Entretien: Nicolas Thierry, Vice-Président du Conseil Régional: la Biodiversité, ma priorité absolue


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Temps de lecture 5 min

Publication PUBLIÉ LE 20/06/2016 PAR Joël Aubert et Romain Béteille

Biodiversité : les 80 % dont on ne parle jamaisPourquoi la Biodiversité est-elle ma priorité absolue ? Parce que la politique ce n’est pas quelque chose d’hors-sol. Il existe autour de cette question un constat scientifique qui fait consensus et est très alarmant. Les scientifiques nous disent que nous vivons la « sixième extinction de masse » en terme d’espèces vivantes. Ça n’arrive pas tous les jours… puisque la dernière, la cinquième, a eu lieu il y a 65 millions d’années. Mais pour être concret, le rythme de disparition des espèces, aujourd’hui, est de 100 à 300 fois plus rapide que le taux naturel d’extinction attendu. Contrairement au climat où l’on peut imaginer des évolutions jusqu’à la fin du siècle, il existe des scénarios extrêmement violents sur l’impact que ces disparitions peuvent avoir, à l’horizon 2025-2030 aussi bien sur l’industrie, l’agriculture, la santé, l’eau. Paradoxalement c’est un sujet qui est traité comme pouvait l’être le climat dans les années 70, c’est à dire ne pas être dans le spectre des décideurs. C’est pourquoi j’en fais une priorité.

Il y a une donnée très importante dont on ne parle jamais : 80 % de la Biodiversité se situe dans les 30 premiers centimètres sous la surface du sol. Donc on ne peut pas parler biodiversité si on ne parle pas d’agriculture. Aujourd’hui, de plus en plus d’agriculteurs se rendent compte qu’ils ne peuvent pas continuer à stériliser leurs sols.

Mutualiser les pratiquesComment, selon quelles méthodes, alors, faire évoluer les pratiques ? Faut-il casser le modèle ? Pas du tout et ça, c’est important : l’attitude que j’essaie d’adopter, aussi bien avec la LPO, la Ligue de Protection des Oiseaux, que les chasseurs ou le syndicat agricole majoritaire par exemple, c’est de ne pas opposer ; il faut avancer en mettant tout le monde autour d’une table, en mutualisant les pratiques, les bonnes pratiques.

Je m’applique à être derrière et en soutien de tous les acteurs sur le terrain qui essaient de travailler contre l’érosion du vivant. Qaund je dis les acteurs ce ne sont pas les associations seules, les ONG, mais aussi tous les entrepreneurs qui cherchent des modèles économiques durables et essaient de concilier économie et environnement, qui imaginent pouvoir créer de la valeur sans détruire les écosystèmes. C’est, à Bordeaux, ce que fait Darwin et les entreprises qui gravitent autour. Dans la grande région, il existe une multitude de projets ; je pense à cette entreprise M2i Life Sciences qui travaille sur les phéromones pour se passer des pesticides. Nous avons des entreprises qui travaillent très bien sur la végétalisation des toitures ; nous soutenons également les conservatoires qui sanctuarisent la diversité génétique aussi bien des plantes que des races animales.

Les institutions ont pris du retardLes institutions ont du retard par rapport au terrain, au nombre considérable d’acteurs qui sont engagés dans une transition et essaient d’inventer le monde d’après ; elles ont du mal à savoir comment les intégrer, « dans quelle case ». Aujourd’hui, malheureusement, la politique et je le regrette, devrait ouvrir des voies, le champ des possibles, défricher, montrer un horizon. Ce n’est pas le cas. La majorité de la classe politique se situe en accompagnement. Je m’évertue au quotidien de donner de l’horizon, un peu plus de voix à ce que l’on nomme « les signaux faibles ». Le travail d’un élu, en tout cas, celui de ma vice-présidence, c’est de relier tout cela, d’orienter les financements publics qui permettent à tous ces artisans du monde d’après de changer d’échelle.

Carte blancheOui, j’ai carte blanche d’Alain Rousset, je ne suis pas du tout freiné dans la manière d’aborder les dossiers. Comme tous les vice-présidents, j’ai des contraintes budgétaires. Je le répète ; pour réussir, il faut parler à tout le monde, accepter qu’il y ait des résistances et que parfois les projets soient décalés. Mais, sur le fond, après six mois de mandat je n’ai pas de blocage ; certes nous avons des contraintes budgétaires avec la dotation de l’État en baisse, en année pleine, de 42 millions d’euros. La vraie difficulté c’est de travailler en transversalité, il faudrait que la biodiversité soit étroitement liée à l’agriculture ; je discute avec les services de l’agriculture, mes collègues en charge de l’agriculture, mais avec la meilleure volonté du monde il est difficile de sortir de la logique de silo. C’est l’obstacle le plus important, non par manque de volonté, mais, pour s’assurer d’une convergence au moins technique, cela demande une énergie folle

Environnement : les Parcs Régionaux comme relaisMa responsabilité, outre la Biodiversité, couvre plusieurs thématiques, aussi bien le patrimoine naturel, le littoral, l’éducation à l’environnement, la qualité de l’eau, la gestion et la planification des déchets qui incombe, désormais, à la Région depuis la loi NOTRe.

Le Patrimoine naturel c’est un très gros dossier. Songez que la grande région a quatre parcs naturels régionaux : Le Parc de Millevaches, celui des Landes de Gascogne, du Périgord-Limousin, du Marais Poitevin. Et bientôt un cinquième, en 2018, en Médoc. Cela couvre 14% du territoire de la grande région. Ils représentent un vrai outil sur lequel nous sommes en train de travailler. Avec Alain Rousset nous avons réuni l’ensemble des présidents de parcs pour repenser les relations que nous pouvons avoir avec eux. Un Parc naturel régional n’est pas un sanctuaire comme un Parc National, mais un endroit où on essaie de concilier développement économique et préservation de l’environnement. Nous leur proposons d’être, justement, des territoires d’expérimentation, le premier relais des politiques régionales. Prenons l’exemple du Périgord-Limousin, Alain Rouset en parle souvent : c’est le parc qui a fait émerger la filière cuir parce qu’il a mis les acteurs autour de la table, les a identifiés, a montré qu’il y avait un lien à créer entre les artisans et les agriculteurs. Nous allons nous appuyer sur les Parcs pour développer des politiques écocentrées, c’est-à-dire comment créer de la valeur sans détruire.

Les déchets auront un schéma régionalSur la question de la gestion des déchets, la Région ne disposait que d’une compétence sur les déchets dangereux, les départements un schéma des déchets du BTP et des déchets domestiques non dangereux. La Loi NOTRe a décidé de tout fusionner et a dit aux Régions : vous créez un seul et unique schéma, dans lequel vous entrez les déchets dangereux et les autres. Cela veut dire qu’en 2017 nous devrons fusionner 27 anciens schémas …. et y ajouter un volet économie circulaire.
Pour cela la Région va entreprendre une concertation qui aura lieu à partir de septembre et jusqu’en décembre-janvier. Nous avons choisi de faire de l’économie circulaire une nouvelle stratégie. Il y a là, en effet, un enjeu très stratégique. Nous allons identifier les gisements de déchets qui peuvent exister dans tel ou tel département et parfois peuvent servir de matières premières pour telle ou telle entreprise. Une plateforme numérique RECITA vient d’être lancée et les entrepreneurs s’y identifient. Au sein du Schéma Régional de Développement, il existe un groupe de travail spécifique à l’économie circulaire; c’est une très bonne nouvelle.

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