GRANDE REGION – Alain Rousset: Faire d’un défi une chance


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Temps de lecture 11 min

Publication PUBLIÉ LE 01/06/2015 PAR Joël Aubert - Solène Méric

@qui! – Alain Rousset vous rencontrez souvent vos collègues présidents de Poitou- Charentes et Limousin qui, comme vous, sont en exercice, au moins jusqu’aux élections du mois de décembre. Comment vous y prenez-vous pour mener le chantier du travail en commun, dans une région aussi vaste  que cette Nouvelle Aquitaine et ses douze départements?
Alain Rousset
– Vous avez raison : c’est en effet un chantier inédit ; ça ce n’est jamais passé en France où l’on a plutöt démantelé les provinces pour faire les départements. Et, où, toujours on eût des difficultés à fédérer, ne serait-ce que les communes. Où l’intercommunalité avance péniblement, avec d’ailleurs des subventions d’Etat, des dotations d’autant pluss importantes que l’intercommunalité est riche…ce qui pose un problème démocratique notamment par rapport au milieu rural.

Comment faire de ce défi une chance ? D’abord, il y a une façon très simple, c’est de se connaïtre : qu’est ce que tu fais toi sur de développement économique, pour les lycées, l’accompagnement des chômeurs, pour le développement durable, la transition énergétique, la protection du trait de côte ? Pour le développement de l’agriculture ? Comment as-tu organisé tes services ? Et comment, demain, on les organisera pour maintenir ce qui est essentiel : la proximité. Connaissance et reconnaissance réciproques : voilà ce qui est entrepris : c’est quoi le budget ; quelles sont les priorités fixées par Poitou-Charentes, Limousin, Aquitaine ?

@! – Est-ce qu’il y a, d’ores et déjà, des convergences véritables?
A.R.
– Il y en a. Sur l’apprentissage, les lycées. Sur la formation, il y des approches différentes et sur la recherche, le transfert de technologies, l’accompagnement des entreprises. Nous aurons à fixer de nouvelles politiques sur la base des meilleures pratiques, celles qui ont donné les meilleurs résultats

Ensuite, l’idée est de fixer très vite trois, quatre, cinq politiques. Par exemple, celle qui concerne les fonds propres des entreprises. Le développement de l’entreprise passe, d’abord, par le capital de celle-ci. La faiblesse française des dispositifs de fonds propres amène beaucoup les régions à investir; ce fut un des choix de l’Aquitaine. Nous l’avons fait avec Midi-Pyrénées. Maintenant, il faut qu’au niveau de la Grande Région on regroupe tout cela. Comment, sur le plan de la formation professionnelle, et donc aussi de l’accompagnement des chômeurs, rapprocher le programme régional de formation d’Aquitaine, Poitou-Charentes et Limousin ?…Comment homogénéïser notre dispositif pour le très haut débit, de telle sorte qu’il ne soit pas, simplement, l’affaire des villes importantes mais aussi des villes moyenes, de la campagne, de tous les collèges, des lycées, des hôpitaux, des cliniques…

Ce que le président de la République a voulu…@! – Une question d’autant plus importante que cette grande région est composée de départements très ruraux et pas seulement la Creuse ; ce n’est pas indifférent le niveau d’équipement d’un tel département.
A.R. – Ca ne l’est pas. Ce qu’a voulu le président de la république, c’est aussi développer la péréquation, la solidarité horizontale. Est-ce que, quelque part, la région Aquitaine ne peut pas accompagner les projets de la Creuse ?

Pour en revenir à ce chantier commun, il faut faire en sorte qu’au 1er janvier 2016 rien ne s’arrête. Et, si j’insiste là-dessus, c’est parce qu’il y a un exercice, à la fois politique, technique, humain, de connaissance de ce qu’est une région, de maîtrise des choses, de commandement sûrement aussi…Les élections vont faire émerger une majorité et un pilote. Ce pilote aura, très vite, sans arrêter par exemple ce qui se passe en Limousin pour les lycées ou en Poitou-Charentes pour la transition énérgétique, à rapprocher les politiques. Là où les entreprises sont actuellement les moins accompagnées, elles vont vouloir bénéficier de soutiens identiques. Pour le président de la future région, il y aura donc un devoir d’égalitarisme.

Si les électeurs me choisissent je ferai ce que j’ai fait hier : porter de grandes ambitions, mettre l’Aquitaine dans les écrans radars de l’innovation et de l’attractivité. L’Aquitaine est devenue, avec l’agglomération parisienne, la plus attractive de France. C’est donc que nous avons eu raison de faire ce choix sur l’innovation, la recherche, l’accompagnement des entreprises.

@! – S’agissant de l’attractivité de l’Aquitaine, il n’y a donc pas que le Bassin d’Arcachon, l’Océan, les Pyrénées et la campagne…
A. R. – ll y a beaucoup d’usines en campagne. A Nontron, à Tarnos, à Bazas, à Langon… Demain, nous aurons une des plus belles entreprises de matériel agricole à Cognac, un pôle image extraordinaire à Angoulême. Vous vous rendez compte de ces atouts ; Limoges a une des plus remarquables entreprises d’élecrique et d’électronique, Legrand que je vais rencontrer bientôt. Nous disposons, là, d’un fort potentiel. Le premier défi, c’est de se connaître et de comparer les réussites. Est-ce que le choix politique que j’ai fait de considérer la recherche et l’innovation comme la priorité a eu une efficacité dans l’attractivité de la région et pour l’emploi ? La réponse à l’évidence est massivement oui…

L’avantage de cette grande région, c’est de pouvoir travailler, tout autant sur les filières agricoles et agro-alimentaires qu’aéronautique ou encore sur la filière des matériaux. Imaginez ! Joindre le pôle céramique de Limoges avec toutes les actions menées sur les matériaux composites ici en, Aquitaine. Travailler sur la filière bois : nous sommes en Aquitaine le plus grand masif forestier d’Europe ; demain avec la forêt du Limousin, notamment, cela aura une importance encore plus grande. Comment mieux valoriser le bois, mieux développer le bio-sourcing, c’est à dire comment travailler avec du carbone sur pied, à partir du matériel végétal, plutôt que du carbone fossile ?

Il y aura un peu de mobilité@! – Comment les équipes des trois régions travaillent-elles entre elles ?
A.R.
– Toutes les semaines, il y a une vidéoconférence, toutes les semaines il y a des réunions avec les vice-présidents, entre chacun des services pour apprendre à se connaître et échanger, commencer à concevoir des dossiers communs. Ce n’est pas si facile, parce que d’une certaine manière, la décentralisation suppose qu’on s’adapte aux urgences des territoires.

@! . – En janvier prochain, et vous le disiez à l’instant, il faudra que tout ça fonctionne, soit opérationnel. A coté des élus il y a aussi les administrations de chaque région. Comment on s’y prend pour travailler à somme positive ? On ne peut oublier qu’un des objectifs initiaux de la réforme territoriale, c’était de faire des économies…
A. R. – Il faut d’abord se fixer une règle : on travaille à coût constant. Ensuite, comment est-on opérationnel ? Il n’y pas d’ambiguité sur le fait que Bordeaux sera la capitale et le Conseil régional, ici, devra accueillir les fonctions supports et de direction. Par contre, il faudra que Limoges, Poitiers et leurs administrations continuent – les technologies nous permettent d’aller très vite – d’échanger les informations sur les dossiers, de pouvoir préparer une commission permanente, ou une assemblée plenière. Il y aura un peu de mobilité car nous aurons besoin, ici, d’avoir venant du Limousin et Poitou-Charentes, un certain nombre de personnes qui viendront conforter le service des ressources humaines, des finances, des marchés de telle sorte que nous puissions sécuriser les actes administratifs.

Les trois couleurs : le vert, le bleu, l’ocre@! – Quelle idendité pour cette grande région ? On connaît ses atouts, sa riche histoire qu’il s’agisse des comtes de Poitiers et d’Aliénor, des ducs d’Aquitaine , des Albret… Comment on donne à voir cette région sur le plan de la culture, de ce qui nous rapproche sinon nous réunit ? De telle sorte que le citoyen puisse se dire : « c’est bien ma région, je peux m’y reconnaître ? »
A. R. – Ce n’est pas si difficile que cela. En tout cas, depuis plusieurs mois que je parcours la grande région j’en sens l’esprit, le patrimoine, une volonté, la créativité, les espérances, les défis.

D’abord le premier atout de cette région c’est son espace et son patrimoine. Cet espèce d’harmonie entre le vert et le bleu, le vert de la forêt, de l’espace agricole, le bleu de l’océan.

J’ajoute aussi une couleur, l’ocre des pierres, du patrimoine des trois régions, ces parcours d’Aliénor, des chemins de Saint Jacques, ce patrimoine incroyable…Ces trois couleurs, le vert, le bleu, l’ocre des pierres ou, comme le disait André Labarrère, des pierres jaunes du port de Bordeaux, de la courbe du port de la Lune….

Ensuite, il y a toutes les aventures industrielles et agricoles, sylvicoles, viticoles, l’Armagnac et le Cognac, la forêt et sa transformation, l’aéronautique, les technologies émergentes autour de l’optique et du Laser, l’électronique et l’électrique, les produits de qualité, ceux du Pays basque, du Béarn, des Landes, du Périgord… ou des Deux-Sèvres….C’est passionnant de rassembler cela et d’en faire un projet. Naturellement, en dehors des trois couleurs, ce qui compte c’est de mobiliser les hommes et les femmes autour d’un projet de développement

@! – D’ici le rendez vous de fin d’année saura-t-on comment cette région va s’appeler ?
A. R. – D’abord, sur le plan de la loi, c’est à l’assemblée future, élue en décembre, de fixer le nom de la région ; je pense qu’il y aura une validation en Conseil d’Etat et par le gouvernement. Il faut respecter ces formes. Un site est ouvert, des trois régions, où l’on va pouvoir exprimer son sentiment. Il faudra aller vers une consultation très large : le référendum formel, ça me semble un peu compliqué mais internet permet, aujourd’hui, d’avoir un sondage intéressant. Il faudra sûrement auparavant que nous ayons fait se rencontrer des « échantillons représentatifs » de personnes pour travailler sur ses futurs noms; j’ai commencé par ailleurs à interroger des élus, à Cognac, La Rochelle, dans les villes, d’un département à l’autre…Une histoire est à raconter, Anne-Marie Cocula y travaille… Nous avons les chemins de Saint Jacques. Demain nous aurons les chemins d’Aliénor ; j’ai relu récemment la vie d’Aliénor. Un destin incroyable.

@!  – Et le tourisme… Comment ne pas penser à un grand projet touristique pour une si Grande Région avec un pareil potentiel, le plus grand vignoble d’appellation, l’océan, la montagne ? Ce peut être une source de développement économique importante…
A. R. – C’est une source de développement et c’est une de nos filières majeures : entre le tourisme littoral et le tourisme de l’intérieur, la découverte d’un patrimoine extraordinaire, tant de lieux, châteaux, chapelles et monuments, de Poitiers à Saint Jean-Pied de Port…Le tourisme d’une certaine façon il faudra le réinventer c’est pour cela que Lascaux est fondamental comme exemple et comme chantier. ( Ndlr , la construction en cours du centre d’art pariétal)

@! – A cet égard, il faudra développer les infastructures hotelières, parfois insuffisantes, pour acccueillir un tourisme mondial.
A. R .– Ici, en Aquitaine, il existe un accompagnement à la modernisation, à l’accueil numérique des touristes. Le défi, en matière de tourisme est triple : comment profitons-nous de cet environnement naturel et patrimonial exceptionnel ? Comment modernisons-nous le tourisme et respectons-nous la nature et le patrimoine ? Un peu à la mode espagnole, du moins… je pense à l’Aragon et à sa préservation remarquable des monastères. Comment intégrer ces exigences dans un modèle économique qui permette à celles et ceux qui gèrent l’accueil, la restauration, la découverte, de bien vivre ? Et comment sur le plan de l’international et de la comunication, donnons-nous envie de venir dans cette grande région ?

Il va falloir que je dise qui je suis@! – Quand on s’apprête à mener une campagne éléctorale comme celle qui s’annonce, comment s’y prendre pour aller à la rencontre des gens, de la société, donner à penser que ce sera mieux demain, à trois régions, plutôt qu’à une seule ?
A. R. – Je crois avoir un appétit pour la rencontre humaine. Mon histoire et ma personne le montrent ; il va falloir que je dise qui je suis aux habitants, aux acteurs économiques et sociaux : que je suis né dans un milieu ouvrier et paysan, que mon village industriel a disparu d’un coup et que je suis hanté par ce que j’ai fait comme métier par la suite, m’occuper de reconversion industrielle ( Ndlr : délégué à l’industrialisation du Bassin de Lacq de 1986 à 1998). J’ai une appétence pour le progrès et la technologie, tout en ayant une grande attention à la solidarité et au respect de tous, je suis boulimique de connaissances, des personnes et du territoire. Jardinier, et, en même temps président de Région et heureux sur le marché de Pessac, le dimanche matin. Au moment où vous m’interrogez, ici, au conseil régional, je vais aller remettre leurs médailles aux meilleurs apprentis d’Aquitaine, aux futurs meilleurs ouvriers de France …

Alain Rousset, Président du Conseil régional d'Aquitaine, lors de la remise des Prix des meilleurs apprentis d'Aquitaine, le  29 mai 2015

Je dois dire aussi ce que j’ai fait, avec, pour être franc, cette difficulté à penser que ce qu’on fait est meilleur… Mais il existe des marqueurs ; je sais où était l’Aquitaine voilà quinze ans, dans l’économie de cueillette, hors des écrans radars de l’innovation, même si celle-ci était cachée dans les pins, les entreprises militaires.

Aujourd’hui, l’Aquitaine est l’une des deux ou trois régions les plus attractives de France qui a su le mieux défendre ses emplois industriels, développer de nouveaux secteurs comme l’optique, le laser avec le CEA, la santé avec le pôle neurologique de Bordeaux, la formation à la maintenance aéronautique qui, d’une certaine façon, réinvente cette industrie en Aquitaine. Ici est né un écosystème de confiance avec le monde industriel et ce décloisonnement entre industrie, recherche et formation. C’est cela que je vais porter pour l’avoir fait plusieurs fois. C’est aussi un modèle qui peut intéresser les acteurs économiques et sociaux des deux autres régions, même si beaucoup de travail y a déjà été fait.

@! – A propos des élections de décembre les écologistes vont partir en campagne sous leurs propres couleurs. Qu’en pensez-vous ?
A. R. – Je n’ai pas à juger de la démarche du parti écologiste mais, comme à la dernière élection, nous nous retrouverons au second tour. On me connaît suffisament pour savoir que je sais dépasser les clivages. Par ailleurs, je suis un peu comme Saint-Thomas sur le plan de la politique… Ce qui m’importe avant tout c’est le sens et les valeurs concrètes. La région Aquitaine est, avec Midi-Pyrénées, une de celles où la croissance de l’agriculture biologique est la plus importante, où les circuits courts le sont aussi, où nous avons même créé une marque « ‘Bio Sud Ouest France », où la méthanisation dans les fermes, qui permet à la fois une valorisation des déchets et des revenus intéressants, est en pointe. L’Aquitaine est la première région sur les énergies solaires. Nous accompagnons, aussi, beaucoup de PME sur les hydroliennes.

J’aime bien cette notion de politique par la preuve, par l’acte, parce que c’est ce qui manque, aujourd’hu,i à nos concitoyens qui sont inquiets, anxieux Je m’interroge sur la façon dont je présente le bilan de ces cinq années de présidence : ai-je tenu parole sur les entreprises et l’emploi ? Nous sommes la région qui a quasiment équilibré ses emplois industriels; ce n’est pas rien quand on en a perdu 20% ailleurs. Une région qui en matière de créations d’entreprises, en 2013 et 2014, a été, en croissance, une des trois premières de France avec Paris-Ile de France et Rhône-Alpes. Une région où la réussite au bac professionnel a augmenté de sept points. Et, en matière de dépôts de brevets, l’Aquitaine fait trois fois mieux que la France : plus 75% ces dernières années contre 25% en moyenne en France…J’ai aussi envie de dire que la politique doit avoir des marqueurs précis, par-delà des propos d’estrade.

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