Interview – Jean-Louis Laville (sociologue) : «Les associations doivent devenir des actrices sociales à part entière »


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Temps de lecture 2 min

Publication PUBLIÉ LE 27/05/2010 PAR Joël AUBERT

@qui.fr ! : Difficultés à recruter des bénévoles, subventions en chute libre, désengagement de l’Etat, les associations, notamment dans le domaine sanitaire et social, se sentent menacées aujourd’hui. Comment expliquer ce malaise ?
Jean-Louis Laville : Elles doivent en effet faire face à de nombreuses restrictions budgétaires et parfois à des difficultés avec leurs moyens humains. Mais le problème fondamental est leur manque de reconnaissance. Les associations ont du mal à s’affirmer et à trouver leur place entre les deux principaux acteurs de nos sociétés, le marché et l’Etat. Ce problème est ancien puisqu’il date de leur naissance et qu’il a ponctué leur histoire. Cependant le contexte actuel exacerbe cette faille, créant un malaise en leur sein: un nombre croissant d’associations au niveau mondial avec une société civile de plus en plus organisée mais des structures mal à l’aise. Celles-ci doutent parce qu’elles ne voient pas quel chemin prendre pour sortir de ce paradoxe.


@ ! : Quelles solutions s’offrent aux associations ?
J-L L. : Selon moi, il y a trois scénarios envisageables. Le premier serait la mise au pas des associations par l’Etat. Les nouvelles réglementations fixées par les pouvoirs publics en feraient des prestataires de service devant remplir un cahier des charges. Les associations deviendraient alors de simples sous-traitants d’un Etat qui se modernise, perdant leur autonomie. C’est par exemple le cas des organismes qui gèrent des établissements sanitaires, sociaux ou médico-sociaux. La deuxième possibilité consisterait à faire des associations un complément du capitalisme moralisé. Elles seraient alors des « social business », suivant une gestion fondée sur la rentabilité, mais avec des objectifs sociaux. Le dernier scénario va, lui, dans le sens de nouvelles relations entre les pouvoirs publics et le monde associatif. Plus autonomes, les associations participeraient à la construction des politiques publiques pour faire évoluer la société. Dans ce dernier cas seulement, elles conserveraient et mettraient en valeur leur spécificité, leur apport particulier à la société.


@ ! : Quelle est cette originalité qui fait leur force ?
J-L L. : C’est leur capacité à faire émerger dans l’espace public de nouvelles questions de société, de nouveaux enjeux, à l’instar de ce qui s’est passé avec l’écologie ou le Sida dans le domaine de la santé. Pour cela, il faut prendre en compte les initiatives associatives. Et les politiques publiques peuvent encourager les associations à se saisir, elles-mêmes, de certaines questions afin qu’elles deviennent des actrices sociales à part entière.


@ ! : N’est-ce pas surestimer leur pouvoir ?
J-L L. : Il ne s’agit pas de les mettre sur un piédestal. Les associations ne seront pas les superpuissances de demain. Mais elles seront un levier démocratique. Le XXI° siècle ne pourra pas être fondé sur le seul couple marché-Etat, il ne sera démocratique que si se met en place un trio marché-Etat-associations.

Propos recueillis par Estelle Maussion

(1) Journée inter-associative sur le thème « Quel avenir pour les associations de solidarité ? », vendredi 28 mai, Athénée municipal, place Saint-Christoly à Bordeaux de 9h30 à 16h30.

(2) FEP: Fédération de l’Entraide Protestante, FEHAP: Fédération des Etablissements Hospitaliers et d’Aide à la Personne Privé Non Lucratif, URIOPSS: Union Régionale des Oeuvres et Organismes Privés Sanitaires et Sociaux, FNARS: Fédération Nationale des Associations d’Accueil et de Réinsertion Sociale

(3) Professeur au Conservatoire national des arts et métiers (Cnam) et chercheur au Lise (CNRS-Cnam). Il a notamment publié Politique de l’association (Seuil, janvier 2010) et Dictionnaire de l’autre économie (Gallimard, octobre 2006).

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