup plus mécanique.Ce sont des conseillers départementaux qui ont déjà des réseaux de maires, maires qui dans les petites communes sont des prescripteurs et font campagne ou pas pour les candidats qu’ils estiment les plus aptes à défendre les intérêts du canton.

  

Jean Petaux et Jean-Luc Gleyze, président du Conseil départemental, ont publié en septembre dernier, aux éditions le Bord de L’eau, un livre d’entretiens « Être girondin, la démocratie du quotidien ».
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