Journées d’été EELV à Pessac: militantisme, fête et débats


Mathieu Presseq / Aqui.fr
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Temps de lecture 6 min

Publication PUBLIÉ LE 22/08/2014 PAR Mathieu Presseq

Ce vendredi 22 août 2014, la Fondation de l’écologie politique organisait dans le cadre des journées d’été d’EELV un forum intitulé « Economie et écologie ». Marie-Monique Robin, auteure et réalisatrice, était venue notamment présenter en avant-première les cinq premières minutes de son documentaire « Sacrée croissance ! », qui sera diffusé le 4 novembre prochain sur Arte. Renoncer au concept de croissance, tel est le maître-mot de ce film résolument engagé, qui prône l’avènement d’une société post-croissance. Un terme qu’elle préfère au mot décroissance, qui fait, selon elle, trop peur aux gens. « Le modèle agro-industriel est emblématique d’un système économique, qui est basé sur la croissance illimitée. Dans ce système, l’agriculture ne vise plus à alimenter les populations mais à créer du profit en produisant toujours plus sans tenir compte des externalités : la pollution, les paysans et les consommateurs malades, l’épuisement des sols et le réchauffement climatique », dénonce-t-elle. Pour la réalisatrice, la seule clé de la transition énergétique, c’est le modèle collectif de propriété des installations, c’est-à-dire les coopératives. « Si on se réapproprie la production alimentaire, l’énergie et l’argent, c’est-à-dire les trois trucs dont on a besoin pour vivre, les multinationales peuvent aller se rhabiller ».

En finir avec le paradigme de la croissanceUne analyse qui va à contre-courant de ce qu’elle considère comme une pensée unique, alimentée par l’ensemble des hommes politiques et des économistes. « Toutes les analyses économiques et toutes les prévisions de l’INSEE montrent qu’il n’y aura plus de croissance dans les quinze prochaines années mais le discours des politiques et des économistes continue de faire l’apologie de la croissance. Les économistes ont oublié que ce qu’avait apporté la croissance après la Seconde guerre mondiale, ce bien-être dans les pays occidentaux, qui s’était toutefois fait au détriment du reste de la planète, c’est fini. Et les hommes politiques ont tous été biberonnés à l’ENA, qui ne jure que par la croissance donc ils ont un véritable problème de logiciel ». Philippe Lamberts, coprésident du Groupe des Verts au Parlement européen, va même plus loin, en parlant de la croissance comme d’une religion. Ce qui rend selon lui tout changement impossible : « dès l’instant où l’on a été éduqué dans une foi, il est très difficile au moyen d’arguments rationnels de demander à des gens de l’abandonner car bien souvent, ils ont construit leur identité et leur carrière sur cette foi ».

L’écologiste s’insurge contre le mythe de la croissance infinie. « Lorsqu’on s’imagine vivre dans un monde où la croissance infinie est possible, la question de l’inégalité n’est plus très importante car, même si certains vont accumuler plus vite que d’autres, tout le monde aura à terme sa part du gâteau. Mais si l’on accepte la notion que nous vivons dans un monde limité, ce n’est plus possible de se dire que grâce à la croissance, on va pouvoir toujours distribuer beaucoup plus à tout le monde. La question n’est donc plus celle de la distribution des fruits de la croissance mais celle du partage de ressources finies. Avec l’acceptation du fait que si l’on veut donner à Pierre, il faudra prendre à Jacques ».

Les stands des Journées d'été d'Europe Ecologie Les VertsRuser avec le capitalismeForcément, le discours plus pragmatique et nuancé de Pierre Ducret, PDG de la Caisse des dépôts et consignations climat, dénote et est accueilli par des sourires en coin de la part des autres intervenants et parfois par quelques protestations de l’assistance. « Pour moi, l’exercice est un peu plus difficile. Je vais dire certainement des choses qui ne vont pas vous plaire », confie-t-il. En effet, le public n’était pas forcément acquis à sa cause. La croissance, lui, ne crache pas dessus. « La corrélation entre croissance du PIB et l’emploi est beaucoup plus faible qu’elle ne l’a été à une époque mais elle existe toujours. Sans croissance du PIB, il y a instantanément une augmentation du chômage ». Pour Ducret, l’accélération de ce mouvement de transition vers un modèle économique sobre en consommation de ressources naturelles non renouvelables passe inévitablement par des investissements. Majoritairement privés. « Si on ne raisonne qu’en termes d’investissement public, on n’a aucune chance de traiter le problème ». Selon lui, l’action publique doit ruser avec le capitalisme, d’où la nécessité d’un compromis avec le marché. « Un compromis, pas une capitulation », précise-t-il. Un discours qui aura le don d’agacer un membre du public, nostalgique du productivisme, voyant dans ce compromis au sein du libéralisme un parallèle politique avec la social-démocratie.

Et qui lui vaudra une pique de la part de Marie-Monique Robin : « la croissance verte, je n’y crois pas un instant ». Le Vert Philippe Lamberts reconnaît, lui, qu’il y a une place pour le marché dans l’économie et ne croit pas à l’Etat omniscient, rappelant qu’il n’a jamais été convaincu par les économies dirigées. Toutefois, pour lui, le dogme de la libre circulation des capitaux doit être remis en cause si l’on souhaite pouvoir réguler la finance et mettre en place une démocratie mondiale. « Si nous n’avons aucune règle au niveau mondial à mettre en face de ce marché mondial transfrontalier, alors la souveraineté suprême ne résidera plus dans la collection de démocraties individuelles mais dans les marchés financiers », alerte-t-il.

Le conseiller communautaire EELV Gérard Chausset

L’actu vue par Gérard Chausset, conseiller communautaire EELV à la CUB et adjoint au maire de Mérignac

Duflot
J’aime bien Cécile Duflot mais je pense qu’elle prend les journées d’été en otage avec son livre, or les Français attendent autre chose de nous. J’aurais préféré qu’elle fasse un livre de propositions plutôt que ce biopic de ses deux ans passés au gouvernement. Elle a une volonté de beaucoup personnaliser la politique, avec en ligne de mire son objectif pour la présidentielle. Je regrette aussi qu’elle ait quitté le gouvernement. Refuser le poste de n°2 du gouvernement, à savoir la transition énergétique, dans le pays le plus nucléarisé du monde qui est le nôtre, pour moi c’est incompréhensible. J’aurais préféré que l’on reste au gouvernement et qu’il y ait un clash sur un désaccord lié à des mesures ou à une loi. Du coup, aujourd’hui, on a beaucoup moins de force pour influer vu qu’on n’est plus au gouvernement. Par rapport à la question du nucléaire, Henri Proglio ne pouvait pas rêver mieux.

Valls
Pour moi, Manuel Valls n’est pas pire que Jean-Marc Ayrault. Ne le diabolisons pas plus qu’il ne le faut. On a supprimé les peines plancher sous Manuel Valls. Le problème, ce n’est pas le premier ministre, c’est un problème de gouvernance.

Mélenchon
S’il décide de prendre du recul, en quittant la co-présidence du Parti de gauche, c’est très bien. Mélenchon a beaucoup de talent. Le problème c’est qu’il est dans une posture excessive. Il est tombé dans les travers peu glorieux du cabotinage médiatique. Ça a un peu marché au début mais après, ça tournait en boucle. Il a essayé de faire le lien entre la gauche du PS et le PC alors qu’il a été pendant trente ans un apparatchik du PS. Avec le Front de gauche, il a essayé d’emprunter à l’écologie, qui d’ailleurs ne nous appartient pas, mais il a des différences fondamentales avec nous dans la doctrine et dans l’approche. Notamment sur la remise en cause de la croissance, de l’exploitation des ressources naturelles, ou encore du nucléaire. Même s’il a essayé d’évoluer sur le nucléaire.  

Bayrou, Juppé…
L’écologie doit s’adresser à l’ensemble de la société. On doit être en mesure de discuter avec l’ensemble des citoyens et donc l’ensemble des forces politiques, sauf celles anti-écolo bien sûr. Il y a des gens au centre qui peuvent être tout à fait fréquentables comme François Bayrou. Ou même à droite comme Alain Juppé. Le maire de Barsac (N.D.L.R. : Philippe Meynard) a mis à disposition des poulaillers, c’est une décision tout à fait écologiste. Il ne faut pas avoir peur que nos idées soient reprises, ce n’est pas pour ça qu’elles vont disparaître. Notre grand défaut, souvent, c’est qu’on ne parle qu’à nous-même. Or ce n’est pas en parlant aux 3 ou 4% d’écolos radicaux convaincus, que l’on va faire bouger la société. Je suis réaliste et pragmatique, j’ai toujours été sur cette ligne.

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