Fibre en Gironde : c’est signé


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Temps de lecture 6 min

Publication PUBLIÉ LE 01/06/2018 PAR Romain Béteille

Contrat de confiants

L’affaire a été conclue en grande pompe (avec morceau de fibre en guise de ruban de rigueur) en janvier dernier : Orange a donc été choisi par le département de la Gironde dans ce qui constitue le plus grand chantier départemental de France : le déploiement du très haut débit sur 9375 kilomètres carrés, soit la quasi-totalité de la surface du département (10 725 kimomètres carrés). 28 800 kilomètres de câbles qui se sont donnés jusqu’en 2023 pour équiper plus de 410 000 foyers, entreprises, services publics et collectivités. Ce vendredi 1er juin, au sein de la technopole de Martillac, la Délégation de Service Public liant Orange au département a donc été signée officiellement, ce qui engage le groupe à tenir les délais conclus dans l’appel d’offre remporté en début d’année. C’est le nouveau moyen qu’ont trouvé les collectivités pour faire venir des opérateurs, auparavant frileux si ce n’est taiseux, dans des territoires plus reculés au potentiel commercial moindre que Bordeaux Métropole ou Libourne, par exemple, territoires au sein desquels Orange assure un déploiement complet en fonds propres. Pour les plus petites communes, en revanche, pas de miracle : il a fallu plus de deux ans d’âpres négociations pour aboutir à « un contrat par lequel on mandate la société Orange pour se charger du déploiement de la fibre optique qui constituera un réseau public. En fait, Orange est notre prestataire pour créer ce réseau qui sera ensuite vendu aux fournisseurs d’accès à internet », a confié Matthieu Rouveyre (PS), vice-président du Conseil Départemental chargé notamment de l’accès au numérique.

Levée de fonds

La perfusion d’argent public a été nécessaire, mais elle a visiblement été réduite à sa portion la plus congrue. « C’est un gros projet de 669 millions d’euros, on a donc mis en concurrence les candidats pour faire baisser ce montant et surtout faire baisser la subvention publique. « Il faut quand même rappeler qu’il y a 115 millions d’euros d’argent public (dont une partie financée par l’État qui pourrait être fixée à 53 millions), ce qui est très bas d’autant qu’en plus on se rattrapera sur la durée de la DSP en faisant des économies en raccordant à moindres coûts les sites publics. In fine, on aura un réseau dont la valeur sera de 669 millions d’euros mais qui n’aura pas coûté grand chose au public. Le reste du financement, c’est la commercialisation du réseau et la location aux fournisseurs d’accès, qui vont financer le reste du plan ». La particularité de cette opération, c’est aussi son schéma économique : le fait qu’un réseau public se fasse financer par le privé, c’est un coup de poker relativement osé, d’autant que certains opérateurs ne se gènent pas pour occuper des territoires avant même que d’éventuelles DSP soient signées (exemple à Martignas en janvier).

D’autant que pour que le contrat soit passé en bonne et due forme entre l’opérateur et les collectivités, il faut que les premiers acceptent les clauses des secondes. « Il fallait aussi prévoir un certain nombre d’obligations à la charge du délégataire pour être certains de tenir dans les délais, notamment des pénalités ». Autres particularités sur laquelle le département de la Gironde a insisté : le dévoiement de plus de 8 millions d’euros consacrés à la « lutte contre l’exclusion numérique ». « Ces montants permettront par exemple, à des personnes âgées ou en situation de précarité d’accéder aux nouvelles technologies, ou d’expérimenter de nouveaux usages liés à internet », précise d’ailleurs le département. Enfin, le dernier enjeu est technique : « pouvoir amener la fibre jusque dans des secteurs isolés qui sont parfois à plusieurs kilomètres des bourgs. On a tenu à ce que ces zones soient couvertes, ce qui n’était pas convenu dans les premières propositions. Pour parler très technique, il était question de savoir si on prenait de la fibre passive ou activée. Ça a des conséquences très directes : dans le premier cas, il faut que les fournisseurs d’accès amènent leur propre équipement qui peut être très cher et ça peut être rebutant pour les plus petits; dans le second l’investissement chez les fournisseurs d’accès alternatifs est moindre. C’est ce qu’on a préféré pour permettre une vraie concurrence ». 

Derniers freins

Une vraie concurrence, vraiment ? « Nous, on signe avec le Orange qui construit le réseau. Le fournisseur d’accès, lui, sera en concurrence avec SFR, Bouygues et les autres. Mais il y a une vraie étanchéïté entre les deux, ce qui fait que c’est sûrement le réseau qui va amener un appel d’air et amener les concurrents à se positionner, c’est le réseau public qui va avoir ce rôle ». On peut en tout cas légitimement se demander si le prix de la fibre pour les habitants des communes rurales sera, au final, du même montant que la facture d’un habitant de la métropole bordelaise, d’autant que les épines économiques et le coût de la fibre en hausse de 20% en un an selon l’Idate (qui pourrait encore grimper si le projet de taxe est réellement adopté…) , met un peu plus la pression sur les opérateurs. Pour Laurence Harribey, sénatrice socialiste de Gironde et ex-maire de Noaillan (environ 1700 habitants), même si Orange était tenté de « tirer la couverture », « il y a une autorité de la concurrence, ça m’étonnerait qu’on aille vers un monopole total d’autant plus qu’Orange n’est pas si présent que ça sur la totalité du territoire ». « Le prix, c’est le même pour tout le monde », a rajouté Matthieu Rouveyre, « il n’y a pas de raison de discriminer les gens sur le prix de l’abonnement. De toute façon, ça ne change rien et puis ce serait illégal de proposer des abonnements à des prix distincts entre Bordeaux et Saint-Ciers Sur Gironde ».

Si, sur le prix, l’autorité de la concurrence pourrait très bien servir de gendarme, les données de l’Arcep concernant le taux de mutualisation de la fibre (FttH) en zone d’initiative publique (comem c’est le cas pour la Gironde), selon des données publiées en mars, restent plutôt bas : « seulement 24% des lignes y sont desservies par au moins deux opérateurs présents (via la mutualisation passive), contre 72% en moyenne nationale. Une situation à rapprocher du taux d’adoption plus faible observé en zone rurale (0,3 million d’abonnés sur 1,2 million de lignes éligibles) », précisait l’Arcep dans la même étude, tout en prédisant que la multiplication des futurs accords entre opérateurs pourrait inverser la tendance au fur et à mesure de l’accélération du déploiement. Globalement, les derniers indices de prix publiés en mai 2018 tendent à rassurer sur cette volonté d’offre groupée. 

Destination : mars

Après vous avoir dit comment la fibre allait se déployer et combien (à quelques euros près, le montant de toutes les subventions publiques n’étant pas encore défini) elle allait coûter aux collectivités et aux usagers si la volonté de la DSP départementale est respectée, un dernier détail restait à aborder : les délais. On le sait, Orange s’est fixé jusqu’en 2023 pour raccorder l’ensemble des 410 000 foyers girondins au très haut débit. En fait, le chantier a déjà commencé selon le Vice-Président du Conseil Départemental. « Orange a travaillé en temps masqué en effectuant des signatures et des relevés de boîtes aux lettres. Aujourd’hui, il y a sept grands territoires de chantier qui ont été définis, on les lance partout en même temps parce qu’on ne voulait pas qu’un territoire soit favorisé par rapport à d’autres. Cela dit, il y aura quand même des échéances différentes dans les livraisons parce qu’il y a près de 30 000 kilomètres de réseau à construire. Les vrais travaux vont commencer cet été, vont s’intensifier à la fin de l’année et on aura les premières plaques au début de l’année 2019. On estime que les premier foyers pourront acheter un abonnement en mars de la même année ».

Orange, de son côté, n’accélère pas la cadence qu’en Gironde. « Ce qui est fait en Gironde permet aussi à la Région de jouer son rôle d’aménageur public sur des départements qui n’ont pas forcément les mêmes capacités d’attractivité par rapport à Orange. Çe modèle de DSP a été adopté dans trois départements en Nouvelle Aquitaine : la Gironde, la Charente-Maritime (Orange a été désigné comme délégataire dans une DSP en janvier pour équiper 270 000 logements pour un peu moins de 400 millions d’euros dont 115 millions d’argent public) et les Pyrénées Atlantiques (l’appel d’offre est en cours). Comme par hasard, ça correspond à des départements de forte attractivité démographique et économique, et la Région jouera son rôle d’aménageur public sur les autres départements. On n’aurait pas pu le faire sur la totalité », a ainsi détaillé Laurence Harribey. Un appel d’offre est également en cours pour la Vienne et les Deux-Sèvres (via un SDAN, Schéma Directeur d’Aménagement du Numérique), tandis que d’autres départements ont choisi le modèle du réseau d’initiative publique (ou RIP pour les intimes), prévu pour équiper 456 000 foyers à l’horizon 2022. À chacun son poteau, pourvu que les câble se raccordent…

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