Entre les lignes : Juppé de Bordeaux


Nicolas César
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Temps de lecture 3 min

Publication PUBLIÉ LE 21/07/2016 PAR Joël AUBERT

Bordeaux ne s’est pas, pour autant, donnée à ce fils d’agriculteur landais, premier de la classe, au palmarès universitaire d’exception, sans lui rappeler qu’elle se mérite. Il lui aura même fallu attendre l’élection municipale triomphale de 2014 pour toucher à cette manière de reconnaissance absolue qui fait le bonheur d’un maire, cet élu, le seul qui résiste encore le plus souvent au déclassement des politiques.

La ville, on aurait pu l’oublier, mais Bernard Broustet nous le rappelle sans précaution, n’hésita pas à aller jusqu’à faire défaut à Alain Juppé lorsque, rentrant de son exil canadien, marqué par l’intérim sans fautes d’Hugues Martin, et retrouvant son fauteuil de maire, il n’eût de cesse que de regagner le siège de député de la seconde circonscription de la Gironde, en 2007, sans toutefois y parvenir, étant battu par Michèle Delaunay.

Cet échec, dans une ville qui peut voter à gauche, sans jamais se donner un maire du même bord, ne détourna pas, pour autant, Alain Juppé de l’obligation de créer les conditions d’une nouvelle dynamique. Il le fît, avec d’autant plus d’empressement, qu’il était épaulé par les milieux économiques, la Chambre de commerce et d’industrie et ses dirigeants en première ligne. Et, là, Juppé en surprendra plus d’un quand ses adversaires tentaient de le prendre en défaut de connaissance du terrain, au prétexte qu’il entendait mener de pair la mairie et une carrière nationale. Il avait pris le temps de connaître sa ville et l’état de ses quartiers.

Il comprit vite que l’avenir, le destin de Bordeaux, d’une ville centre qui n’avait cessé de perdre des habitants, était inséparable de celui de l’agglomération, de la Communauté urbaine. Le radicalisme de Chaban avait toujours fait bon ménage avec les héritiers de la SFIO. Alain Juppé n’eût guère de mal à épouser la pratique de la cogestion et, aujourd’hui qu’il préside aux destinées des 28 communes de la Métropole, il sait cultiver cet héritage. Il lui fut bien précieux lorsqu’il s’était agi, après l’interminable feuilleton du métro, de choisir le tramway pour desservir l’agglomération. Un tramway de la dernière génération dont la mise en route ne fut pas exempte de problèmes, mais qui contribua à redonner à la politique des transports une efficacité perdue, en confirmant le renouveau entrepris. Ne demandez pas, aujourd’hui, aux maires des communes de la rive droite ce qu’ils pensent de l’arrivée du tramway chez eux, également voulue par le maire de Bordeaux : elle a joué un rôle de premier plan dans la réussite la politique de rénovation urbaine des Bassens, Cenon, Lormont et Floirac. Bien sûr, la CUB en charge des transports, et Vincent Feltesse alors président ne manque pas de le rappeler, n’a pas été pour rien dans cette nouvelle donne ; il n’en demeure pas moins que le maire de Bordeaux a su, quand il le fallait, tenir le cap.

Dans le bilan que retrace Bernard Broustet, le grand chantier de l’aménagement des quais tient une place, évidemment très particulière, car son succès est sans aucun doute une manière d’emblème. Non seulement les Bordelais se sont réapproprié cet espace tombé en déshérence et la Garonne, mais il participe, désormais, de l’attractivité de la ville, classée au patrimoine mondial.

Ce « Juppé de Bordeaux » a le mérite de retracer cette vingtaine d’années qui ont changé le cours d’une riche histoire ; il donne à voir, aussi, quelques éclosions parfois surprenantes dans cette ville si longtemps montrée du doigt, à cause de la superbe du négoce, par exemple la naissance de Darwin et de ce lieu phare de la nouvelle culture de l’économie ; il n’élude pas les débats, très vifs, liés aux dernières grandes réalisations de la ville, à commencer par celui du Grand Stade… Il entrouvre, aussi, la porte d’une possible succession qui est devenue source de tension depuis que le maire a cru bon d’adouber Virginie Calmels, au cas où il parviendrait à gagner cette bataille pour l’Élysée qu’il a lancée, en prenant tout le monde à contrepied, annonçant sa candidature aux primaires, en ce mois d’août 2014. Tel quel, il éclaire aussi sur le rôle assurément essentiel que l’ancrage bordelais a joué dans l’évolution de la personnalité de celui que les Français se sont mis à reconnaître comme leur possible président.

Juppé de Bordeaux, Conquête et métamorphoses, éditions Sud Ouest, 17,90 € – www.editions-sudouest.com

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