François Hollande passe son oral bordelais


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Temps de lecture 7 min

Publication PUBLIÉ LE 01/12/2017 PAR Romain Béteille

Le lendemain d’une réception en grande pompe auprès des élus de Poitiers, François Hollande a donc répondu à l’invitation des Tribunes de la Presse dont la septième édition a pour thème « Un monde en pleine (r)évolution ». Une heure trente quasiment montre en main d’un entretien très cadré ont suffi pour aborder quatre grands thèmes (écologie, économie, culture et défense) tournant tous autour du fil rouge de la mondialisation. S’il a été récompensé très récemment par le « grand prix de l’humour politique »(succédant ainsi à… Bruno Le Maire !), l’ancien Président s’est davantage fait remarquer par une rétrospective assez flatteuse, certainement beaucoup moins que les dessins de Urbz et Large, diffusés en fond. Malgré tout, voici ce que l’on a pu retenir de cet entretien.

Sur la Défense et le terrorisme

« Il faut réunir trois conditions pour être capables de renforcer la France : faire un effort sur la défense, consacrer des ressources pour la protection du pays, de l’Europe et de l’extérieur et avoir une culture qui puisse être présente partout (…) dans la mondialisation (…) Si le terrorisme existe, s’il y a cette menace du fondamentalisme, c’est à l’extérieur qu’il peut se nourrir mais aussi à l’intérieur qu’il peut prospérer ». À la question de la place de la France dans une « Europe de la défense », François Hollande temporise plus qu’il ne tranche : »Il y a parfois des mauvaises nouvelles qui peuvent être des opportunités. Avant le Brexit, nous pensions que le Royaume-Uni resterait en Europe autant de temps que nécessaire. Certains pays pensaient que le Royaume Uni, qui consacre beacoup de dépenses pour sa défense (avec 53,8 milliards de dollars, c’est en effet le troisième pays européen en matière de budget défense), était une protection supplémentaire. Voilà qu’il se met de côté malgré la signature des accords bilatéraux (…) Chacun doit prendre conscience de sa vulnérabilité. La France est dans une position de conviction, nous sommes prêts à partager un certain nombre de projets de défense. Nous avons pu, en quelques mois, faire avancer cette idée d’Europe de la défense. Je suggère que ce soit autour de la défense, de la protection des frontières que l’Europe puisse montrer aux citoyens qui doutent qu’elle peut garantir leur sécurité et leur liberté ». 

Réinterrogé sur la politique diplomatique internationale, notamment face à la débandade américaine sur le dossier syrien, il préfère, là encore, parler des victoires. « Bachar El Assad a t’il gagné ? Je dirais plutôt que Daesh a perdu, l’organisation terroriste n’occupe plus qu’une partie très réduite du territoire. La Syrie, en revanche, a été détruite. Pourquoi nous n’avons pas effectué d’intervention après les frappes chimiques ? Parce que la diplomatie a été préférée à l’action de force. Les États-Unis ont considéré qu’il valait mieux avoir des discussions autour du retrait des armes chimiques plutôt que frapper le régime. La France ne pouvait pas agir seule, surtout sans mandat des Nations Unies(…) Les armes, pour l’essentiel, ont été évacuées, ce qui n’a pas empêché qu’elles puissent à nouveau être utilisées. Nous avons quand même considéré que c’était un tournant pour plusieurs années, qui avait conduit la Russie et l’iran à agir directement. Ça a mis la démocratie syrienne dans une position impossible. (…) Nous n’en avons pas terminé avec cette crise; le régime s’oppose à toute négociation véritable. Nous devons convaincre ses protecteurs que la solution ne passe pas par le maintien de Bachar El Assad. Les tensions pourraient aller bien au-delà de la Syrie et faire se confronter chiites et sunnites. Ce sera le grand sujet des prochaines années que d’éviter cet affrontement. 

La politique écologique

La plus grande partie des discussions n’a pas vraiment tourné autour des sujets d’actualité mais plutôt de l’accord sur le climat  signé à Paris par 196 pays membres dont, depuis l’élection de Donald Trump à la Maison Blanche, les Etats-Unis se sont défaussés. « Au moment de la signature, je n’imaginais pas que Trump puisse être élu Président », a confessé François Hollande. « Nous devions aussi prévenir d’éventuelles tentatives de retrait, c’est pourquoi nous avions prévu (avec Laurent Fabius) qu’un pays qui voulait se retirer devait respecter un délai de trois ans nécessaire pour se soustraire à ses obligations. Je n’avais pas prévu que c’était un délai tout à fait politique. (…) Pour autant, il est possible que la question du climat soit un sujet de la prochaine présidentielle américaine et que le prochain Président élu en 2020 décide de rester dans l’accord de Paris ». Si les derniers États généraux de l’alimentation ont jeté plus qu’un gros doute sur l’influence des lobbys, concernant la COP21, l’ancien Président rassure : « Si ce n’était qu’un effet de communication, le Président des États-Unis actuel n’essaierait pas de s’en dégager. Tous les pays doivent concourir. Nous ne pouvons pas simplement regarder l’accord comme une proclamation de bonnes intentions. Chaque pays a produit une liste d’engagements et un objectif. En 2020 aura lieu un rendez-vous qui évaluera ce que les pays ont fait et sont prêts à faire après, mais beaucoup de pays voudront certainement aller plus loin ».

Même chose sur la question du glyphosate, l’une des seules incursions de l’actualité dans le débat. Est ce qu’on peut croire aux institutions ? Accorder sa confiance aux agences européennes qui évaluent le risque sanitaire ? Cette confiance doit être vérifiée à chaque étape. Défendons quand même l’Europe, nous sommes arrivés à un compromis de cinq ans et même si certains ne le jugent pas satisfaisants, nous partons de loin. Bien qu’il y ait une coordination, une obligation européenne(…) chaque fois qu’il y a un progrès il faut le souligner, l’Europe ne nous interdit pas d’aller plus vite si nous le décidons (…) D’une certaine façon, l’écologie a gagné la partie. Aucune formation politique ne nie l’enjeu même du développement durable. Même s’il existe des contradictions (notamment la politique du charbon en Pologne), il y a une volonté commune de faire de la transition énergétique un levier de croissance en Europe. Ce mouvement ne s’arrêtera pas ». 

Économie : je t’aime, moi non plus

On se souvient tous de la phrase « mon adversaire, c’est le monde de la finance » prononcée lors du meeting du Bourget en 2012. Depuis cette date, l’exercice et la réalité du pouvoir auront sans doute un peu dilué cette inimitié. Pour autant l’ancien président juge toujours une régulation de la mondialisation « possible. Il est possible que les économies restent ouvertes. La vraie menace, ce n’est pas le libre échange, c’est le protectionnisme. En regardant ce que fait Trump, d’autres pays suivront les lois de ce modèle de protection du marché ». Les négociations tendues autour du traité de libre-échange transatlantique (Tafta) et les dissensions qui agitent toujours politiques et opposants sur le Ceta (accord commercial entre l’UE et le Canada scellé l’an dernier) sont tout de même venus redynamiser un peu la salle. Les États-Unis voulaient avoir un accord de libéralisation des services, d’ouverture de l’agriculture et de la culture qui pouvaient menacer notre mode de vie. Je me suis élevé contre cet accord, car il reposait sur des bases sur lesquelles il ne pouvait pas y avoir de solution. Ce n’était pas l’intention du Président américain de reprendre les discussions(…) Concernant le Ceta, j’ai considéré cet accord bien meilleur, il pouvait y avoir une acceptation à condition qu’on évalue ses conséquences sur l’environnement, c’est en cours. Je fais une différence entre l’accord qu’on a pas signé et celui qu’on a laissé faire. Je crois qu’il est possible d’imposer des règles environnementales et sociales à l’économie ». 

Enfin, on vous mentirait probablement si on vous disait qu’on a pas retrouvé, à un moment, la petite phrase qui fait ouvrir grand les yeux. Interrogé sur la « résolution » de la crise de la zone euro, François Hollande n’a pas hésité à souhaiter à Emmanuel Macron  » de réussir là où nous n’avons pas échoué. Lors de mon arrivée, il y avait encore des incertitudes et des instabilités qui pouvaient mettre à bas la zone euro, nous n’étions pas forcément en accord avec les mesures et le rythme auquel il fallait les prendre. Aujourd’hui, l’union bancaire (processus de gestion des faillites adopté par le Parlement Européen en avril 2014) permet d’éviter que les contribuables payent pour renflouer les banques. Le fait que l’Autorité bancaire (institution européenne arrivée très récemment dans la capitale) soit transférée à Paris est important puisqu’elle est aussi chargée de mettre en oeuvre les règles fixées ». Quant à savoir si de nouvelles avancées sont possibles, la situation politique en Allemagne rend l’ancien chef de l’État prudent : « C’est possible, mais pas certain. Il va falloir exercer une pression assez forte. Tout ne réside pas dans le couple franco-allemand, même s’il est moteur (…) Faut il faire un compromis ou faut il provoquer une crise ? J’ai choisi le compromis parce qu’en Europe, c’est toujours ainsi que ça a fonctionné. C’est notre responsabilité de faire avancer l’Europe ». Enfin, le dernier scandale en date des Paradise Papers n’a en rien freiné François Hollande quand on l’a questionné sur l’exil fiscal. « Nous avons aussi progressé. Au cours d’un précédent G8, le Président des États-Unis et et le Premier Ministre britannique avaient affirmé que l’évasion fiscale les privaient de ressources importantes, alors que ce sont à la base des pays libéraux qui ont érigé que le capitalisme devait être sans règles. Ils étaient d’autant plus convaincus que le terrorisme ou les trafics utilisent aussi les béances des trous des règles internationales ». Évidemment, l’entrée en vigueur en septembre 2018 de l’accord d’échange automatique de données bancaires pour une cinquantaine devrait venir encadrer cette volonté de continuité affichée par l’ex président. « Nous n’en avons pas terminé avec la finance prédatrice. J’ai contesté l’admiration pour le veau d’or, pour l’argent. La finance grise ou noire, c’est une violence. Nos institutions commencent à dire que le creusement des inégalités est un danger pour la croissance mondiale et la stabilité internationale. C’est le combat que votre génération aura encore à mener ». À votre bon coeur m’sieurs dames.   

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