La Rochelle : Gérard Larcher répond « aux questions qui fâchent »


Anne-Lise Durif
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Temps de lecture 5 min

Publication PUBLIÉ LE 07/09/2018 PAR Anne-Lise Durif

Parmi les récriminations : l’inadaptation de la réforme territoriale, la perte de compétences des collectivités, la baisse des dotations de l’Etat – en particulier dans le social – , la suppression de certaines taxes foncières, le sentiment d’abandon des zones rurales ou encore la prise en charge, pesante, par les Départements des mineurs étrangers non accompagnés. Les termes durs pour fustiger l’Etat n’ont pas manqué, traduisant la colère et le sentiment d’impuissance des élus picto-charentais. Le président du département des Deux-Sèvres, Gilles Favreau, n’a pas hésité à qualifier l’Etat d’ « administration devenue omnipotente », avec un exécutif prenant le dessus sur les parlementaires. « On a l’impression d’être à la merci de décisions purement administratives. […] Le Pacte financier, en particulier, est un marché de dupes pour les Départements. Comment voulez-vous qu’un Département consente aujourd’hui à accepter une convention supposée bilatérale avec un Etat qui lui impose de facto une réduction des dépenses de fonctionnement, tout en gardant dans une main le pouvoir de modifier les dépenses de fonctionnement qui vont déterminer le taux de réduction des dépenses pour l’année qui arrive ? Tout cela n’est pas sérieux. […] Les élus locaux souffrent, cette situation doit cesser », a-t-il martelé, appelant à une phase de « concertation et de conciliation ».

 Gilbert Favreau à la Maison de la Charente-MaritimeGilbert Favreau a appelé à une phase de concertation entre les collectivités locales et l’Etat.

Le 1er vice-président du département et président de la Cdc de l’Ile de Ré, Lionel Quillet, a enfoncé le clou en traduisant le sentiment d’abandon et de frustration des élus locaux, à force de suppressions de compétences et de moyens financiers. « Je trouve que ça traduit un manque de confiance vis-à-vis des collectivités sur nos capacités de gestion », a-t-il asséné dans un vibrant plaidoyer. « Même si nous faisons bien les choses, un jour nous n’aurons plus les moyens de les faire […] Mais qui va s’occuper des territoires ruraux le jour où les Départements ne seront plus là ? ».

Le président de la communauté de communes de Marennes, Mickaël Vallet, a quant à lui ramené le débat à une vision plus globale des choses : « Le seul vrai sujet, c’est la question de la présence ou de l’absence de la puissance publique, qu’elle soit exercée par les Départements, la Région ou l’Etat.  Est-ce que ce sont les grands groupes qui décident de l’aménagement territorial ou est-ce que c’est la puissance publique qui décide encore de son aménagement du territoire? »

Lionel QuilletLionel Quillet a traduit le sentiment d’impuissance des collectivités face à leurs pertes de moyens, administratifs et financiers. 

« Le Département n’est pas une nostalgie »

« Le Département n’est pas une nostalgie. Ce n’est pas non plus une collectivité qui aurait survécu à la guerre de 2014 pour ensuite se fondre et disparaître. Je crois que Département est profondément un repère, une proximité et un besoin […] des concitoyens », a tenté de rassurer d’emblée Gérard Larcher.  « On le voit dans une région comme la vôtre, multipliée par trois, du moins en trois régions agglomérées, où sans les Départements, l’ensemble de ce territoire serait en quelque sorte démembré ». Concernant la loi Notre, il a admis que son écriture et sa mise en application s’étaient faites un peu vite et « dans un état de tension important avec les collectivités territoriales », qui sortaient déjà de « huit ans d’instabilité et de réformes successives ». « Aujourd’hui, on doit faire des ajustements », a-t-il concédé. « L’objectif aujourd’hui est de retrouver un dialogue apaisé et en vérité entre l’Etat, les communes et les Départements ». Il s’est d’ailleurs dit favorable à l’idée du Président de la République d’organiser une conférence nationale du territoire, mais pas à n’importe quelles conditions – c’est-à-dire pas sans concertation  des acteurs concernés comme les Régions, l’ADF, etc, non invités au congrès de cet été. Gérard Larcher a tout de même promis une loi pour permettre « des délégations de compétences entre collectivités, entre régions et départements, notamment sur le domaine des mobilités, sur le terrain du développement et d’un certain nombre d’activités. Le texte est prêt, il a juste besoin d’un ajustement législatif ».

Gérard Larcher, Dominique Bussereau et Corinne Imbert

Gérard Larcher s’est tenu tout au long de l’audience aux côtés de Dominique Bussereau et de la sénatrice Corinne Imbert

Le devoir de l’Etat de reprendre ses responsabilités régaliennes

Il a également exprimé son accord avec les élus concernant le devoir de l’Etat de reprendre à sa charge les financements des politiques sociales et de la prise en charge des mineurs étrangers isolés. « Le président de la République a annoncé au congrès un nouvel horizon social mais il n’y a eu nulle concertation avec les Départements ou les collectivités territoriales », regrette-t-il. Concernant les mineurs accompagnés, Gérard Larcher a souligné qu’à partir du moment où les mineurs étrangers non accompagnés venaient tous d’un même pays, on pouvait soupçonner l’existence d’une filière de passeurs, et que la question était donc de la responsabilité régalienne. « Je sais que vous avez progressé dans vos discussions avec le ministre. Maintenant il va falloir que ça se traduise d’une manière concrète », a-t-il déclaré en se tournant vers le président de l’association des Départements de France, Dominique Bussereau.

Gérard Larcher a également tenu à répondre in situ à Gilbert Favreau concernant la contractualisation financière. « La commission des finances du Sénat est plutôt favorable au principe de contractualisation plutôt qu’à l’utilisation de rabot… A condition que ce ne soit pas une logique à sens unique, avec un contrat éthique ». Des réflexions vont être conduites en ce sens au Sénat, a-t-il assuré. Interpellé par les élus de la communauté de communes de Haute Saintonge sur la perte de taxes de séjours au profit de sites internet proposant de l’hébergement, Gérard Larcher s’est engagé à lancer également une réflexion sur le sujet, dans le cadre de la loi de finances.

Gérard Larcher a promis qu’il serait aussi vigilant sur les réformes concernant l’évolution de la fonction publique territoriale, qu’il trouve plutôt « en régression qu’en progression depuis deux ans ». Il n’est pas non plus convaincu que « la réorganisation qui a renforcé la préfecture de Région ait été lumineuse car on a affaibli l’état départemental […] au détriment de la proximité. »

Pour répondre à Mickaël Vallet, Gérard Larcher a conclu par ces mots : « Nous sommes tous des éléments de la puissance publique et moi je crois plutôt en l’Etat. […] Les élus locaux ont besoin de la présence de l’Etat et ce n’est pas opposer centralisation et décentralisation. On peut faire confiance aux territoires et avoir un Etat fort.»

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