Finances publiques : Dominique Bussereau espère « l’effet de rattrapage » de la reprise


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Publication PUBLIÉ LE 16/04/2020 PAR Anne-Lise Durif

@qui ! : Comment les Départements de France se sont mobilisés dans cette crise ?

D.B. : « – Ca c’est fait de manière coordonnée. Les instances de l’ADF se réunissent régulièrement par visioconférence depuis le début pour harmoniser nos participations à la gestion de la crise, et pour venir en aide aux départements qui ont été les plus touchés comme le Rhin, le Bas Rhin, la Moselle, l’Oise ou encore La Seine-Saint-Denis. L’idée est de s’entraider entre collectivités. Avec les autres associations d’élus (maires et régions, NDLR) nous avons également des réunions en viso-conférence avec les ministres, de Blanquer à Castaner. Au niveau de la Nouvelle-Aquitaine, nous avons des rendez-vous deux fois par semaine avec Alain Rousset et les douze présidents de Départements. Nous avons à la fois nos missions traditionnelles à continuer à prendre en charge (EHPAD, petite enfance, handicap, mineurs non accompagnés, etc.), plus toutes les missions supplémentaires liées à la crise : l’achat de masques et leur distribution ; monter des cellules de crise, notamment pour continuer à assurer les services du Département malgré leur fermeture physique et permettre l’accès à internet. En Charente-Maririme, c’est une gestion de crise à laquelle nous sommes habitués puisque nous l’avions déjà vécu et mise en place lors de Xynthia et de la tempête de 1999. »

@qui! : La semaine dernière dans une allocution, le président de la Charente François Bonneau estimait une perte de 25% de recettes pour son Département. Avez-vous une estimation globale chiffrant les pertes à venir des Départements ?

D.B : « – Non, pas encore. Pour l’instant, on a d’excellents chiffres sur mars parce que c’est le résultat des transactions de janvier mais on verra en avril si on a le premier effet du ralentissement. Si ce dernier doit survenir, ce sera cet été. Il y aura très certainement aussi un effet « rattrapage » lié aux transactions [immobilières] qui sont actuellement bloquées par la fermeture des études de notaires et des agences immobilières qui pourront se rattraper. Il y a aura forcément une perte sèche mais tout dépendra de l’incidence de cet effet de rattrapage après la crise, où l’immobilier peut apparaître comme une valeur refuge. »  

@qui: Comment les Départements font face aux dépenses exceptionnelles liées à cette crise ?

D.B. : « – Les dépenses non habituelles concernent essentiellement des achats de masques, de blouses, sur-blouses, charlottes, etc. L’ADF, les associations de maires et des régions avons conjointement demandé à l’Etat que nous puissions les sortir des dépenses de fonctionnement pour les mettre en dépenses d’investissement, ainsi qu’un certain nombre d’achats que nous faisons pour gérer la crise. Nous avons également  obtenu la levée de l’encadrement des dépenses à 1,2% qui bloquait nos dépenses de fonctionnement, car elles vont forcément augmenter. Après, il y a des questions à moyen et long terme qu’il faudra résoudre comme l’avenir de nos ressources.  Il y a tellement de secteurs sur lesquels on va nous demander d’intervenir ! On nous demande et on va nous demander de venir aider les entreprises, parfois au-delà de nos compétences légales. Nous aurons aussi beaucoup de choses à faire en faveur des systèmes éducatif, sanitaire et social. On aura très certainement des jeunes qui vont se retrouver en échec scolaire à la fin de l’année et qui devrons redoubler, ce  qui veut dire qu’il y aura peut-être des effectifs supplémentaires à prendre en compte dans les collèges. Concernant les dépenses supplémentaires, nous aurons aussi à renégocier avec l’Etat de ce qu’il nous doit sur le RSA, car il y a des gens qui vont se retrouver au chômage et notre prise en charge sur ce point va augmenter. Sans compter les primes exceptionnelles que nous attribuerons aux personnels qui ont continué à travailler dans les conditions difficiles aux services des personnes âgées, de l’enfance, du handicap… C’est une chose que je compte proposer à mes collègues du département de Charente-Maritime. Ce sera là aussi des charges supplémentaires, même si nous les voterons de grand cœur.

Mais si nous avons une forte diminution de nos ressources entre la fin de l’année et l’an prochain, on ne pourra pas faire face. Donc il faut que l’on travaille avec l’Etat sur l’ensemble de nos ressources. Nous sommes en train d’y réfléchir avec les autres associations d’élus et les commissions de l’Assemblée et du Sénat, mais les négociations avec le gouvernement ne commenceront qu’une fois la crise terminée. »

@qui! : Qu’attendez-vous de l’Etat ?

D.B : « – A partir de 2021, on devait nous supprimer comme revenu la part de foncier bâti issu des impôts locaux, contre une reversion d’une part de TVA.  Donc nous attendons que l’Etat abroge cette disposition. Il faut voir comment on pourrait compenser par différentes réserves. Les droits de mutation vont manquer à nos budgets, en sachant qu’ils nous servaient aussi à faire une péréquation d’1,3 milliard entre les Départements les plus à l’aise et ceux qui étaient en difficultés financières, car très ruraux ou avec des bassins de vie très pauvres. Avec les trois associations d’élus, on y travaille avec les trois présidents des commissions des finances et avec les rapporteurs des différentes commissions de l’Assemblée et du Sénat. On rentrera dans le vif du sujet à partir de la mi-mai. »

@qui!: – Pour compenser les pertes de recettes, qu’envisagez-vous au niveau de la Charente-Maritime ? Allons-nous vers une augmentation des impôts ?

D.B : « -Personnellement, je suis contre l’augmentation des impôts car la fiscalité dans notre pays, que ce soit en local ou au niveau national, est déjà à un haut niveau par rapport à nos partenaires européens. Donc il faudra tout faire pour éviter son augmentation car on aura besoin d’une reprise de la consommation, ce qui ne sera pas possible si on ponctionne les ménages. »   

@qui! : Plusieurs Départements, dont cinq de l’ex-Aquitaine, se disent favorables à l’instauration d’un revenu universel. Qu’en pensez-vous ?

D.B. : « – C’est une proposition des Départements de gauche, que le président de la Gironde Jean-Luc Gleyze nous a exposée plusieurs fois à l’ADF, et qu’ils portent vers l’Etat, mais n’est pas portée par les autres départements. Je leur souhaite bon vent mais je ne sais pas le sort que lui réserve le gouvernement. A titre personnel, je n’y suis pas favorable car je pense que ça peut déresponsabiliser un certain nombre de gens, notamment parmi les plus jeunes, en ne leur donnant pas forcément l’envie de chercher un travail. Mais je n’y suis pas d’une hostilité farouche. »

@qui! : Même comme solution temporaire, pour sortir de la crise ?

D.B. : « – Il y a tellement de dispositifs temporaires à mettre en place, en particulier vis-à-vis de ceux qui vont perdre leur emplois dans les semaines et les mois à venir, que ça ne me semble pas la première urgence. »

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