La décentralisation,une réforme à l’avenir bouché ?


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Temps de lecture 3 min

Publication PUBLIÉ LE 31/10/2013 PAR Solène MÉRIC

Contrairement à ce que l’on pourrait croire, ce n’est pas parce que des projets de lois portant renforcement de la décentralisation sont actuellement en débat à l’Assemblée nationale et au Sénat, que la décentralisation de l’Etat français va vers un avenir brillant. Plus les débats législatifs avancent, plus il serait, semble-t-il, autorisé d’en douter… C’est, en tout cas, ce que semble constater les participants à la table ronde de ce jeudi matin, plutôt pessimistes sur le sort de cette réforme. Même point de vue pour Stéphane Bussone, Président régional Aquitaine du Syndicat National des Directeurs Généraux des Collectivités Territoriales (organisateur de l’évènement), et par ailleurs, Directeur Général des Services de Saint-Jean-de-Luz. «Quand nous avons eu connaissance de l’avant projet de loi de décentralisation, c’est un projet qu’au départ nous avons soutenu. Mais depuis, au fils des discussions le texte s’est à la fois dilué dans ses objectifs et complexifié dans ses dispositifs».

« Un piège abscon »Pour preuve, avant même d’évoquer le fond, d’un seul avant-projet de réforme, cet acte 3 de la décentralisation, s’est vu «saucissonner en trois projets de loi», selon la formule d’un intervenant de la matinée. Une complexification aussi sur les dispositifs portés par cette réforme. Et Stéphane Saubusse de citer l’exemple de la future Métropole, actuellement débattu au Parlement. Celle-ci va être constituée de cinq instances, auxquelles devront siéger les Maires. «Le projet voulait à l’origine rendre la décision plus proche du citoyen, davantage inscrire les maires dans la proximité, donner plus de lisibilité politique… Là on n’y est pas; au contraire, au fil des intérêts des uns et des autres, on s’éloigne des citoyens, c’est un piège abscon».

Un piège abscon qui s’explique, selon les intervenants, par deux raisons principales. La première émane de l’Etat, qui voit dans la décentralisation davantage l’opportunité d’un transfert de charges, et d’une économie budgétaire qu’une réelle réforme de la structure étatique, et souhaite donc pouvoir «garder une oeil» sur les collectivités. Une «surveillance» qu’il conserve de fait, en refusant d’accorder à ces collectivités l’indépendance fiscale. Autre aspect souligné par les trois intervenants, les élus eux-mêmes. Tant au niveau local qu’au niveau national et plus encore, ce qui est souvent le cas, lorsqu’ils sont les deux à la fois. « Beaucoup d’élus veulent garder leur prérogatives, et dans le même temps, ne veulent pas endosser toutes les responsabilités » assure l’ancien Préfet de Région Christian Frémont. Par temps de crise, ils en laissent volontiers à l’Etat. Mais «à vouloir satisfaire un peu tout le monde, l’ensemble perd de sa cohérence» analyse les experts.

« Tricotages et détricotages »Plus globalement parlant, « la France n’est pas culturellement apte à admettre la régionalisation qui devrait être la suite logique de la décentralisation », synthétise Jean-François Brisson. Contrairement à ses voisins européens, italien, espagnol, allemand, qui sont des Etats composés, fédéraux ou régionaux, la France, fait du «bricolage». Un bricolage, qui engendre cette organisation d’entre-deux, parfois un peu bancale, lourde et compliquée d’«Etat décentralisé».

Pour autant, l’universitaire, veut mettre un peu d’optimisme dans ce constat en soulignant que commence à apparaître une logique de coordination des collectivités par bloc de compétences, bien que celle-ci ne soit pas encore tout à fait sauvée « des tricotages et détricotages des textes » entre Assemblée Nationale et Sénat… Une coordination qui passe de plus en plus par la notion de contractualisation entre les différents étages de la décentralisation. Un outil qui pourrait, à terme, permettre d’affirmer de plus en plus un leadership de l’échelon régional sur le territoire… mais avant de parler de l’avènement de la régionalisation de la France, les rencontres des dirigeants de collectivités d’Aquitaine ont quelques éditions devant elles.

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