Interview: A. Lamassoure: « Enflammer une majorité de militants est une chose. Séduire Marianne est une toute autre affaire »


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Temps de lecture 3 min

Publication PUBLIÉ LE 30/11/2014 PAR Felix Dufour

@qui! – En dehors de toute appréciation du monde politico-médiatique parisien, que pensez-vous du score, 64,5% de Nicolas Sarkozy? Etait-il réaliste, après tout ce qu’il s’est passé à l’UMP depuis deux ans, de viser un plébiscite?
Alain Lamassoure
– 64,5%, c’est évidemment un succès. Mais pour l’ancien président de la République, qui n’avait pas de concurrent à sa mesure, et qui se présentait avec la volonté d’être le rassembleur d’une famille désunie, réunir un peu moins de deux militants sur trois n’est qu’une victoire en demi-teinte.

@! – Imaginiez vous que Bruno Le Maire franchirait la barre des 20%?
A. L. – 
Tout le monde s’est rendu compte que Bruno Le Maire faisait une très bonne campagne : déterminé, serein, sans trembler, ni devant les foules, ni devant les manœuvres d’intimidation. Sa fermeté sur ses convictions de fond a été mise en valeur par le flou de Nicolas Sarkozy sur certains sujets, dont le mariage pour tous.

@! – Que pensez-vous du score d’Hervé Mariton que vous souteniez?
A. L.
–  J’ai soutenu Hervé Mariton parce que c’était le seul des trois candidats qui était clair sur le programme économique – un libéralisme social pleinement assumé, tel qu’on le pratique partout ailleurs en Europe – et sur le principe d’incompatibilité de la fonction de président du parti et de candidat à l’Elysée. Malheureusement, ce n’est pas encore la culture du parti, qui reste majoritairement attaché au dirigisme de droite et au service d’un chef. Mais cette majorité diminue.

La France a besoin d’un grand parti de centre droit

@! – Le score de Nicolas Sarkozy l’amène quand même à une réduction de la voilure sur la reconstruction qu’il envisageait avec changement de nom et un parti complètement à lui soumis, sans parler d’une participation d’évidence à la primaire…
A. L.
– En effet, j’ai eu l’occasion de dire moi-même à Nicolas Sarkozy que le défi, pour nous tous, est de bâtir un parti qui ne soit plus une machine de guerre à son service et qui lui survive lorsqu’il aura abandonné la vie politique: avez-vous remarqué que la maladie congénitale de tous les partis de droite et du centre depuis 1958 est leur incapacité à survivre à celui qui les a créés ? l’UNR de de Gaulle, l’UD Ve de Pompidou, le RPR de Chirac, l’UDF de Giscard, les différents partis créés par Bayrou … Alors que le parti Conservateur britannique a survécu à Churchill comme à Thatcher, et la CDU à  Adenauer comme à Kohl. La France a besoin d’un grand parti de centre droit qu’elle n’a jamais eu, bâti autour d’une philosophie politique et non d’un leader charismatique. Nous sommes au XXIe siècle.

@! – Quand on entend dimanche la détermination de Marine Le Pen pour conquérir le pouvoir, croyez vous comme certains le suggèrent qu’il est nécessaire que l’UMP se cale sur un véritable discours d’opposition de droite sur l’immigration et le travail?
A. L. –
Mais non, l’UMP doit démolir les propositions fallacieuses du Front national et proposer les bonnes solutions. Sur l’immigration, la maîtrise des flux passe par le contraire de ce que propose le FN, par une vraie politique européenne, pour l’immigration légale comme pour la lutte contre l’immigration clandestine. Sur le droit du travail, tous nos partenaires européens se sont convertis à la flexisécurité, et ça marche. Mariton à dit des choses excellentes là-dessus.

@! – L’UMP estime comme Alain Juppé qu’il faut mener un partenariat avec le Centre. Mais lequel? Bruno Le Maire comme l’entourage de Nicolas Sarkozy ont du mal, comme beaucoup de militants à pardonner à François Bayrou son appel emberlificoté à voter pour François Hollande? Serez-vous un diplomate tout désigné pour négocier avec votre compatriote Béarnais?
A. L.
– La politique n’est pas la guerre civile, même en France ! Le pardon est une vertu chrétienne, c’est aussi, parfois, une habileté politique nécessaire. Si Giscard n’avait pas « jeté la rancune à la rivière », Chirac n’aurait jamais été élu président de la ‘République en 1995. Et Chirac lui-même, en 2002, n’a t il pas pardonné à Sarkozy de l’avoir trahi pour Balladur ?
Plus sérieusement, la politique n’est pas la guerre, mais elle a bien des points communs avec le sport : tant que le perdant blâme les autres de sa défaite, il n’a aucune chance de gagner le combat suivant. Ce n’est pas ‘François Bayrou qui a fait gagner Francois Hollande en 2012 : c’est le rejet de Nicolas Sarkozy par une partie du cœur de son propre électorat. Enflammer de nouveau une majorité de militants est une chose. Séduire Marianne est une tout autre affaire, surtout quand on l’a déçue une première fois.

Propos recueillis par Félix Dufour

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