Fibre : la Nouvelle Aquitaine met les doigts dans la prise


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Publication PUBLIÉ LE 03/10/2017 PAR Romain Béteille

Ainsi, selon cette enquête parue le 29 septembre, « le meilleur du très haut débit est accessible pour moins de 1% de la pipulation en Creuse ou en Dordogne ». En Charentes, Dordogne et Lot-et-Garonne, plus d’un habitant sur cinq ne serait ainsi éligible qu’à un accès au débit inférieur à 3 Mbit/seconde, alors même que le débit de référence fixé par les autorités françaises pour le très haut débit est dix fois plus élevé. Seule exception : la Gironde, seul département où plus d’un habitant sur deux à accès au fameux très haut débit. Du côté du gouvernement, on en reste toujours aux objectifs fixés par le plan « France très haut débit » (20 milliards d’euros sur six ans et une couverture totale du territoire pour 2022, objectif dont la faisabilité a été contesté par un précédent rapport de la Cour des Comptes et dernièrement par UFC Que Choisir, qui estime que ce dernier ne sera pas atteint avant 2035). 

« Unis pour être efficaces »

Pour les régions et les départements, il s’agit bien évidemment d’un enjeu fort. Ainsi, selon les propos de Vincent Bouyer, directeur régional d’Orange, relayés par Sud Ouest, « 516 000 foyers sont éligibles à la fibre d’Orange en Nouvelle Aquitaine, soit 15% de la population ». Depuis juin 2015, la région Nouvelle Aquitaine a décidé de réagir, en engageant 229 millions d’euros dans la fibre optique jusqu’en 2020. Objectif : déployer un réseau public de 600 000 prises à cette date. Mais le coût de cette opération est bien supérieur : 1,2 milliards d’euros, dont 412 millions provenant de l’État, 85 millions de l’Europe? 170 millions du privé et 229 des départements. Pour assurer cet investissement, la Région compte passer par une société publique locale charhée de commercialiser et d’exploiter, Nouvelle Aquitaine Très Haut Débit.

Le premier conseil d’administration de Nouvelle Aquitaine THD, qui s’est tenu ce mardi, a accueilli deux petits nouveaux. En effet, si le Lot-et-Garonne, les Landes et la Dordogne étaient les trois premiers départements à l’intégrer à sa création, la Creuse (défini comme un mauvais élève par l’enquête d’UFC), la Corrèze, la Haute-Vienne et la Charente ont rejoint les rangs. Ces sept départements sont désormais réunis et regroupés au sein de cinq syndicats mixtes numériques (Charente Numérique, Syndicat d’Equipement des Communes des Landes, DORSAL Limousin, Lot-et-Garonne Numérique et Périgord Numérique). Le but de ce regroupement ? Que tout le monde puisse profiter du réseau de fibre optique en propriété publique, pour en maîtriser le rythme de déploiement. Le message est clair : les opérateurs privés ne vont pas assez vites, voici comment on accélère. Pour Mathieu Hazouard, président de Nouvelle-Aquitaine THD, ce fonctionnement est avant tout une necessité. « Ca m’ennuie quand on a des opérateurs qui viennent brouiller les cartes. Nous savons avec l’expérience qu’ils n’iront jamais s’occuper des gens les plus éloignés dont le coût à la prise est le plus élevé, par rapport à leur modèle économique », a-t-il dénoncé ce mardi en présence des différents représentants des départements affiliés. « Si, il y a six ans, tous les opérateurs privés s’étaient partagés la France et avaient déployé partout, même dans les zones les plus rurales, j’aurai évidemment signé… Aujourd’hui, notre action c’est d’aller là où il y a carence du privé ».

Un modèle « plus vertueux » ?

Mais alors, en quoi cette société publique locale compte peser dans la balance des négociations avec les opérateurs privés ? D’abord, selon Mathieu Hazouard, le fait que ses actionnaires soient publics est plus un avantage qu’un inconvénient. « Ces actionnaires ont confié la commercialisation à la SPL qui va donc se retourner vers les opérateurs pour que ce dernier nous paye des frais de location pour installer son bouquet. L’objet de la SPL n’est pas d’avoir un bénéfice, cet argent sera donc reversé aux syndicats mixtes départementaux. C’est le principal avantage de ce montage : dans d’autres mécanismes, on donne tout au privé mais il n’y a pas de retour direct pour la puissance publique. Avec cet argent, les actionnaires vont pouvoir continuer à déployer de la fibre optique sur l’ensemble du département où améliorer la desserte numérique. Sans compter qu’ils gagnent en moyenne un an sur le délai de raccordement… ». Si parmi ces départements, la Corrèze à, par exemple, décidé de mener une politique de déploiement 100% fibre, d’autres lui ont préféré la montée en débit via le réseau ADSL. « Les les indicateurs relatifs au débit peuvent donc être différents mais on sait que, de toute façon, à échéance plus ou moins longue, le débit sera limité avec ce système », continue Mathieu Hazouard. 

Pour autant, Nouvelle Aquitaine THD, s’il a su regrouper ces sept départements, n’a plus vraiment d’autres marges de manoeuvres pour en attirer d’autres. « Le périmètre est quasiment figé : la Gironde et les Pyrénées Atlantiques ont lancé une DSP (délégation service public). Il y a peut-être des choses à la marge, mais on part sur cette configuration là d’environ 600 000 prises qui est intéressante pour exister dans la discussion avec les opérateurs ». Exister dans la discussion, c’est bien là l’objectif principal. C’est pour ce même objectif que l’UFC-Que Choisir a demandé à l’Autorité de régulation des télécoms (Arcep) et au gouvernement de ne pas augmenter les tarifs sur ces fameux réseaux ADSL, acte qu’auraient déjà prévu les opérateurs (dont Orange qui détient environ 70% du réseau) dans le but d’accélérer la migration de leurs clients vers la fibre. Pour Nouvelle-Aquitaine THD, le calendrier est déjà fixé, du moins pour ce qui est des prévisions. Pour la Creuse par exemple, le message à faire passer est lui aussi très clair : « les élus ont pris le dossier en main ». Ainsi, pour ce département, on parle de 28 000 prises raccordées d’ici 2021, et de 40 000 de plus dans les années suivantes.

Ces départements sont conscients du coût d’un tel déploiement (par ailleurs supérieur dans les zones rurales, où le génie civil représente entre 70 et 80% du coût total de déploiement selon l’Arcep), d’où leur regroupement et leur volonté d’être le « premier réseau d’initiative publique à devenir rentable ». Si les premiers marchés devraient être signées à la fin de l’année 2017, pour que les habitants de ces sept départements bénéficient de la fibre à la maison, il faudra encore attendre. Certes, la phase de conception va se déployer dans le courant de l’été 2018, mais la commercialisation des prises, elles, ne devrait pas voir le jour avant début 2019. « On s’est projetés à cette échéance là, mais ça ne sera que le début », précise Mathieu Hazouard. « On va avoir des phases expérimentales sur l’ex région du Limousin, dans la Haute-Vienne et les Landes. C’est sur ces territoires là que les premières prises vont être livrées et on aura, à partir du deuxième semestre 2018, des prises livrées dans les sept départements représentés ». En attendant, selon l’Arcep, la migration vers le très haut débit se poursuit en France : au 30 juin 2017, on comptait 1,4 millons d’abonnements supplémentaires sur un an, contre 1,2 millions un an plus tôt. « Le déploiement de la fibre s’amplifie : +37% en un an, avec près de 2,5 millions de prises, et +706 000 prises ce trimestre (+9%) », précisent les données de son dernier Observatoire.

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