La Gironde fait les comptes du Covid-19


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Temps de lecture 4 min

Publication PUBLIÉ LE 29/06/2020 PAR Romain Béteille

C’est une première, et elle risque de coûter cher. Ce lundi 29 juin, le département de la Gironde s’est réuni en assemblée plénière pour modifier son budget primitif face aux conséquences du Covid-19. La collectivité l’affirme : les dépenses supplémentaires ont été considérables « dans de nombreux domaines et les projections montrent un accroissement important pour les mois à venir ». Au moment de faire les comptes et de tout regrouper, le bilan, encore provisoire, de la crise affiche un coût total de plus de 95 millions d’euros dont 25 millions d’euros de dépenses concrètes.

Elles sont dues pour beaucoup à l’augmentation des dépenses, qu’elles se situent au niveau de la protection de l’enfance (+1,5 M€), des aides à domicile (+6,2 M€) ou du RSA (+9M€). Huit millions d’euros ont également été dépensés pour l’achat de matériel de protection (masques, blouses, gel) et un million adopté en soutien aux associations et au monde culturel.  Les 70 millions restants sont en fait un manque à gagner causé par la baisse des droits de mutation, des revenus perçus par les collectivités lors de ventes immobilières : cette baisse est chiffrée à -16%. En tout, les dépenses de solidarité sont en hausse de 31,5 millions d’euros, elles atteignent 952 millions sur un budget total de 1,645 milliards d’euros. 

Sous conditions

À ce constat s’ajoute la mise sous contrainte, déjà effective, de l’évolution des dépenses de fonctionnement par le Pacte de Cahors, qui a fixé leur augmentation à un maximum de +1,2%. L’an dernier, la Gironde avait eu une sanction de 12,8 millions d’euros pour ne pas avoir respecté ces contraintes, et le président (socialiste) du département Jean-Luc Gleyze n’avait pas manqué, tout comme son vice-président aux finances, d’en dénoncer les effets autant que la logique. Face à ces 94 millions, le premier a semble-t-il trouvé une parade pour diminuer un peu les coûts de l’opération : conditionner sa présence pendant la crise à une ristourne financière.

« La préfète a sollicité à plusieurs reprises le département pour qu’il soit présent, y compris au-delà de ses compétences. Parfois, nous avons nous-même compensé les carences. Il me semble injuste que nous ayons une reprise financière sur les dépenses du monde d’avant. C’est pour ça que j’ai demandé la réaffectation de ce qu’on devait nous prendre en pacte de Cahors sur le portefeuille de dépenses du Covid, c’est à dire 32 millions d’euros », a ainsi souligné l’élu.

« Nous avons besoin de trouver des solutions financières. Nous avons interpellé l’État en demandant une aide exceptionnelle, voire une aide pérenne dans le temps. Pour l’instant, la réponse n’est pas à la hauteur. Il nous accorde des avances remboursables mais les recettes ne reviendront pas par la suite, il faudrait donc avoir une aide financière réelle. A partir du moment où l’État peut dégager des milliards d’euros pour l’économie, je ne vois pas pourquoi il ne serait pas attentif à la situation des collectivités territoriales ». 

Crise décentralisée

Opération risquée pour le département, donc : réaffecter les sommes dues à l’État dans le cadre du non-respect de ce plafonnement de dépenses de fonctionnement à une ligne budgétaire supplémentaire et forcément imprévue. Cette décision, après vote en plénière, doit encore être acceptée et validée par la préfète de Nouvelle-Aquitaine, Fabienne Buccio. Si ce n’est pas le cas ? Le trou pourrait être d’autant plus grand. « Si on nous prend ces recettes, on sera obligé de demander à l’État un prêt pour payer cette somme. C’est surréaliste », dénonce Jean-Marie Darmian, jamais très loin d’une calculette. Mais les dépenses assumées par le département et qui, ne cesse de redire Jean-Luc Gleyze, devraient l’être par l’État, pourraient jouer en sa faveur. C’est notamment le cas de l’hébergement lié à l’aide sociale à l’enfance (+18M€) et les fonds supplémentaires dédiés à la Prestation de Compensation du Handicap (+7M€), tous deux pour compenser « le manque de place dans des structures étatiques ». 

Il faudra cependant suivre les discussions dans les semaines à venir pour savoir si ce vote deviendra ou non réalité. Il intervient en tout cas dans une conjecture évidemment singulière pour les départements. 66 présidents de départements ont récemment signé une tribune appelant à une plus grande décentralisation, histoire de légitimer davantage leur rôle, accru par la crise. Le Président de l’Assemblée des départements de France, Dominique Bussereau, auditionné le 9 juin dernier au Sénat, arrivait peu ou prou à la même conclusion : la crise a apporté des arguments supplémentaires à une redistribution des cartes. Elle pourrait se faire mais, de l’aveu de Jean-Luc Gleyze, non sans conditions préalables.

Assumer l’essentiel 

« Il faut assumer correctement nos compétences avant d’en prendre de nouvelles. Des présidents de département ont en effet revendiqué le fait de pouvoir aider l’activité économique pendant la période du Covid. Je n’ai pas fait ce choix parce que nous avions d’abord nos compétences obligatoires à assumer et que c’était une priorité. Si nous devons repartir sur l’économie, il faudra nous donner les moyens nécessaires, on ne peut pas imaginer un transfert de compétences sans transfert de moyens. Je veux bien examiner une vraie logique de décentralisation mais mettons d’abord le cadre sur la table avant de regarder ce que nous pouvons prendre en charge ».

En prend-on vraiment le chemin ? La commission des finances du Sénat, qui a publié une note de conjoncture fin mars, tablait de son côté sur une perte de recettes de près de 5 milliards d’euros pour les collectivités locales. Les départements, dont une grande partie des recettes sont de nature fiscale (dont les droits de mutation font partie), pourrait essuyer la plus grande partie des plâtres : une baisse de recettes de 3,4 millions d’euros pour l’hypothèse la moins optimiste. Après le front sanitaire, il faudra donc batailler sur la ligne financière. Pas sûr que les discours nationaux face à cette nouvelle « résilience » soient les mêmes.

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