Interview, Alain Juppé: La métamorphose de Bordeaux, c’est le fruit de l’action de la CUB et de la ville.


Grégoire Grange
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Temps de lecture 7 min

Publication PUBLIÉ LE 30/01/2014 PAR Joël AUBERT

@qui! –  Pourquoi vous êtes vous autant engagé, au-delà de votre campagne municipale, dans celle pour la reconquête de la Communauté Urbaine de Bordeaux ?
Alain Juppé –  Pour deux raisons. La première est d’ordre opérationnel : la CUB a un rôle majeur dans le développement de l’agglomération, dès aujourd’hui. Elle a, à la fois, des compétences très importantes dans des domaines stratégiques comme les déplacements, l’urbanisme et le logement comme un certain nombre de grands services publics, l’eau, l’assainissement, le risque inondations… et des moyens financiers. Je répète toujours ceci : le budget d’investissement de la ville de Bordeaux est cette année particulièrement élevé, de 120 millions… Celui de la CUB, c’est plus de 600 millions. Il est de toute évidence que l’on doit s’intéresser à la métropole, ce sera d’ailleurs son nom à partir de 2015. La métamorphose de Bordeaux, c’est le fruit de l’action de la de la CUB et de la ville.
La seconde raison d’intérêt c’est que j’ai une vision de l’organisation territoriale de la France qui repose sur deux niveaux… Il faut sortir de cette image éculée de mille-feuille pour aller vers un double niveau d’administration territoriale. L’intercommunalité d’abord; ici c’est une métropole commune. Depuis très longtemps je suis partisan d’une formule sans doute jugée un peu agressive, le rapprochement entre la Région et le Département que nous avions esquissé avec cette réforme du conseiller territorial qui faisait sauter un des verrous à ce rapprochement : l’antagonisme entre les conseillers généraux qui veulent rester conseillers régionaux et les conseillers généraux qui veulent rester conseillers généraux.

On va, inévitablement, vers ce mouvement. Les métropoles vont se renforcer ; on voit bien que là où elles se renforcent les départements vont disparaître et que le reste se rapprochera des régions. J’ajoute que nous sommes dans une phase de transition.

@! – Y compris sur le plan de la désignation des conseillers communautaires…
A. J. –  Absolument et on n’a pas sauté le pas…

@! – Est-ce qu’il fallait le sauter alors ?
A. J. –  Il n’y avait pas de majorité politique pour cela. Vous savez ça fait partie de mon approche réaliste des choses… Il faut faire des réformes progressivement et les faire accepter. C’est pourquoi je pense que la réforme du conseiller territorial, c’était le doigt dans l’engrenage, au bon sens du terme. Cette année, les élections vont être des élections municipales. On va voter commune par commune : pour le maire de Mérignac, de Pessac, de Bordeaux… même si il y a un fléchage des conseillers communautaires. En 2020, d’après le texte qui a été voté, la moitié des conseillers communautaires seront élus au suffrage universel direct sur le territoire de la Communauté.

Peut être que cela amorcera une évolution différente mais dans la période 2014 2020, on reste dans l’intercommunalité : j’ai deux slogans pour me démarquer de mon adversaire : je ne veux pas de fusion absorption des communes ; je veux la coopération et la mutualisation des communes et je ne veux pas non plus d’une concentration des tous les pouvoirs en un seul parti. Je veux continuer le partage des responsabilités comme nous l’avons fait depuis 1995, comme nous l’avons fait entre majorité et opposition.

@! – La cogestion gauche-droite avait donc et a donc du bon…
A. J. – C’est ce qui a permis de transformer la ville parce qu’on l’a fait ensemble. Au début de chaque mandature on s’est mis d’accord sur un programme. Pourquoi vilipender la cogestion ? Ça ne veut pas dire l’absence de décisions. Au contraire ça veut dire des accords concrets. Exemple : le tramway : on a fait le tramway… Souvenez vous de la période d’avant… On a fait l’accord sur le tramway j’ai dit à l’époque : il n’ y a pas un tram de gauche et un tram de droite. D’ailleurs, ça me frappe dans les réunions de proximité, les gens apprécient cela ils me disent vous avez l’intelligence de travailler ensemble.

Le département une structure dépassée

@! – Vous évoquiez tout à l’heure la future carte administrative… On cite beaucoup l’exemple du Rhône où la métropole lyonnaise prend les compétences du département . Philippe Madrelle disait il y a quelques jours : la Gironde est plus grand département de France et au delà du périmètre des 28 communes de la Communauté Urbaine il y a plus de 500 communes. Donc la situation est bien différente. Est ce qu’il peut y avoir des approches différentes ?
A. J. – Je comprends cette perception mais ne parlons pas que des 28 communes. Le SCOT, le Schéma de Cohérence Territoriale de l’agglomération, c’est 90 communes ; il faut parler de l’agglomération millionnaire . Je comprends bien l’attention portée à l’espace rural c’est très important. Mais que fait le département ? Il fait des routes…la région peut les faire. Il construit des collèges…et là je pense que l’on atteint le summum de la sophistication française. Les villes font les écoles et dans mon administration j’ai un service constructeur  qui contrôle les travaux ; les départements font les collèges ont un service constructeur, les régions font les lycées ont un service constructeur… L’Etat est service constructeur pour l’Université. Pourquoi les Régions ne feraient pas les lycées et les collèges ?

Le département c’est l’aide sociale. Or, que se passe t-il dans une agglomération comme la nôtre? Très souvent le département délègue à l’échelon de proximité, à la commune, le soin de faire un certain nombre de choses. Par exemple c’est le CCAS, le Comité Communal d’Action Sociale de Bordeaux, qui réalise l’instruction du Revenu de Solidarité Active, le RSA. Tout cela pour dire que le département me paraît une structure dépassée. Mais on a une résistance farouche parce que nous avons eu deux présidents de la république qui étaient départementalistes. Chirac qui était président du conseil général de la Corrèze, Hollande qui était président du conseil général de la Corrèze . Et vous avez des sénateurs qui sont très souvent présidents de conseils généraux

Economie : une Université puissante, le potentiel industriel et… l’or bleu

@! – Dans un sondage Louis Harris du printemps 2013 était apparue, pour la première fois avec beaucoup de force, l’aspiration des français à ce que le maire, leur élu préféré, s’occupe aussi des problèmes de l’économie, de l’emploi. Du coup on, voit bien là les limites des compétences de la commune, de la ville. Ce n’est pas simple de répondre à pareil défi…  
A. J. –  Ce n’est pas simple en effet : on attend tout du maire. Je le dis parfois dans des réunions : « je ne suis pas tout puissant ». Je n’ai pas un clavier sur lequel appuyer pour assurer la sécurité, créer des emplois…Nous avons des compétences limitées, des moyens limités. Il n’en reste pas moins que c’est une réalité, que les citoyens se tournent vers les élus municipaux, le maire en particulier. C’est une réalité dont il faut tenir compte. Il faut donner aux maires et aux communes les moyens d’agir de mobiliser toutes les forces et d’atteindre ces objectifs
En matière de développement économique c’est clair : la politique de l’emploi c’est l’Etat, de développement économique régional c’est la région. Comment voulez vous qu’une ville comme Bordeaux ne s’intéresse pas au développement économique ? Elle y est bien obligée.

Il y a une stratégie de développement économique à mettre en œuvre ; elle consiste à rendre les villes attractives. S’agissant de Bordeaux, je crois que l’essentiel du chemin est fait : il s’agissait de la rendre accessible on a progressé dans un certain nombre de domaines. Nous ne sommes plus dans le cul de sac de l’Europe : les autoroutes, bientôt les lignes à grande vitesse, l’aéroport sont autant d’atouts, même si le port est l’élément de faiblesse.

Dans l’accessibilité, je mets aussi le très haut débit. Et puis il y a  l’importance de l’attractivité universitaire. Si l’on veut attirer des entreprises il faut une université rayonnante et puissante, pas seulement parce que les jeunes sont là ; il nous faut aussi des laboratoires de recherche. Là aussi, on a beaucoup progressé. L’action sur les secteurs prioritaires est importante pour bien montrer ce qu’est le potentiel de notre ville et là il faut raisonner en termes d’agglomération. Il faut cesser de dire qu’il n’ y a pas de potentiel industriel dans cette région : l’aéronautique, l’espace, le laser, le pôle de compétitivité Xylofutur, entre autres, en témoignent. Sur la ville il faut conforter certaines filières, le commerce qui reste le premier employeur de Bordeaux, le tertiaire et le tertiaire supérieur ; le quartier d’affaires autour de la gare va permettre une progression de ces secteurs. De grands groupes commencent à penser à la délocalisation de leurs états majors de la région parisienne vers les villes de province. C’est pour cela que nous sommes en compétition

Et puis il y a a l’or bleu , le tourisme d’affaires. On va avoir en 2015 ce gigantesque congrès qui, pour l’instant, n’a eu lieu que dans des capitales du style de Tokyo. C’est NTS, (1) le système de transport intelligent qui accueillera 7 à 8000 congressistes. C’est majeur pour notre ville. Le tourisme de loisirs a explosé depuis qu’on est classé Unesco. Et enfin le tourisme maritime et fluvial au succès incroyable qui est lié au vin. Pourquoi la clientèle de ces bateaux est à 60% américaine ? Parce qu’on leur dit : on vous amène à Margaux et à Saint-Emilion.

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1. National Traffic Management System

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