Politique | Le professeur d'histoire Hubert Bonin revisite les Tabous de l'extrême droite à Bordeaux
27/12/2012 | Hubert Bonin, professeur d'histoire économique contemporaine à l'IEP de Bordeaux, est l'auteur des Tabous de l'extrême droite à Bordeaux aux éditions Le festin

Adrien Marquet, maire de Bordeaux de 1930 à 1945, fut le premier ministre de l'intérieur de Pétain. Les Bordelais l'oublient volontiers.« Charles Maurras, et plus tard Tixier-Vingancour, venaient en meeting à Bordeaux pour rencontrer une grande ferveur d'extrême-droite. Ils remplissaient des salles de 2000-3000 personnes à Bordeaux! » raconte Hubert Bonin, lyonnais d'origine. Historien de vocation, il a gardé son esprit critique. « J'applique mon portefeuille de connaissances à des cas locaux », s'amuse l'historien qui a toujours refusé les connivences des dîners mondains de peur de s'enliser dans le conformisme.
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«L'antisémitisme est bien sûr animé par un sentiment inter-bourgeois catholique contre la banque protestante et juive. Mais on trouve des propos sidérants dans les archives municipales et une virulence récurrente hors période de fascisme qui prouve l'existence d'un terreau antisémite », explique l'historien qui a basé son travail sur des rapports de police détaillés, des archives privées, le journal Sud-ouest qui a produit des reportages abondants sur la campagne présidentielle du premier candidat d'extrême-droite, Tixier-Vignancour et les annuaires des archives qui décrivent sans pudeur les positions idéologiques des habitants.
« Mais à partir de 1960 les dictionnaires biographiques sentent la poudre de gomme ! », s'amuse Hubert Bonin. Par exemple, la famille St-Marc, connue pour avoir fait fortune dans les lessives et pour son grand gaulliste Renaud Denoix de St-Marc, patron du Conseil d'Etat, l'est moins pour celui qui fut leader de l'extrême droite bordelaise dans les années 60 disparu des registres municipaux et départementaux. « Il y aurait de "bons" membres de dynasties et des "moutons noirs"», écrit Hubert Bonin soulignant le côté caché d'une ville qui veut paraître « modérée » ,« sans sentiments extrêmes. »
Pas de détermination idéologiqueHubert Bonin distingue la droite dure, construite autour de valeurs et de traditions, de la droite-extrême qui s'oppose au régime en place dans un mouvement de démolition. « Certains leaders de la droite dure, comme Georges Mandel, n'ont pas commis le pas. D'autres, comme Henriot, ont abandonné leur corpus de valeurs humanisto-religieuses pour se tourner vers la dénonciation des minorité et la violence, mais il n'y a pas de pré-détermination idéologique », explique Hubert Bonin
Il prend pour exemple les choix différents de François Mauriac et de son frère Pierre, professeur de médecine à l'université et animateur de l'extrême droite dans les années 30-40. Ou encore, la famille Marie-Brizard dont une partie finançait la droite modérée, quand l'autre finançait l'extrême droite. La seule constante d'extrême-droite que révèle le professeur à l'Institut d'études politiques se trouve dans les professions du droit à Bordeaux. « On constate dans les grandes places de Droit, comme Bordeaux et Paris, un goût pour les traditions avec cette idée sous-jacente que l'ordre social est préservé par un ordre juridique. »
Hubert Bonin, Les Tabous de l'extrême droite à Bordeaux, éditions Le Festin, 20 €
Par Olivier Darrioumerle
Crédit Photo : Aqui.fr