Fusion des régions : un premier bilan pour la Cour des Comptes


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Publication PUBLIÉ LE 26/09/2019 PAR Romain Béteille

Au moment de distribuer les points, les juges notent que même si la Nouvelle-Aquitaine est la seule région à avoir regroupé les trois anciens sièges à Bordeaux, elle a tout de même maintenu des commissions permanentes à Limoges et Poitiers. La hausse des dépenses (+9,6%) serait due, selon le président de la région Alain Rousset, à la mise en marche de cette transition. « Ce rapport a pour but de montrer qu’il n’y a pas d’économies faites avec la fusion à moyen termes, mais on en était déjà convaincus avant même d’y rentrer », affirme pour sa part la vice-présidente du Conseil Régional en charge des finances, Andréa Brouille. En tant qu’ex conseillère régionale du Limousin, j’avais dans l’idée qu’on pourrait mutualiser beaucoup de choses. Ce n’est pas vraiment comme ça que ça se passe, surtout quand on fusionne des régions avec tant de différences. Ceci étant, ce qu’a apporté la fusion des régions de mon point de vue, en tout cas pour le Limousin, c’est une force de frappe qu’on n’avait plus. On a pu doubler nos aides à l’économie et à l’agriculture, chose qu’on n’aurait pas pu faire sans fusion ».

La Cour des Comptes souligne que la rémunération du personnel administratif (avec des salaires nivelés par le haut en se basant sur la région Aquitaine, celle aux plus hauts salaires) et des élus (+14% entre 2014 et 2016 soit environ 800 000 euros) représente une part de cette augmentation. Ainsi « la Nouvelle-Aquitaine a notamment introduit une prime pour les agents travaillant sur plusieurs sites et voté un effort financier particulier pour les agents techniques de catégorie C des lycées (140 euros supplémentaires). Le coût annuel supplémentaire représentera plus du double de ce qu’aurait été un strict alignement sur les indemnités des agents titulaires de Poitou-Charentes et des agents non titulaires d’Aquitaine, soit entre 14,2 M€ et 17 M€, contre environ huit millions » précise le rapport. Les agents d’entretien et de maintenance des locaux ont également bénéficié d’un « effort financier ». Plus précisément, le « contrat de progrès social » voté fin 2017 par la région est venu « aligner les régimes indemnitaires » pour un coût global de « près de onze millions d’euros » et d’environ 18 millions si l’on y ajoute un volet action sociale et un « renforcement des remplacements dans les établissements scolaires ».

Le cas poitevin

La situation financière complexe de la région Poitou-Charentes serait en partie responsable d’un important « report de charges » entre 2015 et 2016, faisant passer les dépenses de 86,4 à 111,6 millions d’euros. Retards de paiement (130 millions d’euros), dépenses sous-estimées, encours de dette élevé (140 millions d’euros, notamment dûs à des « prêts toxiques »), autant de points noirs qu’évoque le chef de file régional dans sa réponse à la Cour tout en assurant que « les décalages de paiements ont été absorbés, les budgets ont été réévalués au plus juste et une politique de défaisance a été engagée conduisant à des renégociations d’emprunts destinées à sécuriser l’encours de la dette ». Sur ce point, Andréa Brouille apporte des précisions supplémentaires : « On a absorbé le retard de paiement de Poitou-Charentes en un an grâce à la bonne gestion de l’ancienne région Aquitaine qui avait de bons taux d’épargne et une capacité de désendettement de quatre ans. Du coup, on arrivait à dégager une épargne brute importante, ce qui nous a permis d’absorber ces retards. Si on retraite ces impayés, les dépenses de fonctionnement auraient certainement été à la baisse ». Sur la question des prêts toxiques, l’élue ajoute qu’ils « engendrent surtout des réaménagements de dettes et donc du fonctionnement payé en plus. Il a fallu sortir des emprunts les plus toxiques et les réaménager. Les banques étaient d’accord à condition que l’on paye une soulte de sortie ».

 Dans une note, la collectivité précise avoir assumé en 2018 deux millions d’euros d’arriérés de primes en faveur des agents de l’ex Poitou-Charentes « dont la légalité était contestée et qui ne seront plus reconduites ». Les recettes ont augmenté, moins fortement que les dépenses, de +7,8% entre 2017 et 2018. Le rapport souligne surtout que la Nouvelle-Aquitaine est la région la plus endettée des treize (l’Occitanie arrivant juste derrière), avec une dette de 2091 millions d’euros (+35,6%) et qu’elle a augmenté son épargne de 0,2% depuis 2017, une donnée qui « compense la dette » selon la Cour des Comptes. Pour Andréa Brouille, « l’augmentation de l’endettement, c’est aussi celui de l’investissement. On a un cadre là-dessus, c’est la capacité de désendettement accordée au niveau national à neuf ans. On s’est fixés un seuil de sept ans. Aujourd’hui, on est à quatre ans et demie. On est aussi en contractualisation avec l’État pour limiter nos dépenses de fonctionnement à 1,2%. Ça ne nous a pas vraiment effrayé parce qu’on les limite déjà à la stabilité ».

Des économies à venir ?

Pas question pour autant d’amender les propos d’André Vallini, à l’époque secrétaire d’État chargé de la réforme territoriale, qui parlait en 2014 d’une économie de dix milliards. « C’est totalement stupide, on n’a jamais eu la note sur laquelle il s’était appuyé. Ce qui a augmenté, c’est les rémunérations des ouvrières et ouvriers dans les lycées parce que les salaires étaient indécents. Dans le même temps, on a dépensé deux milliards d’euros pour des investissements dans les lycées, les trains, sur les voies ferrées, dans les communes. Dans cette loi NOTRe, les compétences des départements en matière de développement économique sont passées à la région avec une compensation de 50 millions d’euros octroyé par le ministre Valls mais supprimée par le gouvernement Philippe. Aujourd’hui, la région gère les transports scolaires. Quand vous rajoutez ce qu’ils coûtent et l’augmentation des dépenses de fonctionnement, notre budget de fonctionnement baisse de 0,8% », a ainsi affirmé Alain Rousset, parlant d’économies « qui vont être réalisées progressivement » dans différents domaines comme « les moyens de transport, les fluides ou les appels d’offres par exemple ».

Du côté des économies réalisées, le rapport évoque 2,7 millions d’euros d’économies en trois ans sur les contrats d’assurance, auxquels il faut ajouter la réduction des moyens du CESER (Conseil Économique Social et Environnemental dont l’effectif est passé de 266 élus à 180 élus), les télécommunications (140 8893 euros) et des « frais d’affranchissement » (748 606 euros), sans compter la cession de plusieurs bâtiments dans les trois anciennes régions (10, 8 millions d’euros). « L’évolution globale des dépenses de fonctionnement (à périmètre constant) a été de -3% en 2016 (hors arriérés P-C) et de -1% en 2017 » précise la collectivité. « On a une fiscalité dynamique à travers la CVAE » (Cotisation sur la Valeur Ajoutée des Entreprises, qui représentait en 2016 33% de la fiscalité régionale) », termine Andréa Brouille. « Les dispositifs que nous mettons en place sur l’économie pour développer nos entreprises font qu’on a un retour plus important qui nous donne une dynamique et nous permet de maintenir des taux d’épargne et d’autofinancements importants. On est moins liés à une dotation de l’État, on y est quand même mais on est davantage sur des recettes dynamiques ». À l’heure du bilan, les juges précisent que « la mise en place des nouvelles régions s’est déroulée sans heurts mais n’a pas apporté les gains d’efficience attendus. (…) Les régions disposent dans l’ensemble de marges de manœuvres importantes, portées par une fiscalité économique certes volatile mais dynamique qui leur a permis dans le même temps d’investir et de contenir leur endettement ».

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