Handicap : quand la Gironde veut être inclusive


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Temps de lecture 6 min

Publication PUBLIÉ LE 15/11/2019 PAR Romain Béteille

Depuis janvier dernier, la Gironde fait partie des treize territoires pilotes à avoir été labellisés « Territoire 100% inclusif » visant à « améliorer la participation et la coordination de tous les acteurs engagés dans le parcours de vie d’une personne handicapée ». Depuis cette date, la collectivité continue de travailler sur de nouvelles incitatives : après la mise en place d’un nouveau dispositif d’aide à l’handiparentalité dans le cadre de la Prestation de Compensation du Handicap, elle a signé la semaine dernière une convention de partenariat avec l’entreprise girondine Mobalib pour participer au déploiement de son outil lancé en 2018, un réseau social dédié aux personnes handicapées baptisé Mobalink. Accessible gratuitement et sur inscription, il permet à des personnes en situation de handicap de faire des demandes spécifiques : carte de stationnement, copropriété pour une personnes en fauteuil roulant, aide pour remplir une demande à la MDPH ou une demande d’hébergement équipé pour les personnes à mobilité réduite figurent ainsi parmi les questions posées par les « mobafriends », qui se répondent entre eux et s’aiguillent pour trouver les solutions aux problèmes rencontrés par chacun. Concrètement, la collectivité s’est donc engagée pour 18 mois et a fourni une aide de 24 000 euros en guise de soutien financier au déploiement.

« Un modèle ascendant » 

Jonathan Dupire, co-fondateur et président de l’entreprise Mobalink, est infirme moteur cérébral. En 2004 déjà, l’entrepreneur s’était lancé dans une expérimentation : l’édition de guides touristiques spécialisés pour les personnes handicapées. Selon lui, tout est parti d’un constat : « l’isolement et le manque d’information rencontré par les personnes handicapées et leurs proches aidants. On a donc créé un outil numérique accessible et adapté qui permet des échanges d’informations dans tous les domaines ». Mobalib est donc un site internet, mais aussi une application. Le partenariat avec le département de la Gironde (collectivité publique, mais Mobalink donne aussi l’accès aux acteurs du privé) correspond à un désir simple : pouvoir profiter d’une communauté d’utilisateurs qui se développe pour faire remonter les besoins directement du terrain vers les instances responsables des aides et des dispositifs mis en place en faveur des personnes handicapées. « On travaille avec une équipe de développeurs », confie Jonathan, et Mobalink va prochainement déployer une importante levée de fonds pour recruter de nouveaux ingénieurs cogniticiens afin de « développer une méthode centrée sur l’utilisateur ». Aujourd’hui, Mobalink compte 3000 utilisateurs, essentiellement girondins (et néo-aquitains), mais le réseau n’est pas chauvin puisqu’il vise une échelle nationale (12 millions de personnes concernées en France), « la plus répandue possible », pour grandir. En Gironde, 120 000 personnes ont un droit ouvert à la Maison Départementale des Personnes Handicapées (un girondin sur 13). « On veut un modèle plus ascendant, requestionner nos politiques en partant des évaluations et des usages des personnes. Mobalib est une ressource prioritaire sur le territoire : on va lancer une enquête auprès de 300 personnes qui vont venir nous expliquer leurs habitudes de vie sur tout le territoire de la Gironde pour qu’on requestionne nos politiques », termine Amélie Laborde, responsable de projet « Territoire 100% Inclusif en Gironde).

L’entreprise est actuellement au travail sur un tout nouvel outil dont le lancement n’est pour l’instant pas encore daté, actuellement en pleine phase de développement. « MobaGo » sera un genre de « Waze » pour personnes handicapées, qui fonctionnera comme un GPS avec une carte de géolocalisation. Un travail plus facile à présenter qu’à réaliser, car le défi est de taille. « Aujourd’hui, la précision des GPS standard est de cinq à six mètres. Pour un piéton ou une personne handicapée qui souhaite éviter les obstacles dans ses déplacements, ce n’est pas d’une grande utilité. On a donc besoin d’un développement technologique important pour améliorer cette portée », rajoute le co-fondateur de Mobalink. La deuxième membre du trio (auquel il faut ajouter Marina Desire), Jessica Amrane Delafosse, précise d’ailleurs qu’une « preuve de concept » est actuellement en test au niveau de la Gare Saint-Jean. EN 2017, Mobalib avait en effet été lauréat de l’appel à projets XP Saint-Jean censée offrir des projets qui « transforment l’expérience des voyageurs en gare ». La même année, l’entreprise avait reçu un soutien régional de 50 000 euros. Depuis, elle a été lauréate 14 prix et appels à projets, notamment celui de l’opération de mécénat fabrique Aviva. Elle devrait prochainement recruter de nouveaux ingénieurs pour développer son système de GPS.

« Mutualiser les services »

Ce lundi 18 novembre, la Gironde compte bien faire encore un pas de plus vers le 100% inclusif. Réunis en plénière, ses élus vont voter la création d’un « Plan d’Accès Départemental à l’habitat inclusif », le premier du genre pour un département. « De façon un peu artisanale ou sauvage, des associations ont réussi à créer, en mutualisation la PCH, des habitats collectifs qui permettaient à plusieurs personnes en situation de handicap, souvent assez lourds, de pouvoir vivre en ville. Il y a des logements à Floirac, à Pessac qui permettent d’apporter des réponses. Ça se fait depuis quinze ou vingt ans, l’association TCA a été un peu précurseur », confie Sébastien Saint-Pasteur, président de la commission « politique du handicap et de l’inclusion ». « Ce modèle était fragile : si une personne voulait partir où avait une révision de sa PCH, tout l’équilibre d’ensemble était fragilisé et ça mettait en péril le devenir même de ce logement collectif. On a travaillé pour sécuriser ce dispositif et on a signé une convention pluriannuelle d’objectif et de moyens avec ces acteurs là (25 habitats inclusifs en Gironde) pour répondre à ce premier besoin. On n’a pas répondu à la totalité : il y a des personnes porteuses de trisomie pas très loin de Pessac qui ont des habitats diffus et des accompagnements plus légers ». Pour le responsable, le PADI est avant tout là pour structurer une réponse et essayer de participer au déploiement de ce modèle d’habitat, plus ou moins connu des services départementaux selon les types de handicaps. Mais ce genre d’habitat, s’il tend à se développer, reste encore assez timide : une enquête publiée en 2017 par la DGCS (Direction Générale de la Cohésion Sociale) quantifiait alors à 240 le nombre de projets « identifiés. « Depuis la loi Élan et les directives reçues de la DGCS, on constate de petites améliorations, on est vraiment sur une approche un peu globalisante où on veut proposer une alternative entre le vivre chez soi tout seul et l’établissement médico-social assez peu inclusif parce que ce sont des lieux de vie à part mais qui ne sont pas le reflet de l’expression de l’attente de beaucoup d’autres personnes ». 

Le but est donc clairement de « pérenniser les situations existantes », continue Sébastien Saint-Pasteur. « 24h de PCH, c’est entre 15 à 18 000 euros par mois pour le département. Si demain, ce qui était assumé par l’ARS et les maisons d’accueil spécialisé basculait au niveau du département, ça piquerait forcément un peu. Donc ce plan est censé structurer financièrement la soutenabilité de l’ensemble ». « Être un territoire 100% inclusif, ça touche plusieurs domaines : la petite enfance, l’accès à la scolarisation, l’accès à un chez-soi (transformation de l’offre médico-sociale pour proposer une vie à domicile graduée et adaptée au niveau d’autonomie des personnes). En gros, l’idée, c’est que les services médico-sociaux mutualisent et mettent en commun les PCH et les aides pour créer des actions et des services collectifs qui créent de nouveaux liens sociaux. Les logements seront publics mais aussi privés », précise Amélie Laborde.

« Même s’il a été inscrit dans la loi ELAN, il n’y avait pas de législation spécifique parce que les habitats inclusifs ont été montés par des acteurs du champ médico-social ou des regroupements de personnes en situation de handicap elles-mêmes. Les services médico-sociaux s’organisaient de manière artisanale et très fragile pour certains. Le but, c’est de permettre à ces colocations de survivre lorsqu’un colocataire s’en va ou qu’un service à domicile est en difficulté ou ne peut plus intervenir ». En Gironde, les aides aux personnes handicapées représentent 238 millions d’euros, le troisième plus gros budget de la collectivité. Et forcément, avec cet habitat inclusif, l’idée est moins de faire flamber la facture que d’équilibrer la balance. La Gironde accueille de plus en plus de personnes concernées par la PCH, d’où ce budget conséquent. Il va certainement être impacté par l’habitat inclusif, mais le budget qui était dédié avant aux établissements spécialisés pourrait être réutilisé auprès de ces gestionnaires d’établissements pour la création d’habitats inclusifs. Ce que va coûter ce plan n’est pas encore défini, la somme s’appuiera sur un accord-cadre entre l’ARS, le département, la MDPH, et là la direction départementale de la cohésion sociale. Le chiffrage va dépendre des objectifs communs ». Le tout devrait être cadré dans les prochains mois.

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